Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré lundi que son parti était prêt à débattre d'une stratégie de défense nationale, critiquant les partis politiques qui ont fait du désarmement de la résistance leur principal slogan de campagne. Dans un discours de mobilisation de ses troupes retransmis lors de rassemblements électoraux à Tyr et Nabatiyé (Liban-Sud), le chef du parti chiite a appelé les partisans du Hezbollah à voter massivement afin "de protéger la résistance militaire au moyen de la résistance politique", à moins d'une semaine des élections législatives, prévues le 15 mai. Avec ces propos, le dignitaire répondait entre autres implicitement aux Forces libanaises, qui ont fait du désarmement du Hezbollah le fer de lance de leur campagne, et au leader druze Walid Joumblatt, qui avait mis en garde dimanche contre "un assassinat dans les urnes" et critiqué le parti chiite. Le discours de Hassan Nasrallah était retransmis sur des écrans géants installés dans les deux localités du Sud, en présence de centaines de partisans agitant les drapeaux jaunes du Hezbollah.
"Les inquiétudes des gens"
Des sondages de "centres d'études" ont montré que la principale préoccupation des Libanais était la sécurité économique et sociale et non les armes du Hezbollah, a déclaré le dignitaire chiite à cette occasion, reprochant à certaines formations d'avoir fait de cette question leur principal slogan électoral et "d'ignorer les inquiétudes des gens". "Tous les Libanais doivent savoir si ceux qui appellent à voter pour se débarrasser des armes du Hezbollah ignorent sciemment ce qu'ont vécu les gens du Sud et leurs souffrances depuis la création de l'entité israélienne", a-t-il lancé.
Il a estimé que ces politiciens qui appellent à désarmer le parti chiite "ne voient pas Israël comme un ennemi et ne considèrent pas que l'Etat hébreu convoite le gaz et le pétrole libanais". Dans son discours, le chef du Hezbollah a cité à plusieurs reprises des figures chiites comme l'imam Moussa Sadr, fondateur du mouvement Amal, allié politique du parti de Hassan Nasrallah et prépondérant dans de nombreuses localités du Sud.
Stratégie de défense
Il a encore reproché aux partis voulant désarmer le Hezbollah de ne pas proposer "d'alternative", notamment en refusant de discuter d'une stratégie de défense nationale. "Le président Michel Aoun avait proposé d'organiser un dialogue traitant entre autres de cette question mais ceux qui veulent désarmer le parti chiite l'ont boycotté", a-t-il souligné, faisant l’impasse sur des années de refus du Hezb de présenter une contribution écrite sur ce sujet lors des conférences de dialogue national tenues dans le passé. Dans une récente interview dans le cadre de notre podcast "Aux urnes, citoyens !", le député Hussein Hajj Hassan (Baalbeck-Hermel), s’était montré plutôt réticent à l’idée que son parti s’engage dans une stratégie défensive officielle. Sans les armes du parti, "qui protégera le Liban et le Sud ?", a lancé le dignitaire chiite, affirmant être "prêt à discuter à tout moment d'une stratégie de défense nationale". "Ceux qui fuient ces discussions sont en position de faiblesse", a ajouté le chef du Hezbollah, qui a rappelé avoir lui-même présenté une proposition à ce sujet.
Hassan Nasrallah a en outre affirmé que "seule la résistance" empêche Israël de bombarder l'intérieur du Liban. "Ceux qui veulent la désarmer veulent que le Liban perde son point fort". Répondant encore à ceux qui lui disent que l'armée libanaise doit être la seule force armée, il s'est interrogé : "la troupe a-t-elle les armes et les effectifs nécessaires et est-elle capable, seule, de protéger le Liban d'Israël ? Y a-t-il quelqu'un au Liban qui soit capable de prendre la décision politique de bombarder les colonies si Israël attaque ?"
Fin avril, Hassan Nasrallah avait prévenu que son parti riposterait directement et rapidement contre toute agression israélienne, mineure ou majeure, visant le Liban. Il avait déclaré que le Hezbollah se tiendrait en alerte maximale face à Israël, qui a annoncé dans la journée avoir lancé de grands exercices militaires.
"Opportunité en or"
Ceux qui souhaitent le désarmement du Hezbollah "veulent que le Liban abandonne sa carte la plus forte : l'extraction du gaz et du pétrole offshore", a déclaré par ailleurs le dignitaire chiite, affirmant que la résistance "peut dire à l'ennemi israélien : si vous empêchez le Liban d'extraire ses ressources énergétiques, nous vous en empêcherons également et aucune société ne pourra venir dans le champ pétrolier de Karich", au nord d'Israël. "Aucune société du monde n'osera venir forer dans la zone contestée si le Hezbollah lance des menaces claires", a-t-il déclaré. Et d'accuser Tel Aviv de chercher à s'accaparer des ressources énergétiques libanaises "parce qu'ils savent combien l'Europe a besoin de gaz" en raison de la guerre en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie, estimant que ces circonstances constituent une "opportunité en or" pour l'exploitation du gaz et du pétrole offshore. Exploiter les hydrocarbures offshore pourrait permettre au Liban, en plein effondrement financier et socio-économique, de "générer des centaines de milliards de dollars", selon Hassan Nasrallah.
Il a également critiqué le médiateur américain en charge du dossier des négociations sur la frontière maritime entre le Liban et Israël Amos Hochstein, l'accusant d'être "malhonnête" et de prendre parti pour Israël. "Négocier avec M. Hochstein ne pourra mener à rien de bon", a-t-il ajouté, alors que le responsable américain a, selon des médias de l'Etat hébreu, la nationalité israélienne.
Au début de son intervention, le dignitaire chiite a annoncé d'autres discours, l'un mardi, qui sera retransmis à Beyrouth et dans le Mont-Liban, et un autre vendredi, dans la Békaa, au cours desquels il abordera d'autres dossiers de la scène politique locale.
commentaires (18)
The discourse of Hassan Nassrallah is a duplicitous one considering that his arsenal is much more important for him than questions of bread and butter. Hezbollah brooks no dissent in the chiite community and those who oppose him are always discredited and vilified.
EL KHALIL ABDALLAH
11 h 58, le 10 mai 2022