Alors que l’économie mondiale fait actuellement face à une inflation généralisée, certains pays subissent aussi le contrecoup de la dépréciation de leur monnaie nationale, provoquée par d’autres facteurs et qui impacte aussi le pouvoir d’achat de leurs populations.
En crise depuis 2019, le Liban fait office de champion dans cette catégorie. Selon l’économiste américain Steve Hanke de l’Université Johns Hopkins aux États-Unis, la livre libanaise a enregistré la troisième plus forte dépréciation entre janvier 2020 et le 1er juillet , avec une perte de valeur de 91,96 %. Les billets émis par la Banque du Liban partagent ainsi le podium avec le Bolivar vénézuélien, premier après avoir perdu 99,11 % de sa valeur sur la même période, et le dollar zimbabwéen, à 96,71 %.
Dix-huit pays retenus
Steve Hank a effectué son étude sur 18 pays dont les monnaies se sont effondrées et en a publié les résultats sur son compte Twitter lundi soir. Derrière le trio de tête se trouve le Soudan, 4e avec une dépréciation de 84,74 % de sa monnaie sur la même période, devant la Syrie (77,11 %), l’Argentine (67,78 %), la Turquie (64,52 %), l’Iran (58,44 %), le Sri Lanka (53,56 %), le Malawi (41,78 %), le Laos (40,84 %), le Nigeria (40,49 %), l’Éthiopie (38,62 %), le Soudan du Sud (36,31 %), l’Ukraine (33,01 %), le Ghana (28,95 %), le Brésil (24,58 %) et enfin le Pakistan (24,12 %).
Pour le Liban, l’économiste a effectué son calcul en retenant un taux de change de 28 600 livres pour un dollar au 1er juillet, mais n’a pas précisé celui du 1er janvier 2020. Selon le site lirarate.org, une des plateformes informelles qui mesurent l’évolution du taux dollar/livre sur le marché local des changes (formel et informel), il était de 2 100 livres environ à cette date. À noter que le taux de dépréciation, calculé à partir de la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar que le Liban a connue pendant 20 ans mais que la banque centrale a arrêté de soutenir dès mi-2019, a atteint 94,73 %. Il a de plus déjà dépassé la barre des 95 % lorsque le taux a grimpé au-delà de 30 000 livres pour un dollar. Un cas de figure qui s’est produit à deux reprises depuis le début de l’année.
La dépréciation de la livre est, avec les restrictions bancaires illégales en place, une des caractéristiques de la crise économique et financière dans laquelle le Liban s’enfonce depuis mi-2019. Une pléthore de facteurs sont à l’origine de cette situation, dont les déficits successifs de la balance des paiements (la différence entre les flux entrants et sortants d’un pays). Les confinements liés au Covid-19 et la catastrophique explosion qui a soufflé Beyrouth le 4 août 2020 ont également contribué à empirer la situation, tout comme l’incapacité des pouvoirs publics à agir efficacement. Si le Liban a bien signé le 7 avril dernier un accord préliminaire avec le Fonds monétaire international pour un prêt de 3 milliards de dollars sur 4 ans, le déblocage effectif des fonds est à ce jour conditionné au lancement de réformes structurelles, un chantier que les dirigeants du pays rechignent à lancer. Enfin, le potentiel gazier du pays tarde à se confirmer, sur fond de différend avec son voisin israélien sur la délimitation de leurs frontières maritimes.
Le RTGS du Zimbabwe
Les deux pays qui occupent les premières places du classement de Steve Hank ne sont pas mieux lotis. Le Venezuela est sous sanctions américaines depuis 2014, ce qui a fortement ébranlé l’économie de ce pays dont plus de 90 % des exportations étaient du pétrole. En mai dernier, Washington a cependant levé certaines sanctions pour des compagnies pétrolières afin de diminuer le prix du cours du pétrole.
Quant au Zimbabwe, il connaît peu ou prou les mêmes problèmes que le Liban, soit une pénurie de devises fortes pour payer les importations de biens de base, ce qui a convaincu ses autorités de permettre aux agents économiques d’utiliser d’autres monnaies en parallèle de la monnaie officielle depuis mars 2020. Le pays est déjà habitué à utiliser d’autres monnaies, le dollar américain ayant été pendant 10 ans la monnaie officielle depuis 2009. Alors que les transactions au Liban se font principalement en livres ou en dollars, le Zimbabwe fait circuler le dollar américain, le rand sud-africain et le yuan chinois. Pour la petite histoire, le pays a introduit en 2019 une nouvelle monnaie pour essayer de lutter contre l’inflation, le dollar RTGS (Real Time Gross Settlement dollar, c’est-à-dire règlement en brut en temps réel). Lors de sa création, il fallait 2,5 dollars RTGS pour faire un dollar américain, mais ce taux est passé à 690 début juillet. Le RTGS n’a pas eu le succès escompté, mais circule toujours aux côté des autres devises utilisées au Zimbabwe.
nous méritons notre situation actuelle bien sûr..
23 h 03, le 06 juillet 2022