Depuis le retour de l’ambassadeur saoudien Walid Boukhari à Beyrouth, son domicile ne désemplit pas. Les visiteurs varient entre parties religieuses ou politiques, des candidats déclarés aux prochaines législatives ou des personnalités plus discrètes mais influentes, et appartiennent à la plupart des instances libanaises. Et ceux qui ne se sont pas encore rendus sur place attendent leur tour pour rencontrer le diplomate.
Dans son agenda de rencontres, Boukhari cherche d’ailleurs à couvrir autant que possible l’ensemble de la société libanaise, dans toute sa diversité, excepté ceux qui, selon les Saoudiens, appartiennent au Hezbollah ou évoluent dans son orbite. Il multiplie ainsi les réunions non seulement avec les politiques, mais aussi avec les ordres professionnels et avec les instances économiques, prenant soin d’expliquer la politique du royaume saoudien à l’égard du Liban. Ceux qui attendent ainsi de lui des promesses d’aides financières et politiques en sont pour leurs frais.
Devant ses visiteurs, Walid Boukhari tient un discours diplomatique d’appui traditionnel au Liban, mais il ne cache pas le fait que son retour à Beyrouth, ainsi que celui d’autres ambassadeurs des États du Golfe, a été décidé suite à des discussions franco-saoudiennes de haut niveau. Ce qui rejoint des échos diplomatiques européens qui affirment que le président français Emmanuel Macron continue de placer le dossier libanais en tête de ses priorités et qu’il est décidé à le relancer, surtout depuis sa réélection pour un second mandat. De son côté, Boukhari aurait confirmé, devant ses visiteurs, le fait que son retour à Beyrouth aurait été décidé à la suite d’un dialogue entre la France et l’Arabie sur la nécessité de ne pas laisser le Liban s’effondrer et d’aider la population dans la crise sans précédent que traverse le pays. C’est notamment dans le cadre de ce dialogue que la décision de créer un fonds franco-saoudien d’aide à la population libanaise avait été prise en décembre dernier, mais les deux parties attendaient le moment propice pour passer à l’étape de l’exécution. Selon des visiteurs de l’ambassade saoudienne, la décision du retour des ambassadeurs des États du Golfe a été prise dans ce contexte et le timing n’est pas lié à la date des prochaines législatives, mais plutôt aux échéances électorales en France.
Toujours selon ses visiteurs, l’ambassadeur Boukhari serait très soucieux d’éviter toute démarche qui serait interprétée comme une intervention saoudienne dans le cours des élections libanaises. Lors de ses rencontres avec des personnalités libanaises, il évite d’évoquer directement cette échéance et il concentre plutôt son intérêt sur la période post-électorale. C’est ainsi qu’il écoute attentivement ses interlocuteurs, s’intéressant aux domaines dans lesquels le royaume saoudien et la France pourraient aider les Libanais. Certains visiteurs confient d’ailleurs qu’ils ont eu le sentiment que le royaume saoudien et la France comptent essentiellement contribuer à la réalisation de projets concrets. Il ne serait plus question de donner de l’argent sans suivre la façon dont il est dépensé et, toujours selon les visiteurs, Boukhari aurait encouragé ses interlocuteurs à concevoir des projets de développement utiles, sans donner de préférence à un domaine sur l’autre. Ce qui importe aux Saoudiens et aux Français, selon les discussions qui ont eu lieu, c’est que les projets qu’ils pourraient financer soient utiles à la population.
Jusqu’à présent, les Saoudiens et les Français discutent essentiellement avec le secteur privé et avec les organismes professionnels, écoutant leurs propositions et les poussant à les concrétiser dans des projets crédibles. Pour l’Arabie saoudite, c’est la façon d’exprimer son soutien au Liban, indépendamment du contexte politique. Devant ses visiteurs, l’ambassadeur Boukhari a d’ailleurs déclaré que les États du Golfe sont tous sur la même longueur d’onde concernant le Liban et qu’ils ont la même vision au sujet du dossier libanais. C’est pourquoi ils ont décidé de revenir ensemble à Beyrouth après plusieurs mois de brouille diplomatique. Autrement dit, pour la première fois depuis des années, les États du Golfe adopteront la même politique à l’égard du Liban et il n’est plus possible de miser sur des tiraillements entre eux au sujet du dossier libanais. Enfin, et c’est un point essentiel, le retour des États du Golfe n’est pas lié au résultat des prochaines législatives et ceux qui pensent que ce pas a été sciemment minuté avant les élections se trompent. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le fonds franco-saoudien ne commencera réellement son activité qu’après le 15 mai.
commentaires (5)
EST-CE UN ARTICLE ECRIT PAR MADAME SCARLETT HADDAD ? JE NE CROIS PAS MES YEUX... BIEN QUE DES SOUS ENTENDUS Y SONT TOUJOURS MINUTIEUSEMENT GLISSES !
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 25, le 05 mai 2022