
L'émissaire américain Amos Hochstein et le président libanais Michel Aoun discutant de la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, à Baabda, le 14 juin 2022. Photo Dalati et Nohra
Le Liban officiel a transmis mardi au médiateur américain Amos Hochstein, en visite à Beyrouth, une proposition pour élargir sa surface maritime dans le cadre du litige frontalier qui l'oppose à Israël sur fond d'exploitation de carburants offshore. Cette réponse, attendue depuis fin mars et dont le contenu n'a pas encore été officiellement divulgué, a été transmise ce matin par le chef de l’État libanais, Michel Aoun, à l'émissaire US, arrivé lundi soir à Beyrouth. Cette affaire est revenue sur le tapis et a relancé les tensions avec l'État hébreu, suite à l'arrivée au large d'Israël, il y a une dizaine de jours, d'une unité flottante d'exploitation gazière, affrétée par Israël.
Cana
"Nous avons proposé d'élargir la surface maritime (appartenant au Liban) de 860 km2 à environ 1.200 km2", en incluant le champ gazier de Cana, a précisé à l'AFP un responsable libanais informé des discussions entre le médiateur américain et les responsables libanais. Selon lui, cette proposition exclut le champ gazier de Karish, situé selon Beyrouth dans une partie des eaux contestées avec Israël.
Pour sa part, Amos Hochstein a affirmé que "certaines idées libanaises constituent une base pour la progression des négociations".
Le Liban et Israël, avaient entamé en octobre 2020 des négociations sous l'égide de Washington pour délimiter leur frontière maritime, afin de lever les obstacles à la prospection d'hydrocarbures. Mais les pourparlers ont été suspendus en mai 2021 à la suite de différends concernant la surface de la zone contestée.
Dans un premier temps, les négociations portaient sur une zone de 860 km2 délimitée par la Ligne 23, conformément aux revendications libanaises enregistrées auprès de l'ONU en 2011. Le Liban avait annoncé plus tard vouloir réclamer un droit supplémentaire sur 1.430 km2 limités par la Ligne 29, qui comprend une partie du champ de Karish. Mais pour Israël, le champ gazier de Karish se trouve dans la Zone économique exclusive (ZEE) reconnue par l'ONU.
"Nous réclamons depuis le début le champ de Cana entier, cela veut dire que la ligne 23 devra être amendée", a poursuivi le responsable libanais. Selon lui, si l'Etat hébreu accepte la nouvelle proposition du Liban, les négociations entre les deux pays reprendront.
La réponse de Aoun
Officiellement, la position libanaise transmise verbalement mardi à Amos Hochstein par le président Aoun n'a toujours pas été divulguée. Mais selon un communiqué du palais présidentiel, M. Aoun a affirmé à son interlocuteur que le Liban "tient à ses droits souverains sur ses eaux et ressources naturelles". Il lui a donné une réponse "verbale" à sa proposition "déjà faite il y a plusieurs mois" concernant la délimitation de la frontière maritime ainsi que la position officielle du Liban à ce sujet, et Amos Hochstein lui a affirmé qu'il la transmettrait aux autorités israéliennes dans les jours à venir. Le chef de l’État lui a demandé une "réponse rapide étant donné les développements en cours", ce que lui a promis le médiateur. Le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, et le vice-président de la Chambre Élias Bou Saab étaient présents à la réunion de Baabda, tout comme le conseiller de M. Aoun, Salim Jreissati, selon notre correspondante Hoda Chédid. Après les discussions, le diplomate américain a quitté le palais présidentiel sans faire de déclaration.
En mars, M. Aoun, le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Premier ministre Nagib Mikati avaient conjointement refusé la proposition de M. Hochstein, qui consistait en une ligne sinueuse suivant partiellement la ligne 23 et déviant à mi-chemin vers la ligne Hoff pour accorder à Israël la totalité du champ Karish, de même qu’une partie du bloc 8. Cette ligne crédite le Liban d’une importante partie du champ présumé d’hydrocarbures Cana, et n’en attribue qu’une petite partie à Israël. Toutefois, les dirigeants libanais n'avaient pas formulé de contre-proposition, faute d'entente entre les parties libanaises, ce qu'attendait pourtant le médiateur pour pouvoir faire avancer le dossier. C'est donc chose faite, mardi, avec la proposition formulée par le Liban pour réclamer la totalité du champ de Cana dans le cadre de la Ligne 23. Cette revendication n'est toutefois pas aussi maximaliste que ne le souhaitent certains experts civils et militaires, qui réclament que la Ligne 29, plus au sud et qui accorde au Liban une zone supplémentaire de 1.430 km2, soit prise en compte dans les négociations avec Israël. Pour que cette velléité libanaise soit rendue officielle, un amendement devrait être apporté au décret 6433/2011 sur le tracé de la frontière. Les autorités n'ont toutefois jamais signé un tel amendement. C'est après cette revendication maximaliste, mais non-officielle donc, et la contre-revendication posée par l'État hébreu, que les pourparlers avaient été suspendus.
La tournée de Hochstein
Peu avant d'arriver à Baabda, Amos Hochstein avait déjà évoqué au ministère de la Défense à Yarzé le litige frontalier avec le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, en présence de l'ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea. Et après sa réunion avec le chef de l'État, le diplomate américain a été reçu au Sérail par le Premier ministre, pour une réunion à l'issue de laquelle il n'a pas fait de commentaire à la presse. Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), M. Mikati a affirmé à l'émissaire américain que "l'intérêt libanais supérieur consiste à lancer les opérations de forage, sans que le Liban ne se désiste de son droit à toutes ses ressources" en hydrocarbures. L'émissaire américain a également été reçu par le président du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné. "Ce qui se passe maintenant viole l'accord d'une part et prive le Liban de ses droits, alors qu'il permet à Israël l'extraction et la violation, ce qui menace la paix dans la région et exacerbe le caractère dangereux de la situation", a déploré M. Berry, lors de cette réunion avec le responsable américain.
M. Hochstein s'est aussi entretenu avec le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, qui a exprimé son "optimisme", dans la presse ce mardi matin, estimant qu'un accord devrait pouvoir être trouvé après une relance des pourparlers. M. Bou Habib a qualifié sa réunion avec M. Hochstein de "positive".
Dans l'après-midi, l'émissaire américain s'est entretenu avec l'ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo, qui a rappelé à cette occasion qu'"il est important pour l’avenir du Liban et la stabilité de la région que ce contentieux trouve une solution diplomatique, par la négociation. La France ne ménagera pas ses efforts en ce sens", a-t-elle écrit sur Twitter.
En fin de journée, le responsable US a tenu une réunion avec plusieurs députés issus de la contestation populaire, notamment Melhem Khalaf et Marc Daou et Yassine Yassine, autour du dossier de la frontière maritime, selon un tweet de l'ambassade américaine au Liban.
دعا كبير المستشارين آموس هوكستين نواباً منتخبين حديثًا إلى تبادل مفتوح للآراء والأفكار pic.twitter.com/hGcXNHuASq
— U.S. Embassy Beirut (@usembassybeirut) June 14, 2022
Dès son arrivée au Liban, M. Hochstein avait entamé lundi ses discussions avec les responsables. Il avait ainsi été reçu par le directeur de la Sûreté générale, le vice-président de la Chambre, et le ministre sortant de l'Énergie Walid Fayad. Tous avaient indiqué que la position officielle libanaise serait exprimée par le chef de l'État.
Bennett réagit
Côté israélien, le Premier ministre israélien, Naftali Bennet, a critiqué les divisons libanaises au sujet des négociations. "Il est dommage que les dirigeants du Liban s'engagent dans des disputes intérieures et extérieures au lieu d'extraire du gaz dont pourraient bénéficier les citoyens", a fustigé le chef du gouvernement, lors d'une conférence de presse à Jérusalem avec son homologue italien, Mario Draghi. "Je suggère au gouvernement libanais de saisir cette opportunité pour améliorer l'économie du pays et bâtir un meilleur avenir pour le peuple libanais", a-t-il ajouté.
Le Liban officiel a transmis mardi au médiateur américain Amos Hochstein, en visite à Beyrouth, une proposition pour élargir sa surface maritime dans le cadre du litige frontalier qui l'oppose à Israël sur fond d'exploitation de carburants offshore. Cette réponse, attendue depuis fin mars et dont le contenu n'a pas encore été officiellement divulgué, a été transmise ce matin par le...
commentaires (15)
A le voir se pencher sur les cartes on pourrait croire qu’il y comprend quelque chose. C’est simplement pour faire semblant, puisqu’il a déjà les consignes de ses alliés vendus et des rappels en rouge des lignes à ne pas dépasser s’il veut que son nabot prenne sa place. Son attitude ne trompe personne. Il n’y a qu’à voir sa cour élu avec l’appuie de tous les fossoyeurs contre la dignité de ce pays et qui fanfaronnent fiers de leur mission qui sera poursuivie d’achever le pays.
Sissi zayyat
10 h 21, le 16 juin 2022