Le chef druze libanais Walid Joumblatt a mis en garde dimanche contre "un assassinat dans les urnes", alors que les élections législatives libanaises ont débuté à l'étranger vendredi et se poursuivront dimanche, tandis que le scrutin sur le territoire national se déroulera le 15 mai. Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) a dans ce contexte appelé à "repousser l'attaque" à travers les bulletins de vote. Si son discours n'a finalement pas été aussi virulent qu'annoncé, le seigneur de Moukhtara a quand même critiqué implicitement le Hezbollah et son camp politique.
"Nous sommes aux portes d'un nouvel assassinat dans les urnes", a affirmé M. Joumblatt, dans un discours prononcé à l'occasion du cinquantième anniversaire de l’association druze al-Aarfan, une institution sociale et pédagogique. Un discours qui coïncide également 14 ans, jour pour jour, avec les événements tragiques du 7 mai 2008, quand des éléments armés du Hezbollah avaient envahi Beyrouth et la Montagne.
"Avance, Taymour"
"Je m'adresse à toutes les colombes, à tous les sages et les croyants (...). Nous devons repousser l'attaque, ensemble, dans les urnes, afin d'empêcher les percées et le suivisme", a plaidé le leader druze, selon des propos rapportés par le site d'information du parti, al-Anba'. "Honte à ceux qui veulent accaparer la décision nationale libanaise indépendante, au profit de l'axe de la Moumanaa (...)", l'axe iranien auquel appartient le Hezbollah, a martelé Walid Joumblatt.
Sans pour autant annoncer son retrait de la vie politique, comme le prédisaient certains observateurs à la veille de ce discours, Walid Joumblatt a encore une fois mis en avant son fils, le député Taymour Joumblatt, à qui il a déjà commencé à transmettre le flambeau. "Même si nous sommes à un âge avancé, la trajectoire se poursuit. Cette trajectoire de nos ancêtres et de nôtre grand maître, Kamal Joumblatt", a lancé le chef du PSP. "Avance, Taymour, et continue à relever le défi afin de hisser haut Moukhtara. Tu es entouré de membres du parti et de patriotes arabes", a dit Walid Joumblatt en s'adressant à son fils. "Continue, Taymour, continue à protéger les intérêts de la Montagne. Poursuis ton chemin, nous sommes avec toi. Il n'y a pas de craintes pour l'avenir (...)", a conclu le chef druze.
Depuis quelques années déjà, Walid Joumblatt prépare lentement mais sûrement son fils Taymour, désormais secondé par sa sœur Dalia, à prendre la relève. Le 16 mars dernier, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du fondateur du PSP Kamal Joumblatt, la décision que Taymour prenne la relève avait mûri. Walid Joumblatt était parti en France pour laisser toute la charge de l’organisation de l’événement à son fils. Une manière de couper le cordon et de le laisser faire ses preuves.
Il y a une semaine, le leader druze avait accusé le président de la République Michel Aoun d'être un "instrument entre les mains des Syriens et des Iraniens", et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah de vouloir décider de l'identité du président de la République libanaise.
Malgré la virulence de ses positions, certains analystes estiment que Walid Joumblatt cherche à faire monter provisoirement les enchères en vue d'obtenir quelque chose en retour, notamment une plus juste distribution des voix chiites à Aley où se présente le député sortant du PSP Akram Chehayeb. Mais dans les milieux de Moukhtara, on dément ces analyses. Allié avec les Forces libanaises de Samir Geagea dans certaines circonscriptions, le PSP se trouve dans une situation délicate du fait du boycott du scrutin par le leader sunnite et ex-Premier ministre Saad Hariri, avec qui Walid Joumblatt a entretenu une solide alliance ces dernières années.
Quel flambeau il va t-il transmettre à son fils? Qu'il commence par rendre aux églises les cloches volées et toujours confisquées chez lui. .
22 h 21, le 09 mai 2022