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Com en terrain conquis


L’électricité, les carburants, le pain, les soins médicaux, les économies en banque confisquées, la vertigineuse descente aux enfers de la monnaie nationale, la vie chaque jour plus chère : comme si toutes ces pénuries et privations n’étaient pas encore assez, c’est aussi pour leur droit à la communication à distance que de nombreux Libanais devront sans doute s’alarmer maintenant.


Sauf rares exceptions, et parce que les prix ne sont jamais enclins à faire marche arrière, toute tarification nouvelle est une mauvaise nouvelle pour le consommateur. Celle édictée jeudi pour la téléphonie et l’internet est surtout volatile, modulable, puisque indexée sur le taux de change fixé par la plateforme officielle Sayrafa, lui-même sujet à variation. À l’inévitable hausse s’ajoute la prochaine suppression du réseau 2G, qui va contraindre de nombreux possesseurs de modèles basiques de téléphone mobile à se doter d’appareils plus modernes. C’est, en somme, à coups de pied dans leur fond de culotte, déjà usé jusqu’à la corde, que l’on va obliger ceux-là à se mettre à jour, à accompagner le progrès technologique.


C’est une modeste mais impudente, outrageuse taxe sur les messageries instantanées du type WhatsApp qui avait déclenché le soulèvement populaire du 17 octobre 2019. Les responsables feraient bien de s’en souvenir, dans un pays durement frappé par l’exode et les séparations de familles, lesquelles n’ont plus d’autre lieu de réunion que l’internet, plus d’autre contact qu’à travers les avantageux canaux du web.


Les télécoms, ce n’est pas tout cependant. Qu’en est-il en effet de la communication tout court, de la communication à proximité directe, du discours politique que commande le simple bon sens dans une situation aussi critique que la nôtre ? Quelles pistes de salut public les forces en présence se donnent-elles la peine d’explorer de bonne foi et de concert ? Quel langage de raison, d’espérance, d’encouragement, de compassion, de respect pour les souffrances d’une population en détresse, les dirigeants sont-ils seulement capables de tenir ?


Plus le mensonge est effronté et plus il a des chances de porter, telle semble être désormais la règle. On voit ainsi les représentants les plus en vue de la mafia politique réclamer avec le plus de constance ces mêmes réformes qu’ils bloquent de toutes leurs forces. Les plus pourris des pourris se faire les pieux chantres de la lutte contre la corruption. Les fossoyeurs de l’électricité, ce gouffre de gaspillage et de malversations, se poser en seuls experts capables de refaire ce qu’ils se sont évertués à défaire. Et le tout à l’avenant…


La semaine qui s’achève aura eu son lot d’artifices, de pirouettes oratoires et autres de ces faux-fuyants qui meublent la rhétorique milicienne : telle cette offre de dialogue trop visiblement piégée que lançait mercredi, à la criée, le chef du Hezbollah. Car s’il se dit tout prêt à discuter, Hassan Nasrallah ne discutera pas de tout, son arsenal étant, d’emblée, exclu du débat. Voudrait-elle remettre ses armes à l’État, ajoutait-il, que la bonne, la vertueuse milice serait bien obligée d’attendre qu’il y ait, au Liban, un État. Bien évidemment, c’était trop espérer du leader chiite qu’il admette le rôle central qu’ont joué ces mêmes armes dans la déchéance dudit État.


Tout aussi inconsistant était, au demeurant, son appel à une exploitation rapide des gisements sous-marins de gaz et de pétrole, seule à même de redonner sa santé financière au pays. Car Hassan Nasrallah sait fort bien que si les négociations sur la délimitation des frontières maritimes avec Israël sont au point mort, c’est parce que ses propres alliés du camp présidentiel ont caviardé la position officielle libanaise, établie par les cartographes de l’armée, dans l’espoir de s’attirer les bonnes grâces du médiateur américain.


On en vient aux alliés. Tel un apprenti magicien tirant de son haut-de-forme un lapin décati, le président de la République exhumait hier des catacombes une instance créée il y a près d’un demi-siècle sur le papier, mais qui n’avait jamais vu le jour. Ce Conseil national de politique des prix vient théoriquement prêter main-forte au service de protection du consommateur relevant du ministère de l’Économie, et dont il faut constater qu’il n’a jamais protégé grand monde. Le machin ressuscité fera-t-il vraiment mieux, à l’heure où les acrobaties à haute altitude du dollar se traduisent, séance tenante, par une hausse insensée des produits, notamment alimentaires ?


Pour la réponse, fiez-vous à votre imagination. Et aussi, juste pour vous défouler, à votre style personnel en matière de com !

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

L’électricité, les carburants, le pain, les soins médicaux, les économies en banque confisquées, la vertigineuse descente aux enfers de la monnaie nationale, la vie chaque jour plus chère : comme si toutes ces pénuries et privations n’étaient pas encore assez, c’est aussi pour leur droit à la communication à distance que de nombreux Libanais devront sans doute s’alarmer...