C'est sur un ton modéré que s'est exprimé mercredi soir le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, trois jours après la tenue des élections législatives au Liban. Affirmant qu'aucun camp ne pouvait prétendre détenir la majorité parlementaire, le leader chiite a appelé à la "coopération et au partenariat" et souligné que la priorité était de sortir le pays des crises qui le secouent.
Le chef du Hezbollah s'est quand même félicité au début de son intervention télévisée d'une "grande victoire". Il a assuré que "la résistance, ses alliés et ses amis ont une présence forte et importante au sein du Parlement" et qu'ils tiendront leurs promesses électorales. "Nous devons en être fiers surtout lorsqu'on voit les circonstances de la bataille", a-t-il déclaré, dénonçant les "attaques médiatiques contre la résistance ses ses alliés" ainsi que les "pressions économiques et financières". "Je dis à notre public fidèle : vous avez assuré le filet de sécurité politique et populaire nécessaire à la résistance et à ses armes", a-t-il également lancé. Le Hezbollah est la seule faction libanaise à avoir gardé ses armes après la guerre civile (1975-1990).
"Nous sommes devant un Parlement formé de groupes parlementaires de différentes tailles et d'un grand groupe d'indépendants (...), mais le point principal c'est qu'il n'y a aucun camp politique qui peut prétendre détenir la majorité parlementaire", a déclaré Hassan Nasrallah. Selon lui, l'absence de majorité parlementaire "sert l'intérêt du Liban". "Au vu de l'ampleur des crises financière, monétaire et sociale qui secouent le pays, aucune équipe ne peut agir seule, même si elle obtient la majorité", a-t-il jugé. Pour le leader chiite, "quand personne ne détient la majorité, cela signifie que tout le monde est responsable et que personne ne peut fuir ses responsabilités". "Le plus facile c'est d'être dans l'opposition et contester (...) fuir ses responsabilités est une tromperie", a-t-il ajouté.
Les élections législatives ont consacré deux grands vainqueurs : les Forces libanaises, qui deviennent le premier parti chrétien au sein de l’Assemblée (19 sièges), mais aussi les mouvements de la contestation qui obtiennent 13 sièges. Ces deux évolutions ont eu pour principal effet de faire perdre au Hezbollah et à ses alliés leur majorité au Parlement. Fait inédit : deux candidats indépendants de l'opposition ont réussi à décrocher des sièges au Liban-Sud, que les alliés du Hezbollah conservaient depuis 1992. Le parti pro-iranien limite toutefois la casse et maintient le même nombre de siège qu'en 2018, son parti ayant aujourd'hui 13 députés. Avec son allié chiite Amal, il détient la totalité des 27 sièges chiites à la Chambre. Le scrutin s'est déroulé alors que le Liban est enfoncé dans une grave crise économique depuis 2019, qui a poussé 80% de la population dans la pauvreté.
Lundi, Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire du Hezbollah dans le Parlement sortant, avait reconnu implicitement le revers de son camp à l'issue du scrutin de dimanche et avait à cette occasion mis en garde ses rivaux dans l'Hémicycle, les appelant à "ne pas attiser les flammes de la guerre civile". Quant à Nabih Berry, président du Parlement sortant et chef du mouvement Amal, il semblait vouloir calmer le jeu, mardi, en appelant ses adversaires politiques au dialogue.
Partenariat et coopération
Le leader du Hezbollah a de ce fait appelé au "partenariat et à la coopération". "Les élections sont terminées, nous devons tous ramener le pays au calme", a-t-il dit, appelant à "donner la priorité aux dossiers qui sont source de souffrance pour les citoyens". "Cela ne peut être fait que dans le partenariat et la coopération, indépendamment des rivalités", a assuré Hassan Nasrallah. "Nous pouvons ne pas nous entendre sur des questions principales, mais nous pouvons nous tourner vers les points d'entente", a-t-il encore dit.
Le secrétaire général du Hezbollah a par ailleurs répondu aux accusations selon lesquelles son parti voulait saboter le scrutin. "Si on voulait empêcher la tenue des législatives, nous l'aurions fait", a-t-il dit, soulignant que ce que son parti voulait était "d'assurer les meilleures élections possibles". Il en a aussi profité pour répondre "au mensonge de l'occupation iranienne" du Liban. "Quelqu'un a vu l'ambassadeur d'Iran visiter des bureaux de vote ?", a-t-il demandé dans une attaque claire à destination de l'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, qui a effectué des tournées dans plusieurs régions libanaises, quelques jours avant le scrutin.
Enfin, même s'il a affirmé que la nouvelle loi électorale est "plus juste" que les précédentes, le patron du Hezbollah a estimé que "tant que nous aurons ce système électoral confessionnel, cela signifiera que le nombre de députés n'exprime pas la volonté populaire". "Confondre la volonté populaire avec le nombre de représentants n'est pas possible, car le système sectaire et la division des circonscriptions ne reposent pas sur une base scientifique", a-t-il encore dit. Selon lui, "la loi électorale devrait être axée sur la proportionnelle appliquée à la circonscription unique et l'âge de vote devrait être ramené à 18 ans".
Fourberies et manipulations,,,
13 h 04, le 19 mai 2022