Le chef de l’Église maronite Béchara Raï a implicitement fustigé dimanche la mainmise du Hezbollah sur le Liban, en présence de son allié chrétien, le président de la République Michel Aoun, et plaidé en faveur de "l’extension de l’autorité de l’État sur l’ensemble du Liban" en vue de sauvegarder sa légitimité et ses relations avec les pays arabes. Le chef de l’État, qui tente selon ses détracteurs de redorer son image à la fin de son mandat, n'a pas manqué à son tour de lancer une critique en direction du tandem chiite Amal-Hezbollah, et les a tenus pour responsables du blocage de l'enquête sur les explosions meurtrières au port de Beyrouth.
"Mainmise" et "hégémonie"
"Les Libanais ne veulent pas de substitut ni de partenaire à l’État. Ils attendent le moment où la mainmise sur le pays sera levée et l'hégémonie cernée. Ils attendent que la politisation et le blocage du pouvoir judiciaire et de l'administration prennent fin (...) et que l'intérêt national prime sur les avantages personnels et électoraux", a affirmé Mgr Raï dans une homélie prononcée à Bkerké à l'occasion de la fête de Pâques catholique. Cela permettra qu'il y ait uniquement "une seule République, une seule légitimité, une seule référence pour les armes, une seule référence pour la prise de décisions et une identité libanaise unifiée", a souhaité le prélat, dans une critique feutrée de l'arsenal illégal du Hezbollah, pointé du doigt par une partie de la classe politique locale et la communauté internationale.
Le chef de l’Église maronite a par ailleurs estimé que les réformes qui doivent être mises en place dans le pays doivent "s’accompagner de l’extension de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, et du rétablissement de son monopole sur les armes conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU". "Il ne faut pas changer l'identité du système économique au Liban, qui ne souffre aucun compromis constitutionnel ni politique, dans le cadre du sauvetage du pays", a-t-il également mis en garde.
Béchara Raï a aussi rappelé la nécessité que "la souveraineté des États frères soit respectée" et que cessent les campagnes qui les prennent pour cible parce qu'elles "ne servent pas l'intérêt du Liban mais ceux de pays étrangers". Ces propos du patriarche maronite interviennent quelques jours après la restauration des liens diplomatiques entre Beyrouth et les pays du Golfe, qui dénoncent régulièrement la mainmise grandissante du Hezbollah sur le pays.
Aoun et le tandem chiite
Lors d'un point de presse à Bkerké, le chef de l’État Michel Aoun, qui s'était brièvement entretenu avec le patriarche Raï avant l'office religieux, a lancé une pique en direction de ses alliés, le Hezbollah et le mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry. En réponse à une question sur le sort de l'enquête au sujet des explosions au port de Beyrouth, qui fait du surplace en raison de maints recours présentés à l'encontre du juge en charge de l'instruction, M. Aoun a estimé que "la partie qui bloque le pouvoir judiciaire est connue". Une allusion à peine voilée au tandem chiite qui s'était opposé au magistrat Tarek Bitar. Si le Hezbollah l'avait accusé de "partialité" et demandé qu'il soit dessaisi de l'affaire, le mouvement Amal, dont nombre de partisans sont poursuivis dans le cadre de l'enquête, avait réclamé la mise en place d'une Haute Cour chargée de juger les anciens ministres et les présidents. Les deux formations avaient boycotté les réunions du gouvernement pendant trois mois avant de revenir à la table du Conseil des ministres.
"Vous savez tous qui fait de l'obstruction. Qui avait bloqué le gouvernement? Pourquoi posez-vous des questions dont vous connaissez la réponse?", a lancé le chef de l’État, appelant "les proches des victimes à se rendre auprès des personnes qui entravent le travail du pouvoir judiciaire" en vue de réclamer que justice soit rendue. Michel Aoun a enfin assuré que "les élections auront lieu", soulignant que "tous les préparatifs sont en place".
Les propos du patriarche ont par ailleurs été appuyés par le chef du Courant patriotique libre et gendre du président, Gebran Bassil. "Le patriarche a dit la vérité et exprimé les aspirations de tous les Libanais que nous partageons aussi", a-t-il affirmé, déclarant "approuver la majorité des propos que le prélat a tenus".
commentaires (10)
Dans tous les cas Mr. Aoun va laisser le pire dans l’histoire du Liban
Eleni Caridopoulou
17 h 12, le 18 avril 2022