
Des drapeaux du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL) à Batroun. Ibrahim Chalhoub/AFP
Une nouvelle page de l’histoire politique libanaise s’est ouverte dimanche à l’issue des élections législatives. Nouvelle non pas parce qu’elle provoque un bouleversement radical de l’équilibre des forces au sein du Parlement, mais parce qu’elle consacre plusieurs dynamiques à l’œuvre depuis le soulèvement d’octobre 2019, qui sont tout simplement inédites dans l’histoire libanaise.
Mardi matin, les résultats n’étaient toujours pas définitifs. Mais l’on peut dresser un premier grand constat, qui contredit la majorité des analyses de ces derniers mois : le nouveau Parlement ne ressemblera pas à l’ancien et les élections marquent, malgré les limites de l’exercice, un véritable tournant politique.
Le scrutin consacre deux grands vainqueurs : les Forces libanaises, qui deviennent le premier parti chrétien au sein de l’Assemblée (19 sièges), mais aussi les mouvements de la contestation qui devraient obtenir au final entre 11 et 13 sièges. Ces deux évolutions ont pour principal effet de faire perdre au Hezbollah et à ses alliés leur majorité au Parlement. Les chiffres ne sont pas, là encore, définitifs, mais l’alliance du 8 Mars devrait obtenir environ 61 sièges sur les 128 en jeu.
Le Hezbollah peut considérer qu’il a limité la casse et que personne n’a de toute façon obtenu la majorité. Les FL ont beau être le bloc le plus important, l’écart qui les sépare de leur principal adversaire, le Courant patriotique libre, est assez faible (19 sièges contre 17). Le tandem chiite peut également se targuer d’avoir encore le monopole de la représentation politique de sa communauté, en ayant obtenu les 27 sièges chiites du Parlement. La situation économique et les critiques de plus en plus audibles au sein de sa rue n’ont pas eu de traduction, a priori, sur le plan politique, notamment en raison du climat de peur que le parti fait régner. Le score exceptionnel réalisé par l’opposition au Liban-Sud III, où elle a obtenu deux sièges notamment en battant le candidat soutenu par le Hezbollah Marwan Kheireddine, nuance toutefois ce constat. Une percée d’un candidat chiite hostile à l’axe iranien, à l’instar de ce qui s’est passé en Irak lors des dernières législatives, aurait été, cela dit, le pire scénario possible pour le Hezbollah. En préservant son hégémonie, il se rend quasi incontournable sur le plan institutionnel à l’échelle nationale. Comment, en effet, former un gouvernement sans le tandem qui représente politiquement l’ensemble de la communauté chiite ? Qui élire à la tête de l’Assemblée quand les 27 députés chiites dépendent du duo Hezbollah-Amal ?
Escalade
Pour le Hezbollah, les résultats du scrutin ne sont pas un big bang. Ils n’en sont pas moins une défaite importante, la seconde de suite pour l’axe iranien après celle enregistrée en Irak. Le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a tout fait pour éviter ce scénario, allant jusqu’à prononcer trois discours lors de la dernière semaine avant les élections. À de nombreuses reprises ces dernières semaines, il a insisté sur l’importance pour son parti d’obtenir la majorité dans un contexte régional et local où il se sent acculé. Le fait qu’il n’y soit pas parvenu a de quoi inquiéter la formation pour plusieurs raisons, qui ne relèvent pas que de l’arithmétique.
Le parti chiite est de toute façon le plus fort sur le terrain et son comportement au sein de l’Assemblée ne varie pas dépendamment du fait qu’il ait ou non la majorité. Celle-ci lui permet toutefois de ne pas avoir besoin de recourir à la terreur pour imposer ses décisions et préserver ses lignes rouges. Si le nouveau Parlement n’a pas de majorité claire, les députés ouvertement hostiles à la domination du Hezbollah devraient toutefois y être majoritaires. Et c’est là le principal problème qui se pose désormais au Hezbollah.
La situation économique qui prévaut dans le pays va peut-être jouer en sa faveur en contraignant les différents acteurs à coopérer a minima et en mettant en exergue les problématiques économiques. Mais à l’exception de cette donnée, toutes les autres tendent au contraire vers un renforcement de la polarisation.
Le parti chiite va d’abord devoir faire face à la montée en puissance des Forces libanaises, appuyées par l’Arabie saoudite, et qui semblent vouloir s’inscrire dans une logique de confrontation avec le Hezbollah. On imagine mal en effet, même si rien n’est impossible dans la politique libanaise, les deux partis coopérer au sein d’un même gouvernement ou s’entendre sur le nom du futur président. Chaque bras de fer peut ainsi donner lieu à une escalade qui pourrait contraindre le Hezbollah à ressortir ses griffes, à l’instar de ce qu’il a fait entre 2005 et 2008, mais dans un contexte cette fois-ci beaucoup moins favorable.
Lâcher du lest
Les FL sont loin d’être le seul acteur à s’opposer au Hezbollah. Les Kataëb et leurs alliés, à l’instar de Michel Moawad, qui sortent aussi renforcés du scrutin, tiennent un discours semblable sur ce point-là. La plupart des candidats de la contestation ayant obtenu un siège réclament également que l’État dispose du monopole de la violence légitime. Les très bons scores sur la scène sunnite du faucon Achraf Rifi et d’Oussama Saad, qui a pris ses distances avec le parti de Dieu, confirment également cette tendance générale. Toutes ces figures et ces partis ne forment pas un bloc unique et pourraient au contraire être opposés les uns aux autres sur plusieurs sujets-clés. Mais il n’empêche qu’il est possible que des alliances circonstancielles se forment entre eux, par exemple pour permettre la conclusion de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth que le Hezbollah a tout fait pour entraver.
En fonction de son comportement, de sa capacité ou non à lâcher du lest sur plusieurs dossiers, parmi lesquels le choix du futur Premier ministre et la formation du gouvernement, ou encore la mise en place des réformes réclamées par le FMI, le Hezbollah sera (ou non) le principal sujet de clivage au sein de la prochaine Assemblée. Le numéro deux du parti, Mohammad Raad, ne s’y est pas trompé hier en commentant les résultats des élections.
« Nous vous acceptons en tant qu’adversaires au Parlement, mais nous ne vous accepterons pas en tant que boucliers protégeant les Israéliens », a-t-il lancé en référence aux Forces libanaises (FL), sans les citer. « Faites attention à votre discours, à votre comportement et à l’avenir de votre pays », a dit M. Raad dans un discours retransmis par la chaîne de télévision du Hezbollah, al-Manar. « N’attisez pas les flammes de la guerre civile », a-t-il ajouté.
Effectivement nous passerons d’abords vers des attentats ou assassinats avant d’arriver à la guerre :( … toute fois peut être pas car rien ne dit qu’ils n’auront pas la majorité au parlement .. la société civiles Thaoura et les indépendants ne se sont pas encore dévoilé
22 h 27, le 17 mai 2022