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Politique - Décryptage

Boukhari chez Fayçal Karamé : une nouvelle politique saoudienne ?

La visite, il y a une semaine, de l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban Walid Boukhari à l’ancien député Fayçal Karamé a marqué les milieux politiques tripolitains. D’autant que contrairement aux autres rencontres du diplomate saoudien dans la grande ville du Nord, elle a duré plus de deux heures et, selon les présents, elle s’est déroulée dans un climat cordial, voire chaleureux. Il est vrai que traditionnellement les relations entre la famille Karamé et les autorités saoudiennes ont toujours été bonnes, mais le timing de cette visite reste porteur de messages politiques.

L'édito de Issa GORAIEB

Abraham new-look

Il faut rappeler que cette visite a eu lieu après l’effondrement d’un immeuble dans le quartier de Kobbé, le 26 juin dernier, qui avait causé la mort d’une petite fille et provoqué une grande colère chez les Tripolitains, qui ont eu le sentiment d’être abandonnés à leur sort. Toutefois, le Hezbollah et ses alliés dans le Nord se sont empressés d’apporter leur aide aux familles frappées par ce drame. Aussitôt, des personnalités politiques et religieuses influentes dans la ville avaient appelé les autorités saoudiennes à ne pas abandonner Tripoli et ses habitants qui se sentent lâchés par presque tout le monde. C’est dans ce contexte que l’ambassadeur Boukhari s’est rendu à Tripoli le 6 juillet et a consacré sa première visite dans la ville à Fayçal Karamé, considéré pourtant comme un « pilier » de l’alliance du 8 Mars. En effet, Fayçal Karamé n’a jamais caché son appui au Hezbollah et encore moins son hostilité au chef des Forces libanaises Samir Geagea, devenu aujourd’hui le premier allié des Saoudiens au Liban.

Comment dans ce cas interpréter la démarche du diplomate saoudien ? De sources tripolitaines concordantes, durant l’entretien de plus de deux heures entre Fayçal Karamé et M. Boukhari, il a été question de relancer l’alliance entre le courant que l’ancien député représente et les autorités saoudiennes. Toujours selon plusieurs sources, il n’a été question ni du Hezbollah ni des Forces libanaises. Mais il était clair, selon le contenu de la conversation, que les Saoudiens souhaitent revenir dans la région du Nord, après lui avoir tourné le dos pendant des mois, voire des années.

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Selon plusieurs milieux tripolitains, tout au long de la période électorale, les Saoudiens avaient en effet concentré leurs efforts sur l’importance de pousser les électeurs sunnites à se rendre aux urnes, mettant même à contribution le mufti de la République et les cheikhs dans les régions pour atteindre cet objectif. Les Saoudiens avaient même choisi d’appuyer l’ancien président du Conseil Fouad Siniora pour prendre le relais du chef du courant du Futur Saad Hariri qui a boycotté les législatives. Pour le royaume, un des enjeux du scrutin était donc de pousser les électeurs sunnites à choisir de nouveaux représentants, suite au retrait de M. Hariri qui a quelque part dicté celui des autres anciens Premiers ministres.

Toutefois, les résultats des élections n’ont pas été conformes aux attentes saoudiennes. Car si dans certaines circonscriptions, le taux de participation sunnite était élevé, dans d’autres il l’était moins. Ces élections ont en tout cas montré que le courant du Futur continue de bénéficier d’une assise populaire solide, puisqu’à Beyrouth, la liste appuyée par Fouad Siniora n’a obtenu qu’un seul siège, druze de surcroît, alors que « les anciens du courant du Futur » ont obtenu de bons scores et ont pu former un groupe parlementaire. Les autorités saoudiennes n’ont pas vraiment commenté les résultats des législatives et à tous ceux qui les sollicitaient, elles laissaient entendre que la situation au Liban ne les intéresse pas particulièrement pour l’instant, puisqu’elles sont occupées par des dossiers bien plus importants, notamment la visite du président américain Joe Biden au royaume vendredi, ainsi que les négociations en cours avec l’Iran. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’a été interprétée l’absence de l’ambassadeur saoudien au Liban au dîner donné en l’honneur des délégations participant à la rencontre consultative de la Ligue arabe qui s’est tenue à Beyrouth le 2 juillet. Walid Boukhari ne s’est pas non plus rendu au Sérail après la désignation de Nagib Mikati pour former le nouveau gouvernement. C’est pourquoi sa soudaine apparition à Tripoli, à partir du domicile de Fayçal Karamé, a créé la surprise. Si le diplomate a lancé quelques flèches à l’adresse de certains responsables, mais sans les nommer, en précisant que l’argent donné par le royaume n’a pas été dépensé à bon escient, il a quand même assuré les Tripolitains du soutien des dirigeants saoudiens.

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Des parties qui ont suivi la tournée du diplomate dans la capitale du Nord assurent que le royaume souhaite s’impliquer de nouveau au Liban, mais d’une façon différente. Il ne veut plus concentrer son appui sur une seule force politique, mais souhaite plutôt s’ouvrir sur de nombreuses personnalités, notamment sur la scène sunnite. Pour ces mêmes parties, l’ambassadeur a tenu à montrer au cours de ses entretiens que le royaume se préoccupe de la communauté sunnite libanaise et se tient à égale distance de tous ses représentants. Ceux qui l’ont vu à Tripoli ont ainsi eu le sentiment qu’il souhaite ouvrir une nouvelle page dans ses relations avec la communauté sunnite et ses représentants, et qu’il a insisté sur le fait qu’il n’est pas question de l’abandonner ou de la laisser affaiblie dans une période aussi cruciale dans la vie du Liban.

La visite, il y a une semaine, de l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban Walid Boukhari à l’ancien député Fayçal Karamé a marqué les milieux politiques tripolitains. D’autant que contrairement aux autres rencontres du diplomate saoudien dans la grande ville du Nord, elle a duré plus de deux heures et, selon les présents, elle s’est déroulée dans un climat cordial,...

commentaires (1)

Et peut-être, puisqu’on fait du décryptage, que l’ambassadeur Boukhari a en tête d’essayer de ramener les brebis galeuses du sunnisme pur et dur au bercail, en les éloignant des influences du 8 Mars et du Hezbollah, leur ennemi juré: aussi simple!

Saliba Nouhad

15 h 11, le 13 juillet 2022

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Commentaires (1)

  • Et peut-être, puisqu’on fait du décryptage, que l’ambassadeur Boukhari a en tête d’essayer de ramener les brebis galeuses du sunnisme pur et dur au bercail, en les éloignant des influences du 8 Mars et du Hezbollah, leur ennemi juré: aussi simple!

    Saliba Nouhad

    15 h 11, le 13 juillet 2022

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