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Politique - Interview

Anne Grillo : La France n’a pas de candidat pour la présidentielle libanaise

À l’occasion du 14 Juillet, l’ambassadrice de France au Liban a accordé une interview à plusieurs journaux dont « L’Orient-Le Jour ». Dans celle-ci, elle appelle le Liban à « prendre le train de l’histoire » et à regarder « la réalité en face ».

Anne Grillo : La France n’a pas de candidat pour la présidentielle libanaise

Photo tirée du site de l’ambassade de France au Liban.

La situation ne cesse de se dégrader sur les plans économique et financier. La trajectoire peut-elle être encore inversée ?

Le Liban est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est confronté à une crise économique et financière extrêmement profonde, mais qui reste réversible si des mesures sont prises, avec tout l’enjeu de l’accord avec le FMI. Il y a un processus politique important avec la tenue des élections législatives puis de la présidentielle et, l’année prochaine, des municipales. La capacité du Liban à tenir son agenda électoral sera un signal important envoyé à la communauté internationale, d’autant que dans le même temps, les autorités libanaises lui demandent beaucoup en termes d’aides. Aujourd’hui, vous avez tous les atouts, mais vous devez prendre le train en marche sinon il avancera sans vous. Il faut regarder le monde en face et prendre conscience qu’il a profondément changé le 24 février dernier avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Sur le plan régional, le Liban n’est pas la priorité du moment. Le président français, Emmanuel Macron, fait face à un contexte européen, régional et mondial bien différent. Il a envie d’aider le Liban mais a toujours été clair qu’il n’était pas possible de se substituer aux autorités libanaises.

C’est le discours que vous tenez depuis votre arrivée, il y a deux ans. Mais les autorités libanaises ne semblent pas y être très sensibles...

Quand je suis arrivée, on m’a dit : « Le FMI no way. » J’ai répondu : « Tant mieux si vous pouvez vous en passer, mais est-ce que vous allez mettre en œuvre des réformes ? » Ce que je constate, deux ans plus tard, c’est qu’avec un travail acharné, il y a eu un accord technique le 7 avril dernier. C’est la première fois dans l’histoire de ce pays qu’il y a un document. Il y a des résistances, oui, mais qui commencent à entrer dans la raison puisqu’il n’y a plus rien à partager. Il n’y a plus d’argent, et le principe de réalité commence à s’imposer. Ce sont des dynamiques fragiles, je ne suis pas naïve, mais elles sont là et c’est bien la première fois.

Quelles seraient les conséquences d’une absence d’accord avec le FMI ?

Il n’y aura plus d’argent pour payer des denrées, pour payer l’électricité, pour les professeurs, les aides-soignants, les forces de sécurité. L’argent public est constitué aujourd’hui des réserves de la banque centrale. Et ces réserves, il n’y en aura plus. C’est juste la réalité.

Les élections législatives ont mis en exergue plusieurs dynamiques nouvelles dans le pays. Est-ce que la France a réajusté sa politique en conséquence ?

Il n’y a pas eu de réajustement. Au contraire, cela nous a plutôt confortés dans la position que nous avions prise au départ. Nous avons toujours été clairs : il y a un agenda électoral, il doit être mis en œuvre.

La logique est-elle la même pour la présidentielle ?

Les élections législatives se sont tenues à la date prévue. Nous avions été très fermes sur le fait que nous allions être extrêmement vigilants. Désormais, notre position, partagée par tous les partenaires européens et internationaux, est très claire : la présidentielle est prévue cette année et elle doit se tenir dans les délais constitutionnels. Je l’ai dit à l’ensemble des personnalités politiques, à commencer par le président du Parlement, Nabih Berry. Nous serons très vigilants à la bonne tenue de l’élection. Et il n’est pas question pour nous de préempter d’ores et déjà une quelconque issue de cette élection tant qu’à ce jour, à ma connaissance, aucun candidat ne s’est officiellement déclaré.

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Donc la France n’a pas de favoris ?

La France n’a absolument pas de candidats. Et il n’y a de toute façon pour l’instant pas de candidats déclarés. Il n’y a pas, non plus, d’initiative internationale, à ce jour, visant à aider les Libanais à élire un président de la République. Pour une fois, il serait bien que les Libanais s’organisent entre eux. Ils en ont pleinement la capacité.

Mais en face vous avez un pays, l’Iran, qui n’hésitera pas à interférer et à organiser son camp pour défendre son candidat.

Je n’ai pas les éléments, à ce jour, qui me permettent de dire que l’Iran soutient telle ou telle personne. Et personne ne les a. Ce sont des supputations très préalables, avant d’esquisser des scénarios. Je reviens à ce que je disais : il est temps que les Libanais discutent entre eux et apprennent à se parler.

Vous ne craignez pas que cette élection soit reportée ?

Rien ne me permet de dire pour l’instant qu’elle ne va pas se faire. Personne, en tout cas, ne s’est aventuré à me dire que ce sera compliqué alors que c’est un discours que j’avais beaucoup entendu sur les législatives.

Photo ANI

Pouvez-vous dessiner le profil que le futur président devrait avoir ?

Il faudra un président qui rétablisse l’autorité du Liban, la voix de ce pays à l’étranger dans un monde qui a beaucoup changé. Compte tenu de la crise économique que vit ce pays, de la défiance abyssale exprimée par les Libanais en octobre 2019, il faudra que ce soit un président qui ait cela à l’esprit et qui puisse préserver la cohésion du pays et gérer les multiples crises.

Donc, de préférence, un président qui n’est pas sanctionné par la première puissance mondiale ?

C’est vous qui tirez les conclusions, mais ne me les attribuez pas. Moi, je ne fais que dresser un profil.

La France prévoit-elle d’organiser une nouvelle conférence internationale sur le Liban ?

Je lis et j’entends beaucoup de choses, mais il n’y a pas, à ce jour, de conférence internationale à l’initiative de la France. Nous en avons tout de même fait trois en l’espace de deux ans. La priorité pour la France à l’instant, c’est que le Liban se concentre sur ses échéances.

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La France joue désormais un rôle dans le dossier de la démarcation de la frontière maritime avec Israël. Pensez-vous que les négociations pourront aboutir prochainement ?

C’est difficile de fixer une date butoir. Le principe de toutes les négociations sur les frontières, c’est que vous touchez à l’avenir et à la souveraineté d’un pays. Mon sentiment, c’est que je pense que les deux parties sont près du but. De façon circonstanciée, le Liban n’a jamais été aussi proche d’un accord.

Vous sentez, côté libanais, une envie de conclure un accord ?

Oui, et je sens qu’il y a une prise de conscience par rapport à il y a deux ans. Dans la mer, il peut y avoir des ressources, même si personne ne le sait pour l’instant. Mais tant que vous ne sécurisez pas, vous vous privez potentiellement d’explorer d’éventuelles réserves gazières. Et au-delà de ces potentielles ressources, un pays qui est capable de façon responsable de conclure une négociation, c’est un signal de confiance envoyé aux investisseurs. Ne pensez pas, néanmoins, que si l’accord est conclu, cela vous exonérera de continuer d’assainir en parallèle votre système économique et financier. Certains me disent : « Si on trouve du gaz, on n’a pas besoin du FMI. » C’est un complément important, mais cela ne peut être la réponse à tous les maux du Liban, d’autant qu’une exploration en eau profonde, c’est minimum dix ans.

L’envoi de drones par le Hezbollah à proximité du champ de Karish ne risque-t-il pas de tout faire capoter ?

C’est irresponsable, et nous l’avons dit à qui de droit.

La situation ne cesse de se dégrader sur les plans économique et financier. La trajectoire peut-elle être encore inversée ? Le Liban est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est confronté à une crise économique et financière extrêmement profonde, mais qui reste réversible si des mesures sont prises, avec tout l’enjeu de l’accord avec le FMI. Il y a un processus politique...

commentaires (8)

La france devrait geler les avoirs de nos politiciens voleurs en france et en Europe Au lieu de faire les saltimbanques et de nous vendre des châteaux en Espagne

Robert Moumdjian

06 h 06, le 15 juillet 2022

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Commentaires (8)

  • La france devrait geler les avoirs de nos politiciens voleurs en france et en Europe Au lieu de faire les saltimbanques et de nous vendre des châteaux en Espagne

    Robert Moumdjian

    06 h 06, le 15 juillet 2022

  • Traduction de l'interview : le cancer s'est propagé dans le corps du pays. La France n'a pas de Merlin à suggérer, avant la fin morbide le morcellement de la dépouille se fera même avant le trépas... Merci Dr.

    Wlek Sanferlou

    23 h 42, le 14 juillet 2022

  • La France par la voix de son ambassadrice n’a jamais eu l’intention de laisser tomber notre pays. Elle est dans sa "prudence diplomatique", sachant que les prises de position pour l’un ou l’autre candidat a un prix très élevé en terme d’"accident violent", ou de riposte, alors que l’enjeu est de soulever le pays du marasme économique.

    Nabil

    16 h 10, le 14 juillet 2022

  • MAUVAIS SIGNE. LA FRANCE LAISSE AINSI OUVERTE LA VOIE AUX DEUX CANDIDATS PYGMEES HAIS POUR DES RAISONS DIFFERENTES MAIS AUSSI LES MEMES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 41, le 14 juillet 2022

  • Elle a parfaitement raison l'ambassadrice que la France n'a pas un favori pour la présidentielle et elle rejoint parfaitement les déclarations du Patriarche qu'il est temps que les Libanais prennent leur destin en main, se "distancier" de toute influence étrangère . Je crois que le temps est révolu pour les candidats sous couverture d'une telle puissance régionale ou internationale. Mais comment procéder à des élections dans les délais, là, je crois que l'ambassadrice pourra jouer et ce n'est pas sûr, les go between.

    Nabil

    13 h 13, le 14 juillet 2022

  • Les occidentaux font mine d’ignorer les parties vendues qui empêchent toute solution. Ils adoptent tous la langue de bois espérant récolter le fruit de leur complicité avec ces fossoyeurs. Ils ne sont pas dupes ou alors le sont ils. Je leur rappelle que si une solution sera trouvée avec tout le staff mafieux, et même si l’extraction des ressources enfuies comme elle dit dans le tréfonds marin, il ne faut espérer ni gaz ni huile de coude tant que ces voleurs vendus sont là. S’ils s’accrochent au pouvoir malgré le manque d’argent, c’est qu’ils misent sur le long terme et entendent leur faire du chantage pour que seuls eux et leurs alliés en soient les bénéficiaires en se dorant la pilule et empochant le jackpot à coups de milliards comme ils ont déjà fait et n’s’entendent céder la poule aux œufs d’or à aucun patriote ni personne compétente pour sortir ce pays de la mouise. Ils sont naïfs et continuent leur politique d’autruche en déclarant que seuls les libanais sont maîtres de leur sort alors qu’ils savent très bien que ces derniers sont pris en otage par les iraniens et les autres puisqu’ils sont les seuls à posséder des armes pointées sur leurs tête. Alors Madame, merci pour votre discours qui se veut neutre et déculpabilisant mais les libanais savent que personne n’a l’intention de les sauver et acceptent dorénavant l’idée d’être abandonnés à leur sort à cause de la lâcheté des fossoyeurs qui les prennent en otages avec la complicité des grandes puissances. Message reçu.

    Sissi zayyat

    11 h 33, le 14 juillet 2022

  • Les déclarations des ambassadeurs de grandes puissances sont esquissées sous la forme de "disclaimer" (décharge), pour ne pas être critiqués et attaqués sur leurs rôles passifs, et parfois actifs, dans la destruction du Liban. Si les grandes puissances menaceraient de suspendre les pays voisins, et l'autre lointain, de l'ONU à cause de leurs ingérences, la paix sera imposée au Liban. Au contraire, le Liban depuis 1967 est devenu une soupape de compression de la crise arabo-israélienne et cela plaît grandement à l'Occident. Il est piquant de constater que les arabes qui ont embourbé le Liban dans le conflit, pacifient leurs relations avec l'ennemi juré et laissent le peuple du Liban comme une proie à tous ceux qui possèdent des mâchoires parmi les prédateurs.

    Céleste

    08 h 42, le 14 juillet 2022

  • Un discours tout à fait honnête et qui demande en somme aux libanais de finalement prendre leurs responsabilités, au lieu du narratif victimaire ambient. Mais il n’est de pis sourd qui ne veut entendre. Pauvres libanais, ils ne sont pas au bout de leurs peines…

    Mago1

    05 h 31, le 14 juillet 2022

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