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Culture - Musique

Tout ce que vous devez savoir à propos du phénomène K-pop

BTS, Blackpink, Twice, Seventeen, NCT sont des noms que vous ne connaissez peut-être pas (encore). Mais ces groupes-là, les plus célèbres de la pop sud-coréenne, sont non seulement en train de marquer le paysage musical mondial, mais leur force de frappe et les raz-de-marée qu’ils sont en train de provoquer dépassent les frontières de leur pays et les limites de la musique. Anatomie d’un phénomène sans pareil.

Tout ce que vous devez savoir à propos du phénomène K-pop

BTS a saisi l’occasion d’une invitation par le président américain Joe Biden pour dénoncer le racisme visant les personnes asiatiques, tout en suscitant une effervescence certaine à la Maison-Blanche. Photo AFP

Pour déjà mesurer l’ampleur du phénomène de la K-pop, abréviation accrocheuse de Korean pop, il faut s’arrêter sur un passage du Ellen DeGeneres show dont chacun des épisodes est à lui seul une machine à cartographier l’époque à travers ses figures marquantes. En novembre 2017, l’animatrice de télévision reçoit sur l’illustre fauteuil de son émission le groupe de pop coréen BTS alors de passage à Los Angeles. Ce soir-là, les pupilles écarquillées, elle ne peut s’empêcher, comme ça, d’entrée de jeu, de signaler aux téléspectateurs que « lorsqu’ils ont débarqué à L.A., c’était exactement la même folie que quand les Beatles arrivaient dans une ville, voire plus ! ».

Seventeen, groupe de K-pop aux 13 membres. DR

À la faveur de ce constat, Ellen DeGeneres non seulement résumait en quelques mots l’apothéose du mouvement K-pop, mais elle expliquait surtout, et à juste titre, à quel point ces formations pop issues de la Corée du Sud sont en train d’impacter le paysage musical mondial et, plus globalement, l’histoire de la musique. D’ailleurs, il y a une semaine, bien conscient de son influence phénoménale, le groupe (dont l’album Proof sort demain, le 10 juin) a saisi l’occasion d’une invitation par le président américain Joe Biden pour dénoncer le racisme visant les personnes asiatiques, tout en suscitant une effervescence certaine à la Maison-Blanche.

Couverture de l’album « Fancy » du groupe Twice. DR

Un « produit culturel »

Il faut savoir que pendant très longtemps, et même après l’assassinat du dictateur Park Chung-hee en 1979, le régime sud-coréen a étendu son autorité jusque dans les moindres recoins de la culture. Il suffit d’aller farfouiller dans les archives télévisées d’avant 1990 pour se rendre compte que la majorité des pop stars sud-coréennes de l’époque avaient construit leurs répertoires musicaux sous forme de dithyrambe de la nation. Enrobés dans des envolées pop sucrées, les tubes culte de cette ère, tels le Ah ! Republic of Korea (de la chanteuse Chung Soo-ra) que matraquaient les télés et radios dans les années 80, n’étaient en fait que des outils de propagande aux mains du gouvernement.

Blackpink, le groupe de filles le plus célèbre de Corée du Sud. AFP

Le choc sismique au rayon musique ne se produira qu’en 1992, avec la découverte de Seo Tai-ji and Boys, premier Boys band dont la proposition vient rompre, autant dans la forme que dans le fond, avec tout ce que le paysage musical sud-coréen avait connu auparavant. À la force de leurs tubes mêlant danse, hip-hop, rap et hard-rock, leurs codes vestimentaires très distinctifs et leur manière de normaliser la pop, ils ont incarné à eux seuls le virage culturel, mais aussi le progrès sociétal qui s’annonçait à ce moment. Sans cesse censuré et critiqué, notamment au motif de ses apparences et ses danses jugées « efféminées », le groupe annonce sa dissolution en 1996 avec une compilation intitulée Goodbye Best Album. Cela dit, Lee Soo-man, un ancien musicien qui avait fondé en 1989 la compagnie SM Entertainment (devenu le plus grand label musical aujourd’hui), prend la mesure du raz-de-marée provoqué par les Seo Tai-ji and Boys et se détermine à faire de la musique un « produit culturel ». Son label introduit alors, en 1996, le groupe H.O.T., sorte de croisement des Seo Tai-ji and Boys et des Boys band américains qui cartonnaient à l’époque.

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Immédiat, le succès est tel que les gants de ski, emblème du look des H.O.T., s’arrachent et essaiment dans les rues de Séoul et du pays. Leurs chorégraphies emblématiques sont apprises par cœur et reprises partout et par toute la jeunesse sud-coréenne. Si bien qu’un an plus tard, en 1997, tandis qu’une crise financière secoue l’Asie, le gouvernement sud-coréen s’inspire de l’idée de Lee Soo-man et décide de transformer la culture locale en la nouvelle et plus importante industrie d’exportation. Aussitôt, une loi stipule que 1 % du budget annuel de l’État devrait être consacré à la culture sous toutes ses formes, et notamment l’industrie musicale où le gouvernement décèle une véritable mine d’or. Dès lors, les compagnies d’« entertainment », semblables à SM Entertainment, font florès et composent la recette secrète de la K-pop. Car, derrière les triomphes des groupes de K-pop qu’on pourrait penser être une œuvre du hasard, il y a un véritable laboratoire où tout est réfléchi, étudié, ficelé jusqu’au plus infime détail.

« Boys Be » du groupe Seventeen. DR

Les excès d’un phénomène

Tout démarre par la méthode de formation de ces groupes d’idoles, semblable à la manière dont un puzzle est assemblé, chaque pièce ayant sa fonction particulière dans un ensemble harmonieux. Pour ce faire, des agences comparables à des chasseurs de tête partent à la recherche de potentiels candidats. Par la suite, cette masse de prétendants passe des auditions, des cours intensifs de chant, de danse et de théâtre à l’issue desquels ils sont retenus pour un rôle précis dans le groupe à former. Il y a la tête d’affiche, le/la chanteur/se, le/la rappeur/se, le/la danseur/se, celui/celle qu’on appelle The Visual et dont le rôle est d’être une sorte de vitrine esthétique, et le/la Maknae, c’est-à-dire le plus jeune membre de la formation et qui y occupe une place particulière. C’est toute une stratégie qui est mise en œuvre, presque comme si l’on constituait une équipe de football ou une armée, à la seule différence que tous les membres de ces groupes de K-pop se doivent de partager des traits en commun : une certaine amabilité, une douceur et une « politesse » ; en d’autres termes, une intolérance pour la drogue, l’alcool et les scandales. Ces processus, orchestrés au millimètre près et qui peuvent parfois prendre des années (six ans pour former Blackpink, le groupe de filles le plus célèbre de Corée du Sud), ont donc donné naissance à des groupes désormais légendaire, tels que, côté féminin, Blackpink (47,3 millions d’abonnés Instagram) et Twice (près de 26 millions d’abonnés Instagram) ; et, côté masculin, BTS (64,7 millions d’abonnés Instagram), NCT (qui compte 23 membres et 14,2 millions d’abonnés Instagram) et Seventeen (9,4 millions d’abonnés Instagram). Si plusieurs suicides consécutifs de membres de groupes de la K-pop ont provoqué une levée de boucliers de la part de la presse et d’autres organismes activistes qui ont dénoncé une industrie proche de l’esclavage, les sonorités de ces groupes d’idoles sont, en revanche, à l’autre extrême. Des tubes éternellement optimistes, légers, candides, addictifs et célébrant l’amour le plus souvent, où plusieurs langues et plusieurs genres musicaux (de la pop acidulée au hard rock ténébreux) peuvent se côtoyer sur un même titre. Mais bien que tous les rouages qui sous-tendent la fabrication de ces formations musicales soient aujourd’hui élucidés, leur triomphe reste un mystère. À titre d’exemple, le groupe BTS, intronisé le plus célèbre du monde dès 2019, a été mis en octobre 2020 (via sa maison mère Big Hit Entertainment) sur la Bourse de Séoul. Sa valorisation, de 4,5 milliards de dollars à l’introduction, est montée pour sa première journée de cotation à près de 7,4 milliards. Et rien que leur tube Dynamite, sorti la même année, a atteint en quelques mois le milliard de vues sur YouTube (101 millions de vues en 24h seulement) et injecté, dans le même temps record, près de 2 milliards de dollars dans l’économie sud-coréenne. C’est dire à quel point la force de frappe de ces groupes-là dépasse les limites de la musique et les frontières de leur pays. Dotées d’une fluidité de genre bien dans l’époque, les figures de la K-pop occupent aussi, et de plus en plus, le paysage de la mode. Si Louis Vuitton a signé d’un coup avec les sept chanteurs de BTS, les quatre vedettes de Blackpink (qui brisent tous les records des vidéos les plus vues en 24h sur YouTube), elles, sont si puissantes médiatiquement qu’elles sont devenues les égéries de marques concurrentes : Lisa de Celine, Rosé de Saint Laurent et de Tiffany, Jennie de Chanel et Jisoo de Dior. Leurs arrivées lors des défilés de la Fashion Week parisienne provoquent à chaque fois des émeutes dans toute la ville. En politique également, les fans de K-pop ont réussi à endiguer, à la force de leur présence immense sur les réseaux sociaux, la vague de soutien à Donald Trump en 2020, mais aussi à amplifier la visibilité du mouvement Black Lives Matter. Une théorie avance même que Gabriel Boric (l’actuel président du Chili) aurait été élu grâce à une campagne Twitter organisée par des fans de K-pop, après que ce dernier eut fait une apparition lors d’un meeting électoral en brandissant la photo d’un membre du groupe Twice.

C’est à se demander, à la vue de tout cela, si la K-pop aura finalement marqué l’histoire de la musique ou l’histoire tout court.

Pour déjà mesurer l’ampleur du phénomène de la K-pop, abréviation accrocheuse de Korean pop, il faut s’arrêter sur un passage du Ellen DeGeneres show dont chacun des épisodes est à lui seul une machine à cartographier l’époque à travers ses figures marquantes. En novembre 2017, l’animatrice de télévision reçoit sur l’illustre fauteuil de son émission le groupe de pop...

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