Il n’est pas rare que le printemps libanais soit marqué par un temps chaud et brumeux, voire poussiéreux, que l’on a tendance à mettre hâtivement sur le compte du « khamsin ». La brume poussiéreuse et jaunâtre dans l’air constatée ces derniers jours, notamment sur le littoral, est cependant le résultat d’un phénomène météorologique plus complexe, explique à L’Orient-Le Jour Abdel Rahman Zawawi, chef du service des prévisions à Météo-Liban.
« Cette couche de poussière dans l’air a commencé samedi dernier, quand le brouillard sur le littoral a atteint un pic en matinée, de 11h30 à 12h30 en gros, explique M. Zawawi. Durant cette heure, trois avions n’ont pas pu se poser à l’aéroport de Beyrouth, la visibilité étant de moins de 500 mètres. La situation est revenue à la normale après cela. »
Ce brouillard intense accompagné de poussière le week-end dernier, qui a perdu en intensité depuis mais qui reste présent, est dû à une conjoncture un peu particulière qui se répète régulièrement, selon le spécialiste. « Le flux de poussière qui nous parvient d’Afrique du Nord au printemps n’est pas exceptionnel, mais si nous l’avons davantage ressenti ces derniers jours, c’est qu’il s’est heurté à un taux d’humidité particulièrement élevé en Méditerranée. Il faut ajouter à cela d’autres facteurs qui ont permis à cette brume de s’installer : d’une part des vents particulièrement faibles (qui empêchent donc la poussière de se disperser), et d’autre part le fait que les températures à la montagne étaient plus élevées, à certains moments, que sur le littoral. Cette différence de températures empêche le vent de remonter vers les hauteurs, comme cela est naturel. On appelle cela un phénomène d’inversion. Cette chape brumeuse et poussiéreuse s’est donc installée dans la durée au-dessus du littoral. »
Selon M. Zawawi, la journée d’aujourd’hui jeudi ainsi que la matinée de demain vendredi devraient constituer une pause dans cette semaine brumeuse. Le ciel sera plus dégagé, et une baisse des températures favorisera quelques précipitations, plus intenses dans la Békaa qu’ailleurs. « Malgré l’exiguïté du territoire libanais, les différences sont parfois significatives entre les régions, explique l’expert. Ainsi, alors que le littoral est actuellement sous l’influence de vagues venues de la péninsule Arabique et d’Afrique du Nord, la Békaa, elle, est sous l’emprise d’une zone de basse pression en provenance de Jordanie, et les pluies y sont plus intenses. »
Dès vendredi après-midi, la brume poussiéreuse sera de retour, mais sans atteindre l’intensité du brouillard constaté le week-end dernier. « Ce n’est pas la même formation climatique, cette vague sera issue de la péninsule Arabique et d’Afrique du Nord », explique M. Zawawi. Cette nouvelle vague de poussière et de chaleur atteindra son apogée samedi, avec des températures qui grimperont de manière significative, dépassant les trente degrés, pour ensuite retomber dimanche.
Ces fluctuations climatiques sont-elles à mettre sur le compte du traditionnel khamsin ? « Nous ne pouvons pas vraiment parler de khamsin cette année, puisque la brume et les vagues de poussière n’étaient pas accompagnées de températures très hautes, avoisinant les 35 ou 36 degrés, et n’ont pas duré plusieurs jours consécutifs comme c’est le cas durant un khamsin, précise M. Zawawi. C’est, en quelque sorte, une bonne nouvelle car en cas de khamsin, nous alertons l’opinion publique sur un danger d’incendies dévastateurs, les températures élevées étant alors accompagnées de vents forts. »