Pressions, annulations abusives de voix, bourrages des urnes, listes trafiquées… Au Liban, l’exercice démocratique ne l’est souvent qu’à moitié. Alors que la course s’annonce serrée dans nombre de circonscriptions, quelques centaines de voix pourraient faire la différence. À quoi faut-il s’attendre, quels dispositifs de surveillance ont été prévus et quel impact sur le résultat final ? L’Orient-Le Jour fait le point.
Ce que l’on sait
Chaque rendez-vous électoral donne lieu à des pratiques, allègrement documentées par les observateurs, afin d’influencer le verdict des urnes. Celles-ci interviennent à trois moments-clés du processus : en amont du scrutin ; durant la journée de vote ; et au cours du dépouillement des voix.
C’est lors de la période préélectorale qu’a lieu le plus gros des comportements clientélistes visant à capter des voix, soit par l’achat de ces dernières, soit par un matraquage médiatique rendu possible grâce à l’absence de contrôle des dépenses de campagne. Les méthodes visant à troquer des services matériels (paiements, distributions de biens) ou immatériels (attributions de postes) en échange d’un bulletin dans l’urne sont répandues. En 2018, près de la moitié de la population aurait fait l’objet d’une tentative d’achat de voix, selon le Lebanese Center for Policy Studies (Daniel Garrote Sanchez, janvier 2021). Avec la crise, l’offre s’élargit en 2022 aux aspects les plus élémentaires de la vie quotidienne : on paie une facture d’électricité, on envoie des médicaments ou on offre une carte subventionnée au supermarché…
La journée électorale est le deuxième théâtre de ces arrangements en tout genre. Les stratagèmes y sont taillés sur mesure pour contourner la procédure locale. Certains partis font circuler des listes « trafiquées » (faute d’orthographe, nom manquant) afin d’obtenir l’annulation de votes pour leurs concurrents ; d’autres se servent d’une loi autorisant les personnes ne sachant pas lire à être accompagnées dans l’isoloir afin de l’influencer. D’autres encore s’assurent d’un vote favorable grâce à un mécanisme d’achat de voix négocié au pied des bureaux de vote. En mai 2018, la LADE a recensé plus de 7 000 violations le jour du scrutin.
Dernière étape du processus : le dépouillement. Un premier décompte se fait sur place, dans les bureaux de vote, avant que bulletins et procès-verbaux ne soient acheminés sous scellés dans les 26 centres de dépouillement. La stratégie de fraude la plus courante consiste à « faire annuler » de manière abusive des voix non désirées, en contestant un détail procédural (papier déchiré, rature…). Cette technique a l’avantage d’être relativement discrète, car invisible lors du recomptage, et donc sans grand risque pour le chef du bureau de vote. D’autres méthodes consistent à faire du « bourrage d’urnes » (ajouter des voix avant de réclamer un recomptage). « À chaque dépouillement, les résultats changeaient, avec entre 300 et 400 voix de différence, assez pour faire passer un candidat devant… » explique Wadih el-Asmar, membre du collectif Kulluna Watani présent au centre de dépouillement en mai 2018.
Les mécanismes de supervision
La complaisance des autorités, les moyens limités de la Commission de supervision des élections (CSE), les failles du cadre légal, le laxisme ambiant lorsqu’il s’agit d’appliquer le code électoral et la difficulté de prouver les infractions compliquent la possibilité de sanctionner et de se prémunir contre ces comportements. Une large partie de la responsabilité incombe aux partis politiques eux-mêmes, à des acteurs privés – des ONG telles que la LADE, Lebanese Transparency Association (LTA) ou encore la Fondation Maharat – et aux quelques délégations d’observateurs internationaux dépêchées pour l’occasion.
Les « mandoubine », ces délégués mandatés le jour du scrutin par les partis en lice, représentent la pierre angulaire du dispositif de contrôle du processus électoral, notamment pour les forces de l’opposition qui n’ont guère d’autre moyen pour contrer les tentatives de fraude des partis traditionnels. Leur présence permet de dissuader, d’empêcher ou simplement de faire constater les violations ayant lieu le jour du vote et lors des deux décomptes successifs. Le travail de documentation permet ensuite de contester le résultat en faisant appel auprès du Conseil constitutionnel.
Mais comme souvent, tous les partis ne partent pas égaux : le déploiement des mandoubine demande une logistique et des ressources. « Les forces traditionnelles ont un délégué par centre de vote, ce qui est impossible pour l’opposition dans la mesure où il faut assurer, au minimum, transport et nourriture », assure Georgia Dagher, chercheuse et experte électorale. À cela s’ajoutent les obstacles administratifs lors de l’enregistrement. « En 2018, une vingtaine de dossiers ont ainsi été bloqués parce que le ministère de l’Intérieur réclamait des papiers qu’il ne demandait pas aux autres listes », se souvient Wadih el-Asmar.
Cette année-là, seuls 30 % des bureaux de vote étaient couverts par des représentants de l’alliance d’opposition Kulluna Watani. En leur absence, les partis traditionnels, qui déboursent jusqu’à 1 000 dollars afin d’assurer la permanence le jour J, avaient les mains libres. Quatre ans plus tard, « l’opposition est assurément mieux préparée, assure Georgia Dagher. Ils ont gagné en expérience, savent qu’ils ont en face une machine électorale »… Mais l’incertitude qui a plané jusqu’à la dernière minute quant à la tenue du scrutin n’a pas aidé la préparation des candidats les plus inexpérimentés.
Le déploiement dans les bureaux de vote de représentants d’ONG locales et des délégations étrangères afin de superviser le processus et de documenter les violations représente le second contrepoids. Avec une centaine d’observateurs présents sur le terrain, la LADE occupe un rôle de premier plan, mais ne parvient pas à couvrir les plus de 6 000 bureaux de vote du pays. L’Union européenne, l’Organisation internationale de la francophonie et le National Democratic Institute, une organisation basée à Washington, ont aussi envoyé des missions d’observation. Dimanche, 170 observateurs européens seront répartis à travers les 15 circonscriptions, depuis l’ouverture des centres de vote jusqu’au décompte final. Mais une fois le scrutin passé, beaucoup regrettent que ces missions étrangères ne se contentent que de timides recommandations qui restent lettre morte.
L’impact sur le résultat final
Tout comme il est difficile de quantifier l’ampleur des falsifications, il est tout aussi délicat d’évaluer les effets sur le score final. Une certitude cependant : plus l’écart entre les candidats est serré, plus ces exercices frauduleux ont une chance de faire basculer le résultat. En 2018, l’impact avait été relativement limité, notamment du fait de l’avance confortable des partis traditionnels dans de nombreuses circonscriptions. À Beyrouth I en revanche, le manque de transparence autour du comptage des voix de la candidate Joumana Haddad, dont le siège des minorités a finalement été attribué à Antoine Pano (proche du CPL), rappelle l’importance de la séquence du dépouillement. Cette année, le renforcement des forces du changement et la peur d’un recul dans les urnes des partis traditionnels pourraient augmenter le risque d’une alliance de ces derniers afin de faire barrage aux jeunes pousses de la contestation.
Une partie des pots-de-vin électoraux provient de l’étranger, accuse Aoun
Le chef de l’État Michel Aoun a accusé hier, mais sans les nommer, « certains candidats aux législatives d’acheter les voix des électeurs » et estimé qu’« une partie » de ces pots-de-vin « provient de l’étranger ». « Certains candidats aux législatives profitent de la situation socio-économique difficile que traversent actuellement les Libanais et versent de l’argent pour acheter leurs voix qui devraient être libres », a déploré le président, en recevant à Baabda des membres de la mission d’observation de l’Union européenne déployée au Liban depuis la mi-mars pour superviser le scrutin. « Une partie de l’argent versé provient de l’étranger », a-t-il ajouté, justifiant ainsi des propos qu’il avait tenus la veille en Conseil des ministres. Jeudi, M. Aoun avait appelé les organes sécuritaires et judiciaires à « poursuivre ceux qui paient et acceptent des pots-de-vin, en vue d’empêcher ces pratiques qui impacteront négativement peut-être le vote démocratique et ses résultats ». Ses déclarations pourraient constituer une critique implicite de son rival chrétien et chef des Forces libanaises Samir Geagea, accusé par ses détracteurs d’être financé par l’Arabie saoudite pour contrer la mainmise du Hezbollah sur le pays.
QU,EN VA-T-IL EN SORTIR ? PROBABLEMENT DU VENT ! AVEC L,UNE DES COMMUNAUTES ARMEE LES LEGISLATIVES SONT DE LA BLAGUE. JE N,AI PAS VOTE LA OU JE SUIS. JE N,AI PAS VOYAGE AU LIBAN POUR VOTER. POUR MOI SEUL LE PEUPLE... NON PAR LES URNES CAR LES MERCENAIRES ET LEURS PARAVENTS VOTENT AUSSI... LE PEUPLE SEUL DIS-JE PEUT S,IL S,UNIT CHANGER LA DONNE.
12 h 46, le 15 mai 2022