L'armée traque toujours "Abou Sallé" : perquisitions et arrestations en série

Après les violences ayant opposé ces derniers jours l'armée libanaise à des repris de justice, la troupe poursuivait dimanche ses perquisitions dans le quartier de Charawné, à Baalbeck, où ont eu lieu des accrochages ayant fait un mort dans ses rangs vendredi, mais aussi dans les régions de la Békaa, Baalbeck-Hermel et jusqu'à Beyrouth. Lors de ces opérations, deux militaires ont été blessés dans la journée et de nouvelles arrestations ont eu lieu, a annoncé la troupe. Les militaires sont à la recherche de Ali Zeaïter, surnommé "Abou Sallé", et de toute personne ayant ouvert le feu contre l'armée. Ils ont arrêté dans la nuit de samedi à dimanche un homme suspecté d'avoir aidé le prévenu, qui aurait été blessé dans les affrontements de vendredi, à s'enfuir, selon notre correspondante locale Sarah Abdallah.

Des opérations armées ont notamment eu lieu dans les localités de Riha et Kneïssé, ainsi qu'à Karak. Dans la matinée de dimanche, un important déploiement militaire pouvait être observé à Charawné. Après de nouveaux affrontements, la troupe a annoncé que deux de ses militaires avaient été blessés dans ce quartier de Baalbeck et qu'ils sont dans un état stable. Cette mobilisation continue depuis le début de la matinée a permis l'arrestation de nombreuses personnes et la saisie d'armes de guerres, de munitions et de drogues, a ajouté l'armée dans un communiqué. Un atelier clandestin de fabrication de drogues a également été perquisitionné à Charawné et son contenu a été saisi, selon l'institution militaire.

الجيش يضبط معملاً لتصنيع المخدرات ويصادر محتوياته خلال عمليات الدهم في الشراونة.#الجيش_اللبناني #LebaneseArmy pic.twitter.com/MKGvWAVJnW

— الجيش اللبناني (@LebarmyOfficial) June 5, 2022

Des affrontements ont encore éclaté en début d'après-midi entre des repris de justice et l'armée à Jebaa, à l'ouest de Baalbeck, localité où vivent de nombreux membres de la tribu d'"Abou Sallé" et où il pourrait s'être réfugié. 

Des soldats ont en outre fermé tous les accès au quartier Zeaïter de Baalbeck et ont mené des perquisitions dans les maisons, à la recherche de toute personne ayant fait feu sur l'armée depuis vendredi, selon notre correspondante. Plusieurs personnes recherchées seraient toutefois parvenues à s'enfuir. Dans la localité voisine de Kayyal, des repris de justice ont également pu s'enfuir lorsque l'armée a suspendu ses opérations pour permettre au député Ghazi Zeaïter de rejoindre son domicile et "afin d'éviter que des civils soient touchés" lors du passage du député, selon des sources contactées par L'Orient-Le Jour.

"Le roi de la cocaïne et du captagon"
Selon des informations de notre correspondante, le narcotraficant aurait été surnommé "Abou Sallé" en référence à sa technique de vente de différents types de drogue qu'il faisait parvenir à ses clients en faisant descendre un panier en osier ("sallé", en arabe) du balcon de son appartement, lorsqu'il était actif dans la région de Fanar, au nord de Beyrouth. Il s'est ensuite établi à Charawné il y a plusieurs années et a construit un véritable empire de production et de trafic de drogue, actif notamment dans la Békaa et dans la capitale. Les habitants de Baalbeck le surnomment "le roi de la cocaïne et du captagon" et le considèrent comme "plus important que Nouh Zeaïter", autre grande figure du trafic de drogue au Liban. De nombreuses personnes travaillent sous ses ordres, ce qui pousse les habitants de Charawné à comparer les activités d'"Abou Sallé" à celles d'une véritable "mafia". "Abou Sallé" fait l'objet de près d'un millier de mandats d'arrêt et a été condamné par contumace à de nombreuses reprises, notamment pour narcotrafic, enlèvements, vols et tirs visant l'armée et les forces de l'ordre, selon le journal koweïtien Al-Raï.

Le député Ghazi Zeaïter  a dénoncé samedi les opérations de l'armée à Charawné, estimant qu'il s'agit d'un "phénomène bizarre" qui "fait des blessés parmi les innocents", tandis que le Premier ministre sortant Nagib Mikati a exprimé son soutien aux militaires. "Tout notre soutien à l'armée, dans sa mission pour rétablir l'ordre, protéger la société et arrêter les fauteurs de troubles", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
La plaine de la Békaa, où les armes circulent massivement alors que l’État peine à imposer son autorité, est souvent le théâtre d'affrontements sanglants entre clans rivaux, mais aussi parfois entre militaires et des gangs lourdement équipés.