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Culture - K-Dramas

Zombies, coups de foudre, drames en série : Le Liban surfe, lui aussi, sur la vague coréenne

Depuis le succès phénoménal de « Squid Game » en 2021 (130 millions de téléspectateurs les 3 premières semaines), les séries coréennes attirent de plus en plus d’adeptes, au Liban comme dans le reste du monde.

Zombies, coups de foudre, drames en série : Le Liban surfe, lui aussi, sur la vague coréenne

Le succès de « Squid Game » a ouvert la voie aux K-Dramas dans le monde. Crédit photo Netflix

« D’abord, un ange apparaît et annonce la prophétie. Il nomme la personne concernée. Elle apprend alors quand elle mourra et ira en enfer. Au moment donné, les exécuteurs de l’enfer accomplissent la prophétie », la voix off énonce calmement le pitch de la série Hellbound alors que des images de foule terrifiée défilent sur l’écran. La bande annonce de cette série pétrifiante qui mêle horreur, sectes et réseaux sociaux est signée Sang H-yeon, le metteur en scène de la pépite du cinéma d’horreur Train to Busan. Une de ces histoires d’horreur gore qu’affectionne particulièrement le 7e art sud-coréen et qui se plaisent à montrer que les monstres ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

Appelées K-Dramas, les séries sud-coréennes, révélées aux adeptes à travers Squid Game, série atypique diffusée sur Netflix en 2021 (ou quand le gore et l’hémoglobine attirent 130 millions de téléspectateurs les 3 premières semaines), sont aujourd’hui le pilier de la hallyu (vague), cette exportation à très grande échelle de produits culturels coréens initiée dans les années 90.

Les zombies attaquent dans « All of Us Are Dead ». Photo Yang Hae-sung/Netflix

Les plateformes de streaming en proposent désormais à la pelle. Bien soignées, elles jonglent allègrement entre humour, sentiments et thriller tout en jouant sur les mêmes stéréotypes. Elles rencontrent de plus en plus d’adeptes, dans le monde comme au Liban. Mais qui sont ces fans libanais ? Comment expliquent-ils le succès des K-Dramas ?

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Certains, comme Nader N., un bachelier de 18 ans, ont découvert les séries coréennes parce qu’ils avaient déjà « tout vu sur Netflix ». D’autres ont cliqué pour suivre un phénomène de mode, comme Leyla B., professeure de maths de 47 ans. Et d’autres encore, à l’instar de Kamel K., étaient tout simplement mus par la curiosité. Pour l’entrepreneur sexagénaire à la retraite, la série Doctor Stranger fut l’élément déclencheur de l’addiction. Sa première réaction se résume dans cette exclamation spontanée qui lui est venue après le mot fin : « Wow, c’est un monde à part ! »

« Kingdom », une série historique et d\'horreur à la fois. Crédit photo Netflix

Delly et Barbara Cartland à la sauce coréenne

« Rafraîchissantes, proprettes, thèmes universels, déstressantes à souhait. » Pour énumérer les caractéristiques des K-Dramas, les aficionados s’accordent à dire que « le déroulement des scénarios est pratiquement identique, les histoires changent. Bien entendu, nous parlons de films romantiques, touchants et charmants. On y verse souvent une larme. C’est du Delly et du Barbara Cartland à la sauce coréenne, du kimchi en l’occurrence », indique Kamel K. qui s’empresse de détailler avec humour le scénario type d’une romantic comedy made in Seoul : « Lui et elle. Ils se rencontrent par accident, genre il l’attrape avant qu’elle ne se fasse écraser par une voiture ou un motard. Ils se regardent dans les yeux, ils tombent amoureux l’un de l’autre mais ils ne le savent pas encore. En fait, ils se détestent au départ, mais leurs vies s’entrecroisent de plus en plus, et ils se rendent compte qu’ils s’apprécient en général autour du quatrième épisode. Puis les problèmes émergent : elle est riche, lui est pauvre, ou l’inverse. Apparaissent alors les interventions sournoises de leurs ex respectifs, les accidents de voiture, les hospitalisations avec coma à la clef et autres imprévus qui s’enchaînent. Plus ils ont de problèmes, plus ils se rapprochent et se disent leur appréciation mutuelle. Leur premier baiser n’intervient qu’autour du huitième épisode dans lequel ils s’avouent leur amour respectif. Puis du huitième au treizième épisode, les choses se gâtent pour des raisons aussi sérieuses que futiles en fonction de l’humeur du scénariste. Ce qui les met dans une suite de quiproquos provoqués par tous les gens qui leurs veulent du mal (les mêmes que mentionnés plus haut et qui ne les lâchent pas, les salauds !!). Au quatorzième ou quinzième épisode, ils se retrouvent, s’embrassent de nouveau, un grand moment parce que les baisers sont plus juteux que celui du huitième épisode et, bizarrement, se rabibochent avec leurs ennemis, car l’histoire doit bien se terminer pour tout le monde. » Conclusion ? « Les gentils sont toujours gentils, et les méchants deviennent gentils à la fin, affirme, péremptoire, le cinéphile qui ne compte plus les K-Dramas visionnés.

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« Dévorer les séries coréennes »

Tous les soirs, après avoir débarrassé le dîner, Leyla B. se met devant sa télévision pour s’adonner à son activité de détente favorite depuis deux ans, « dévorer des yeux les séries coréennes ». Elle se réunit parfois le week-end avec trois amies pour faire du « binge watching », enchaîner jusqu’à 10 ou 12 épisodes d’un seul coup. « C’est la pilule magique pour oublier notre dure réalité », assure cette quadra qui s’avoue tellement mordue par la culture coréenne, qu’elle est devenue également une adepte des produits de beauté et de l’art culinaire coréens. « Les comédies romantiques coréennes me ramènent à mes premières amours, mes premières lectures romantiques et même aux films hollywoodiens du genre des années 90 de Nora Ephron », dit-elle avec un sourire nostalgique.

Nader N. présente son bac cette année, mais cela ne l’a nullement empêché de visionner en moyenne une série coréenne d’une vingtaine d’épisodes par semaine. Cinéphile averti et cinéphage, il se dit intéressé par tous les genres mais ce qui le fascine dans les K-Dramas, c’est surtout cet habile mélange qui casse les codes cinématographiques. « Prenez Kingdom par exemple, entre fresque historique, drame humain et délire fantastique, Kim Seong-hun, son réalisateur ne choisit pas, il nous offre le meilleur de chaque genre… Avec même, pour que les fans de zombies soient eux aussi comblés, une toute dernière partie bien gore ! » exulte le jeune homme tout sourire. « D’ailleurs, Kingdom est bien plus ambitieuse que (et bien supérieure à) la série américaine The Walking Dead quand il s’agit de dépeindre une invasion zombie à grande échelle », assure-t-il.

Car, oui, les épidémies de morts-vivants se taillent une belle part dans l’imaginaire des réalisateurs au pays du Matin calme.

Zeina A, journaliste de 28 ans, dit aimer découvrir de nouveaux cinémas, et celui de l’Asie du Sud Est l’a particulièrement marquée car il se distingue des productions occidentales et hollywoodiennes. Fan de films d’horreur et de science-fiction, elle trouve particulièrement son compte dans ces films qui maîtrisent à la perfection les effets et les maquillages, et qui ne lésinent pas sur les moyens. « Les acteurs gardent un visage impassible, une poker face inébranlable, alors que le monde est en train de s’écouler autour d’eux. Les expressions du visage ou leur absence sont assez déstabilisantes au début pour ceux qui sont habitués aux séries pleines de pathos, comme les égyptiennes ou les mexicaines. »

Démocratisation et culture pop US

Comment un pays de moins de 52 millions d’habitants a-t-il créé une culture mondiale ? À cette question qui en taraude plus d’un, Woosic Shin, chef de mission adjoint de l’ambassade de Corée au Liban, apporte une réponse pragmatique.

« En Asie, la culture coréenne a connu les ressorts de sa popularité déjà au début de XXIe siècle, précise-t-il d’abord en expliquant cette émergence culturelle coréenne en Asie par « l’affinité géographique qui a régionalisé l’influence de la culture pop américaine. En effet, depuis la libération nationale en 1945, l’influence américaine était énorme dans tous les domaines sociaux de la République de Corée. Il y avait les troupes américaines stationnés en Corée (du Sud, bien sûr) et l’importation massive des produits culturels américains. Nous avions même pu regarder les émissions d’une chaîne américaine pour les soldats américains. À mon avis, nos acteurs et chanteurs des années 70 ont déjà développé un style coréen de culture contemporain en modifiant cette influence américaine », ajoute Woosic Shin, pour qui cette nouvelle version de la culture pop américaine modifiée à la coréenne était beaucoup plus facile à digérer pour les populations asiatiques. « C’est pour cela que nos agences culturelles ont pu bien pénétrer les marchés asiatiques. Et ce succès sur les marchés asiatiques a servi de base pour l’élargissement mondial des agences culturelles coréennes », indique le chef de mission.

Selon le diplomate coréen, à la fin du XXe siècle, deux éléments très importants ont poussé la promotion de l’industrie culturelle. « Premièrement, c’est la démocratisation. En 1998, la Corée a connu la première alternance politique par l’élection présidentielle. Et le changement sociétal qui l’a suivie a promu la liberté d’expression qui avait été assez strictement contrôlée par les régimes autoritaires. Deuxièmement, il y avait l’influx d’une nouvelle vague culturelle qui a profité de cette nouvelle liberté d’expression. Les jeunes Coréens qui ont émigré aux États-Unis au début des années 80 sont revenus en Corée avec la culture pop la plus sophistiquée du monde », conclut Woosic Shin.

Bien qu’influencées par la culture pop américaine, dans quelques-uns de leurs aspects, les K-Dramas nous plongent dans la société sud-coréenne, ses us et coutumes, la manière de vivre. « Nous découvrons aussi certains maux de la société, comme la forte inégalité des revenus, l’isolement des habitants dans les grands immeubles style HLM, l’importance de la gentillesse et de la politesse, etc. », estime Zeina A.

La découverte du monde coréen fascine à l’évidence les spectateurs. « Leurs us et coutumes, mais aussi leur façon de manger avec gloutonnerie, en parlant la bouche pleine, en disant caca pour la grosse commission et en pétant à tout bout de champ, énumère avec humour Kamel K. Les hommes, pas les femmes. Elles, elles sont menues, jolies et gracieuses. Évidemment, il y a aussi beaucoup qui ne le sont pas. Elles ont des bouches comme des fraises, et c’est pour cela qu’on attend les premiers baisers avec l’impatience qu’on a pour l’arrivée des fraises au printemps… »

Et, contrairement aux séries espagnoles très caliente, celles made in Seoul sont très pudibondes. « Les scènes de sexe sont très rares, confirme Kamel K. Elles se passent en général sous la couette à tel point qu’on ne voit pas un cheveu dépasser par le haut, ni un orteil par le bas. »

« D’abord, un ange apparaît et annonce la prophétie. Il nomme la personne concernée. Elle apprend alors quand elle mourra et ira en enfer. Au moment donné, les exécuteurs de l’enfer accomplissent la prophétie », la voix off énonce calmement le pitch de la série Hellbound alors que des images de foule terrifiée défilent sur l’écran. La bande annonce de cette série...

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