
Les listes en lice au Mont-Liban I (Kesouan-Jbeil) lors des législatives de 2018. Joseph Eid/AFP
C’est une semaine décisive qui commence aujourd’hui au Liban. Car les campagnes électorales dans la perspective des législatives prévues le 15 mai débuteront effectivement demain, c’est-à-dire après l’expiration du délai de dépôt des listes en lice, à minuit. Aussitôt que tous les candidats, ainsi que les listes sur lesquelles ils sont inscrits, seront connus, et que les protagonistes de tous bords auront défini leurs alliances, place à la bataille de la conquête de l’électorat.
Une source proche du ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, confie à L’Orient-Le Jour que jusqu’à vendredi soir (samedi et dimanche étant chômés au sein des institutions publiques), quarante listes ont été enregistrées pour prendre part à la compétition électorale. Ce nombre, appelé à augmenter aujourd’hui, à quelques heures de l’expiration du délai officiel, reflète la volonté des partis traditionnels ainsi que des groupements issus du mouvement de contestation de se lancer dans la conquête de la Chambre.
Une bataille qui se déroule dans un climat de forte polarisation politique entre le Hezbollah et ses alliés, notamment le camp aouniste, et les groupes qui leur sont hostiles. Il s’agit donc d’une course à la majorité parlementaire ou du moins au tiers de blocage, d’autant que le scrutin sera suivi de la formation d’un nouveau gouvernement mais surtout de l’élection d’un nouveau président, en octobre. Et en vue de ces deux échéances cruciales, chaque camp veut avoir son mot à dire.
C’est ce qui ressort de propos tenus durant le week-end par plusieurs ténors du Hezbollah. S’exprimant lors d’une cérémonie à Jibchit au Liban-Sud, le cheikh Nabil Kaouk, membre du conseil central du parti chiite, n’y est pas allé par quatre chemins : « Le Hezbollah est le parti le plus populaire au Liban », a-t-il tonné. Comprendre que la formation pro-iranienne est capable de préserver la majorité à la Chambre qui sera chargée d’élire le futur chef de l’État. Des propos légèrement tempérés par le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. « Nous sommes attachés au partenariat. Et nul ne peut annuler qui que ce soit », a-t-il dit à l’adresse des adversaires de sa formation, lors d’une rencontre à Ghaziyé, au Liban-Sud. « Quant à l’élection présidentielle, il est dans l’intérêt de tout le monde que le prochain chef de l’État soit le résultat d’une entente (entre les divers protagonistes) », a estimé M. Raad.
Les Forces libanaises, bête noire du parti chiite et principal adversaire du Courant patriotique libre (fondé par Michel Aoun et présidé par son gendre Gebran Bassil) sur la scène chrétienne, ne perçoivent pas les choses sous cet angle. « Il n’est pas question de s’entendre avec le Hezbollah sur le prochain président, car ce parti veut maintenir le Liban sous sa coupe », affirme à L’Orient-Le Jour un responsable FL. « C’est pour éviter que le parti de Dieu nous impose sa volonté que nous menons une bataille pour la majorité parlementaire », dit-il. « La présidentielle ne devrait plus faire l’objet de compromis politique élargi, car nous en avons vu le résultat catastrophique », ajoute le proche de Samir Geagea dans une critique du mandat de Michel Aoun, pourtant arrivé à Baabda à la faveur de l’appui que lui avaient accordé les FL après l’accord de Meerab de 2016, ainsi que du soutien du leader du courant du Futur Saad Hariri.
Hier, le patriarche maronite, Béchara Raï, dont les liens avec le président Aoun sont tendus en raison de profondes divergences sur différents dossiers, a donné le ton, résumant en une phrase l’enjeu du scrutin de mai : « Des législatives réussies dans leur organisation et leurs résultats sont la garantie d’une réussite de l’élection d’un nouveau président qui soit à la hauteur des défis pour le redressement du Liban », a-t-il lancé dans son homélie dominicale à Bkerké.
L’appel Boukhari-Siniora
Les législatives de mai interviennent aussi dans un contexte de forcing arabe pour que les formations opposées au Hezbollah soient unies afin de faire barrage aux alliés du parti chiite notamment après le retrait de la principale composante sunnite du pays, le courant du Futur et son chef Saad Hariri. D’où les contacts menés ces derniers jours entre les FL et le Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblatt) ainsi que des figures sunnites gravitant dans l’orbite haririen pour sceller des alliances dans plusieurs circonscriptions. Dans ce contexte, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari – attendu incessamment à Beyrouth après que Riyad a posé les jalons de son retour politique au Liban, mettant fin à des mois de gel diplomatique –, est entré en contact samedi avec l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, qui est parvenu à former des liste électorales à Beyrouth II ou encore à Tripoli, pour ne citer que ces deux exemples de circonscriptions où le poids sunnite est considérable. Pour M. Siniora, il était vital d’encourager l’électorat de cette communauté à se rendre aux urnes, en dépit de la décision de Saad Hariri de boycotter les législatives.
L’action de l’ancien Premier ministre serait-elle soutenue par Riyad ? L’intéressé préfère modérer. « M. Boukhari m’a présenté ses vœux à l’occasion du début du mois de ramadan. Et puis l’intérêt que l’Arabie saoudite porte au Liban n’est pas nouveau », affirme M. Siniora dans une déclaration à L’OLJ. Cela n’a pas d’incidence sur le scrutin, dans la mesure où il revient aux Libanais de voter et faire leur choix.
A quarante jours des élections législatives attendues et souhaitées par tout le monde sauf des battus d’avance ; le constat est très dur et surtout tristement catastrophique pour le pays du cèdre et du peuple. L’opposition est dénuée d’un leader charismatique naturel pour mener et gagner ces élections tant espérées. La méfiance est généralisée, Kellonne YA3NNI kellonne, et maintenant qui mènera la bataille voulue et attendue par tout le peuple ? En rang dispersé, tout ce beau monde se veut légitimé par une révolution éphémère qui n’a pas tenu la route ni l’espoir miroités par de petits chefaillons d’occasion sans envergure ni charisme. L’opposition pour peu qu’elle ait existé, a été et reste toujours la grande absente depuis l’accession à la magistrature suprême d’un ex-général en fuite et opportuniste qui a réalisé l’ultime rêve de sa vie, celui de briller au sommet de l’Etat ; à son grand regret il n’a réussi qu’à faire de la surbrillance, sans autres résultats probants pour l’Etat, la République et le peuple. Et en délitant le pays du cèdre pour l’offrir à sa fille et son conjoint. Pendant ce temps le Hezbollah organise son travail de sape afin de torpiller toute entreprise constructive de la part de l’opposition et de la révolution sclérosée par ses propres rivalités internes. Nous voilà dans de beaux draps, aux portes de l’enfer promis et imposé par Nasrallah, qui s’apprête à faire main basse sur le Liban et… sur toute la région.
10 h 57, le 05 avril 2022