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Société - Communautés

« Notre mauvaise gouvernance dégoûte le monde entier »

« Il est temps de décider devant le monde si nous méritons ou non ce pays et sa composition pluraliste », a lancé le patriarche Béchara Raï à l’issue des travaux du synode annuel de l’Église maronite.

« Notre mauvaise gouvernance dégoûte le monde entier »

Les évêques maronites ayant participé au synode. Photo Bkerké

C’est en exprimant le « dégoût » inspiré au monde entier pour « la mauvaise gouvernance » de la classe politique libanaise, « son impéritie, son manque de sens des responsabilités et son mépris des souffrances du peuple et du Liban » que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a clôturé samedi, au cours d’une messe au siège patriarcal de Bkerké, les travaux du synode annuel de l’Église maronite entamé lundi dernier.

Mgr Raï a exhorté les dirigeants et la classe politique du pays à « mettre fin à la pratique de l’obstruction ». « Nous refusons de passer les derniers mois de ce mandat sous un gouvernement intérimaire. Nous rejetons la vacance présidentielle et le vide constitutionnel (que certains observateurs prévoient) parce que cette fois-ci, ils sont synonymes d’évolutions difficiles à contrôler sur les plans constitutionnel, sécuritaire et national (...) Il est temps de décider devant le monde si nous méritons ou non ce pays et sa composition pluraliste », a-t-il dit.

Par ailleurs, le chef de l’Église maronite a appelé la communauté internationale et l’ONU à trouver « une solution définitive à la présence de réfugiés palestiniens et de Syriens déplacés sur le sol libanais ». Il a dénoncé les projets « d’intégration, d’installation et de naturalisation » nourris par certains d’entre eux, estimant que ce serait là desservir « l’indépendance, la stabilité et l’unité du Liban » ainsi que « le pacte de vie commune qui lui sert de socle ».

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Le patriarche a salué la reprise des activités et le financement de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (Unrwa), mais les a jugés « insuffisants ». Au regard de la politique d’Israël, a-t-il jugé, « qui déplace chaque jour les Palestiniens vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza », l’État libanais doit négocier avec l’Autorité palestinienne, la Ligue arabe, les Nations unies et les grandes puissances « le redéploiement des réfugiés dans des pays capables de les absorber démographiquement et de leur assurer une vie personnelle et sociale digne ».

« Quant aux Syriens déplacés, il est temps de rentrer chez eux, de construire leur patrie, de compléter leur histoire et de protéger leur civilisation et leur terre », a-t-il conclu.

Priorité aux écoles

Des divers sujets passés en revue au cours du synode, celui des écoles a reçu une attention particulière, souligne l’évêque de Batroun, Mounir Khairallah. « Il a la priorité absolue. À la limite, l’éducation passe avant le pain. La mission éducative de l’Église ne doit pas se perdre, quels que soient les sacrifices », a-t-il ajouté, sans préciser par quels moyens ce secteur sera sauvé de l’effondrement, sinon par des expédients et des aides extérieures, privées ou internationales.

Le communiqué final fait assumer une grande responsabilité, à cet égard, à l’Association des banques, « responsable de la saisie des fonds des déposants », comme au Parlement, pressé de légiférer afin que ces dépôts « redeviennent accessibles le plus rapidement possible ».

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Les évêques ont quand même remercié « toutes les institutions ecclésiastiques et civiques, internationales et locales, pour leurs contributions au soutien des besoins quotidiens, médicaux, hospitaliers, scolaires et universitaires des Libanais », sachant que trois familles libanaises sur quatre doivent désormais choisir entre se nourrir, se soigner, se chauffer, s’éclairer ou payer les scolarités de leurs enfants. Sachant aussi, comme l’affirme l’archevêque maronite de Beyrouth, Paul Abdel Sater, que « c’est une situation désastreuse, que l’on n’a pas vécue encore dans sa totalité ». En d’autres termes, nous n’avons pas encore touché le fond de la crise.

Émergence de communautés nouvelles

Par ailleurs, les évêques maronites ont passé en revue la situation des évêchés maronites à l’étranger, d’autant plus que de plus en plus de Libanais, notamment des jeunes diplômés et de jeunes couples, choisissent de quitter le Liban, au moins provisoirement, en attendant que passe la crise. Selon une source ecclésiastique, l’émigration des Libanais se fait surtout, en ce moment, vers le Golfe, où il y a des offres de travail, ainsi que, plus modestement, au Canada et en Australie. « Mais c’est surtout dans le Golfe qu’il faut suivre, pastoralement, les Libanais », souligne cette source.

En principe, le synode maronite devait prendre des décisions sur des mouvements, des groupes, des communautés nouvelles qui ont émergé dans les dernières années et qui vivent sans un suivi pastoral clair, dont on ne sait de quel évêques ils dépendent et sans statuts définis. Toutefois, le communiqué final n’en fait pas état.

L’Église maronite et le Vatican redoutent qu’en raison d’une formation spirituelle insuffisante, ces groupes ne se figent en des idéologies ou des visions étriquées de l’Église et souhaitent qu’une attention pastorale suffisante leur soit accordée.

Le synode a également examiné la situation de certains diocèses où les prêtres ne jouissent pas de suffisamment de ressources pour vivre dignement, touchés comme les autres par la crise économique « et partageant les souffrances de leur peuple », souligne l’évêque de Batroun.

Enfin, les évêques maronites ont endossé officiellement la campagne du patriarche Raï en faveur de la tenue d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, prônant la neutralité du Liban.

Effet de semonce

Une semaine plus tôt, le patriarche avait repris les évêques en affirmant, à l’ouverture de la retraite annuelle précédant le synode : « Notre peuple nous critique, il perd son respect pour nous et se détourne de l’Église à cause de nous. »

« Il ne faut pas en rejeter la responsabilité sur nos prêtres et notre peuple, mais sur nous-mêmes », avait-il ajouté.

Dans le communiqué final qui a suivi les travaux du synode, publié samedi, le patriarche n’est pas revenu sur ces remontrances. Selon Mgr Mounir Khairallah, cette semonce doit réveiller les évêques sur les risques qu’ils courent « de trahir la confiance des fidèles, déjà trahis par la classe politique ».

« Ce jugement du patriarche ne repose pas sur un fait particulier, confirme de son côté Mgr Paul Sayah, vicaire patriarcal, mais reflète le sentiment de dégoût personnel et collectif que nous ressentons tous de la façon dont vont les choses. »

Enfin, selon une source ecclésiastique qui tient à l’anonymat, « l’appel à un examen de conscience et à un renouvellement intérieur de l’Église n’est jamais de trop, mais l’important, c’est surtout ce qu’on en fait ».

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