Il y a deux semaines, la commission des Finances et du Budget fraîchement reconstituée après les législatives du 15 mai s’étonnait au moment de lister ses priorités que l’exécutif ne lui ait toujours pas transmis la dernière version du plan de redressement de l’économie et des finances, adopté le 20 mai. De retour hier à l’assemblée après un report d’une semaine suite à un cas de Covid-19 (le président de la commission Ibrahim Kanaan, qui vient de se rétablir), les députés ont pu constater que le gouvernement n’avait toujours pas transmis la version définitive de ce texte et prévoyait d’y intégrer des amendements importants, dont la création d’un fonds de recouvrement des dépôts.
C’est en tout cas ce qu’ont rapporté les élus présents à la réunion à laquelle ont aussi participé le Premier ministre sortant Nagib Mikati – qui a présenté les changements envisagés – et le vice-président sortant Saadé Chami qui dirige aussi l’équipe chargée de négocier avec le Fonds monétaire international. Les détails des amendements apportés seront « transmis à la commission par écrit dans les prochains jours », selon Ibrahim Kanaan, qui a ajouté que « la version définitive du plan de redressement n’avait pas encore été finalisée ni officiellement renvoyée au Parlement ». Contacté, il a assuré que la commission reviendra en détail sur les propositions énoncées par Nagib Mikati dès qu’elles lui seront officiellement parvenues.
25 millions de dollars par jour
Les députés ont profité de la réunion pour transmettre leurs remarques, à l’image de Simon Abiramia (CPL), Hassan Fadlallah (Hezbollah) ou Hadi Abou el-Hosn (Rassemblement démocratique). Le premier a demandé que les dirigeants de la Banque du Liban soient auditionnés pour expliquer leur gestion depuis le début de la crise et transmettre des documents attestant des montants précis des réserves en devises ainsi que ceux des transferts à l’étranger sur cette même période. Quant à Hassan Fadlallah, il a estimé que les banques n’étaient pas assez mises à contribution « dans ce qui lui avait été présenté ». Enfin, Hadi Abou el-Hosn a souligné que le plan de redressement n’accordait pas assez d’importance au problème de la contrebande et aux moyens de la juguler.
Le plan de redressement est la pierre angulaire d’un programme d’assistance financière que le Liban sollicite auprès du FMI depuis 2020, sous le gouvernement de Hassane Diab. Après deux ans de tergiversations côté libanais, les négociations menées sous le cabinet Mikati ont débouché sur l’accord préliminaire du 7 avril imposant aux dirigeants d’approuver certaines lois – budget de 2022, levée du secret bancaire, contrôle des capitaux, restructuration du secteur bancaire et de la dette – combinées à d’autres mesures et devant enclencher le processus de réforme du pays.
Selon Ibrahim Kanaan, les projets de lois liés à la restructuration des banques et de la dette n’ont toujours pas été transmis au Parlement et le ministre des Finances avait été chargé de régler la question du taux de change à utiliser dans le projet de budget pour 2022, la commission considérant les choix faits (la coexistence de plusieurs taux de change, dont un à 20 000 livres pour un dollar) comme irréalistes. Le FMI n’a pas réagi aux développements d’hier. Mais une source qui suit de près le dossier assure que l’organisation ne fera aucune concession sur les principes arrêtés le 7 avril. « Il n’y aura pas d’accord si les dirigeants essayent de faire passer en catimini un renflouement des banques ou s’ils préconisent une solution qui ne protège pas suffisamment les déposants les plus modestes », a insisté la source, se désolant du temps encore perdu « sur des questions pourtant entendues. »
Visiblement désireux d’accélérer le mouvement, le Premier ministre a, lui, insisté sur le fait que chaque jour de retard coûtait au Liban « 25 millions de dollars », une référence probable à la moyenne des réserves de devise injectées par jour par la Banque du Liban sur le marché, via ses différents mécanismes d’interventions.
Le fait que le gouvernement chargé des affaires courantes soit bien en train de chercher à amender le plan qu’il avait approuvé lorsqu’il avait encore les pleins pouvoirs le 20 mai confirme les échos qui se propageaient depuis le début de la semaine, notamment au sein du secteur bancaire. « Il y a une majorité de banques qui sont désormais convaincues qu’un recours au FMI est inévitable, mais souhaitent en même temps que le plan soit modifié pour aménager leur niveau de contribution aux pertes », résume le cadre d’une grande banque que nous avons contacté. Ces derniers jours, des fissures au sein de l’Association des banques ont commencé à apparaître, avec les sorties d’AM Bank et de BankMed, qui ont critiqué le processus de décision et de communication de l’organisation, dont le conseil d’administration s’est efforcé d’afficher un front uni malgré tout.
Mais de quelle commission s’agit-il? Celle qui noie le poisson , et l’argent volé, ou bien celle qui demande la reddition des comptes et accéléré l’enquête juri-criminelle ? Tout le reste est de la mise en scène , cherchant la faille , pour entuber une dernière fois le contribuable , voire le FMI, et gagner quelques mois d’agitation à vide…
14 h 30, le 01 juillet 2022