Le tandem Michel Aoun-Gebran Bassil et le Premier ministre désigné Nagib Mikati semblent s’approcher de plus en plus du point de non-retour. La journée d’hier a ainsi témoigné d’un nouveau round de la querelle entre les deux parties. Le chef du Courant patriotique libre s’en est pris une nouvelle fois à M. Mikati, une démarche à même de retarder encore plus la formation d’un nouveau gouvernement. En face, le Premier ministre désigné est lui aussi monté au créneau, se lavant les mains de toute accusation de blocage.
Dans une vidéo postée hier sur son compte Twitter, Gebran Bassil a tiré à boulets rouges sur le chef du gouvernement sortant, l’accusant de ne pas vouloir accomplir sa tâche. « Il est clair qu’il (Nagib Mikati) ne veut pas former un nouveau cabinet, et il l’a reconnu devant tous les ministres avant d’être désigné », a lancé le leader du parti orange. « Le cabinet ne se forme pas entre un yacht et un avion, ni entre la Grèce et l’Angleterre, mais au palais de Baabda, entre le chef de l’État et le Premier ministre désigné », a ajouté M. Bassil dans une critique du déplacement de M. Mikati à Londres pendant le week-end de la fête d’al-Adha. Un voyage précédé par un appel téléphonique entre MM. Aoun et Mikati. Selon le chef du courant aouniste, le Premier ministre désigné juge inutile la formation d’un nouveau gouvernement au vu du temps restant avant l’élection d’un nouveau président de la République pour succéder à Michel Aoun, dont le mandat prend fin le 31 octobre. « En résumé, ils ne veulent pas de gouvernement qui travaille sous ce mandat », a fustigé le gendre du chef de l’État.
Cette attaque verbale de M. Bassil contre le Premier ministre désigné dénote de la volonté de Baabda et de son camp de ne pas se plier aux desiderata de M. Mikati, même si le président joue le tout pour le tout maintenant que son mandat touche à sa fin. En face, se dresse un Nagib Mikati détenant à la fois la carte de la formation du gouvernement et de l’expédition des affaires courantes. C’est fort de cette position avantageuse qu’il a répondu hier dans un communiqué à M. Bassil sans le citer, appelant la présidence à collaborer avec lui pour mettre en place une nouvelle équipe. Il a en outre confirmé les informations rapportées dans les médias concernant sa demande d’entretien, le mardi 5 juillet, avec le chef de l’État, à laquelle le palais présidentiel n’aurait jamais donné suite.
Dans les milieux du Sérail, on inscrit les propos de M. Bassil dans la continuité des attaques du CPL contre M. Mikati. « Il s’agit d’une claire tentative de renvoyer la balle dans le camp de Nagib Mikati, alors que ce dernier a accompli son devoir », commente pour L’Orient-Le Jour Ali Darwiche, ancien député de Tripoli proche du chef du gouvernement désigné. Il fait référence à la combinaison ministérielle que le milliardaire sunnite a remise au chef de l’État le 29 juin dernier. Sauf que cette formule s’était heurtée à ce qu’un proche de Baabda appelle « des remarques » de la part de M. Aoun. Ce dernier s’était opposé à cette liste, en raison notamment du remplacement de Walid Fayad (grec-orthodoxe, proche du CPL) par l’homme d’affaires sunnite Walid Sinno. Pour sa part, M. Mikati demeure, selon son communiqué, attaché à cette mouture qui constitue « le cadre adéquat pour les négociations avec le président de la République ».
Démission des ministres CPL ?
La nouvelle diatribe de M. Bassil intervient alors qu’une probable démission des ministres gravitant dans l’orbite du CPL et de Baabda, en guise de pression, est déjà évoquée dans les coulisses. « C’est une des options dont nous disposons. Mais je crois qu’il est encore tôt de jouer cette carte », se contente de réagir un ex-parlementaire du parti aouniste. « M. Mikati ne peut pas continuer à agir de la sorte, surtout qu’il a besoin de nous pour obtenir la confiance de la Chambre », lance de son côté May Khoreiche, vice-présidente du CPL pour les affaires politiques. Entre-temps, L’Orient-Le Jour a appris que des efforts seraient actuellement déployés pour défricher le terrain devant une nouvelle réunion entre MM. Aoun et Mikati en vue d’accélérer le processus gouvernemental. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, des propositions sont examinées dans les coulisses. L’une d’elles prévoit que l’Énergie soit retirée du camp de la présidence, qui obtiendrait en échange... l’Industrie ou l’Éducation. Une option rejetée, selon notre chroniqueur, par la présidence qui réclamait le portefeuille de l’Intérieur si la rotation devait être appliquée à tous les ministères de poids.
commentaires (13)
Soyons brefs. Tout le problème vient du beau-père et de son gendre. Nagib Mikati est chargé de former le gouvernement. C’est à lui, et à lui seul, de choisir ses ministres. M. Mikati ne veut pas de Gebran Bassil, ni au Ministère des Affaires étrangères ni à celui de l’Energie. Aux lecteurs de juger !
Un Libanais
18 h 58, le 15 juillet 2022