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Nos Lecteurs ont la Parole

Qui sont les plus légitimes dans la guerre en Ukraine ?

Dans une guerre, il existe rarement les gentils et les méchants, la situation et les causes sont souvent lointaines et complexes. Tentons donc d’en comprendre les raisons historiques, les situations de légitime défense ainsi que les conflits de légitimité démocratique, juridique et militaire.

Une action militaire consistant à tuer des personnes ou à pénétrer les frontières d’un autre pays ne s’avère jamais légitime, sauf en cas de légitime défense et de respect du droit international. Par conséquent, la guerre de la Russie contre l’Ukraine n’est pas légitime et s’avère donc hautement condamnable, puisque la Russie n’a pas obtenu l’accord légal du Conseil de sécurité de l’ONU pour mener une intervention armée afin de défendre un objectif légitime, telle la défense de la souveraineté du Donbass. Cependant, l’Occident et en particulier les États-Unis et la France ont aussi bombardé des dizaines de pays depuis 1945 : Vietnam, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Mali, etc. Après la Seconde Guerre mondiale, de 1945 à 2015, les USA ont bombardé plus d’une trentaine de pays, toujours au nom de la démocratie ! Amenez la liberté par les bombes ! Alors qu’il s’agissait principalement de protéger leurs intérêts économiques et géopolitiques. Mais si on ajoute toutes les guerres dans lesquelles les USA étaient indirectement partie prenante, par exemple en fournissant des armes, il y en a des centaines… Durant ces guerres et ces bombardements, parfois les USA et les pays occidentaux qui les ont soutenus étaient dans la légalité du droit international en ayant obtenu l’accord du Conseil de sécurité. Mais souvent, les grandes puissances ont mené des guerres sans ces accords en trouvant des motifs généralement fallacieux de protection des civils, de la démocratie, de la liberté, de l’opprimé, de la stabilité… En réalité toutefois, il s’agissait prioritairement de sécuriser leurs ressources économiques et politiques. En réalité, la guerre s’avère généralement une continuation de la politique néocoloniale des grandes puissances, USA, France, Grande-Bretagne, Russie... Il en fut de même avec l’Allemagne, le Japon et l’Italie durant les deux premières guerres mondiales.

Défendre la volonté d’indépendance souveraine du Donbass est légitime. Mais pas forcément par la force. La guerre entre l’Ukraine et la Russie s’explique aussi par l’histoire de très anciennes rivalités. Nombreux sont les analystes qui cherchent les causes de la guerre dans l’histoire de l’Ukraine et de la Russie. Certes, la guerre en Ukraine relève aussi d’une guerre de territoires entre des populations liées par des origines communes. Cependant, le problème fondamental concernant la région du Donbass n’est pas à qui appartient historiquement ce territoire. Mais qui est souverain sur son territoire. Or, en système démocratique, la légitimité devrait se fonder sur le libre choix des habitants d’un territoire à décider par eux-mêmes de leur orientation et de leur avenir. Donc aussi de leurs alliances avec les Russes, l’Ukraine, l’OTAN ou autres en ce qui concerne les habitants du Donbass. Par conséquent, quelles que soient les origines historiques, c’est aux habitants du Donbass de choisir s’ils veulent être indépendants et de décider de leurs alliances. Par conséquent, la défense de la souveraineté démocratique et économique d’une région, tel le Donbass, semble plus légitime que la défense des frontières et du territoire d’une nation (telle l’Ukraine) en vertu du principe de souveraineté. Par conséquent, le Donbass dispose légitimement du droit à l’indépendance, donc à sortir de l’Ukraine ou à rejoindre la Russie à l’issue d’un référendum au Donbass. Mais, malgré les accords de Minsk de 1994, le gouvernement de Kiev n’a pas tenu sa promesse de faire un référendum au Donbass.

Une action violente fondée sur la légitime défense s’avère légitime. De même, une intervention militaire étrangère pour défendre une population en danger physique paraît légitime. Or, au Donbass, il y a des combats physiques et des bombes lancées contre les civils par le gouvernement ukrainien depuis au moins 2014 (date des accords de Minsk) à cause de la volonté d’indépendance de cette région. Cela a engendré la mort de plus de 8 000 personnes russophones du Donbass entre 2014 et 2021. Par conséquent, l’intervention militaire russe pour y protéger les civils est légitime sous cet aspect.

Il n’était pas légitime pour les Russes de conquérir l’ensemble de l’Ukraine. Cependant, au plan stratégique, pour défendre uniquement le Donbass, il est vrai qu’il était peut-être plus efficace pour les Russes d’annexer l’Ukraine afin de limiter les attaques de Kiev contre le Donbass avant, pendant et après la guerre Russie-Ukraine. Or c’était compter sans le soutien militaire massif de l’OTAN. Cette stratégie a donc échoué, et les Russes se sont repliés sur le Donbass et l’est de l’Ukraine pour mener leurs offensives.

De plus, officiellement, la guerre en Ukraine débute le 24 février 2022 avec l’invasion russe. Or, non seulement elle est l’aboutissement de huit ans de conflit, mais en plus, une semaine avant le 17 février 2022, c’est l’Ukraine qui a relancé les hostilités en bombardant le Donbass (Le Monde/AFP, « Crise en Ukraine : des bombardements dans le Donbass ravivent les tensions et les inquiétudes sur une possible action militaire russe », 18 février 2022). Les civils ont donc commencé à fuir vers l’intérieur du Donbass et vers la Russie. Cette dernière a donc réagi en envahissant l’Ukraine.

Étant donné que des milliers de soldats russes stationnaient à la frontière depuis quelques semaines, ces bombardements du gouvernement de Kiev ont été une provocation, une incitation volontaire pour le déclenchement de la guerre. Quel pouvait donc être l’intérêt du gouvernement de Kiev et de son président Zelensky à pousser la Russie à la guerre ?

Lorsqu’on se trouve face à un danger beaucoup trop puissant et dangereux pour nous, la sagesse nous conduit généralement à l’éviter, lorsque c’est possible. Comme les Ukrainiens se trouvaient face à la deuxième armée du monde, n’aurait-il pas été plus sage qu’ils capitulent directement, plutôt que de subir d’énormes pertes humaines et matérielles et, finalement, perdre quand même, comme c’est très probable ? Cela relève un peu du bon sens et de la sagesse.

L’OTAN cherche à exercer une pression contre la Russie et les nouveaux pays non alignés, comme la Chine ou certains pays d’Amérique du Sud. Pour l’OTAN menée par les USA, la guerre en Ukraine s’avère donc une occasion d’affaiblir la Russie, à la fois militairement, politiquement et économiquement. Il semble donc que l’appui des USA a conduit plus ou moins directement l’Ukraine à provoquer un peu la Russie, pour qu’elle déclenche les hostilités.

De même, aider militairement les Ukrainiens à se protéger d’une attaque militaire relève aussi de la légitime défense. D’un autre côté, la puissance des Russes paraissait au départ si importante que la victoire russe semblait un peu pliée d’avance. Donc si le gouvernement ukrainien avait capitulé rapidement, cela aurait épargné beaucoup de vies humaines et de destructions. Cependant, c’était sans compter avec l’énorme soutien en matériel militaire de l’OTAN. Or sans celui-ci l’armée ukrainienne n’aurait sans doute pas tenu longtemps contre la deuxième armée du monde. Mais le soutien indéfectible des USA a donc poussé le gouvernement ukrainien à prendre des risques et à lancer une nouvelle série de bombardements du Donbass le 17 février 2022, poussant les Russes vers la guerre. Cette dernière implique indirectement tant de nations que c’est une nouvelle guerre mondiale, après celle du Moyen-Orient.

Poutine, le président russe, fait la guerre pour protéger la Russie de l’expansion de l’OTAN à l’est. Il utilise comme prétexte la défense de la souveraineté du Donbass. Cela pourrait être légitime si ce n’était pas aussi un prétexte pour envahir en même temps l’Ukraine, ou du moins l’annexer et la contrôler. Comme toutes les grandes puissances, la Russie cherche à accroître sa puissance d’agir. Au plan psychologique, il s’agit d’une volonté de pouvoir, comme l’expliquait le psychanalyste Adler, fondée sur un complexe d’infériorité subconscient, c’est-à-dire la peur subconsciente d’être faible. De même, l’OTAN, les USA et la France devraient donc cesser leur expansion vers les frontières de la Russie, pour éviter de faire monter la pression militaire.

Alors qu’est-ce qui a poussé la fragile l’Ukraine à ne pas capituler face à la puissance de l’armée russe ?

Peut-être l’ego, la fierté, la peur subconsciente d’être faible ou de ne pas s’estimer. Mais plus encore la pression de l’OTAN et son soutien militaire, qui instrumentalise l’Ukraine pour affaiblir la Russie. Puis il y a aussi les marchands de canons et du bâtiment qui poussent à la guerre, puis à la reconstruction. Ainsi que les intérêts occidentaux consistant à affaiblir économiquement la Russie en limitant ses capacités à vendre ses marchandises, son gaz, son pétrole...

Ce texte vise à présenter un panorama plus équilibré des responsabilités de chacun des protagonistes en conflit. Or, dans les grands médias occidentaux et russes, les points de vue s’avèrent quasiment toujours partiaux. Ils exposent rarement les deux points de vue simultanément et de manière équilibrée. Les reportages des médias contribuent ainsi peu à peu à orienter (voire à manipuler) l’opinion publique de chaque pays, afin qu’elle appuie les objectifs stratégiques du gouvernement national et deviennent de véritables outils militaires de propagande.

En conclusion, toutes les parties en conflit sont en partie en faute. C’est le cas de la Russie puisqu’elle attaque militairement des humains, qu’elle les blesse, les tue et qu’elle attaque l’Ukraine, une nation souveraine. Mais cette dernière et l’OTAN se révèlent aussi responsables de cette guerre, puisqu’elles ne respectent pas la volonté des citoyens du Donbass de décider par eux-mêmes de leur autonomie vis-à-vis de l’Ukraine. De plus, l’OTAN s’étend toujours plus vers l’est, malgré ses engagements à la Russie de Gorbatchev, ce qui place la Russie sous une pression croissante.

Thierry BRUGVIN

sociologue, auteur

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Dans une guerre, il existe rarement les gentils et les méchants, la situation et les causes sont souvent lointaines et complexes. Tentons donc d’en comprendre les raisons historiques, les situations de légitime défense ainsi que les conflits de légitimité démocratique, juridique et militaire.Une action militaire consistant à tuer des personnes ou à pénétrer les frontières d’un...

commentaires (1)

j'en ai ras le bol d'entrer dans des polemiques toutes steriles. sans decider de la justesse de l'un ou l'autre avis. MrT Brugvin finit par dire les choses et leurs contraires. si c'est pour nous confirmer que les choses ne sont jamais aussi simples que l'on voudrait il y a reussi. sauf qu'a lire ses multiples exemples/convictions/confirmation de ce qui selon lui est JUSTE ou ne 'est pas ou l'est MAIS..... il a rate son but.

Gaby SIOUFI

13 h 51, le 18 mai 2022

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Commentaires (1)

  • j'en ai ras le bol d'entrer dans des polemiques toutes steriles. sans decider de la justesse de l'un ou l'autre avis. MrT Brugvin finit par dire les choses et leurs contraires. si c'est pour nous confirmer que les choses ne sont jamais aussi simples que l'on voudrait il y a reussi. sauf qu'a lire ses multiples exemples/convictions/confirmation de ce qui selon lui est JUSTE ou ne 'est pas ou l'est MAIS..... il a rate son but.

    Gaby SIOUFI

    13 h 51, le 18 mai 2022

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