Une délégation du Fonds monétaire international (FMI) a entamé mercredi, comme attendu une nouvelle mission au Liban, en vue de parvenir à un accord avec le pays frappé par une crise économique majeure. S’exprimant auprès de l’AFP, Saadé Chami a affirmé espérer « qu’un accord préliminaire sera conclu au bout de ces deux semaines de discussions ». Selon nos sources, une réunion est prévue jeudi matin à 8h entre la délégation et l’équipe de négociateurs désignés par le Liban. Le président Michel Aoun a par ailleurs rencontré mercredi la délégation.
Cette nouvelle visite de deux semaines suit le déplacement plus bref (trois jours) entre fin février et début mars de la délégation dirigée par le chef de mission pour le Liban, Ernesto Ramirez-Rigo, qui a pris ses fonctions en 2022. Les experts du FMI avaient également échangé en visioconférence avec les négociateurs libanais menés par le vice-président du Conseil des ministres et lui-même ancien de l’organisation, Saadé Chami, entre le 24 janvier et le 10 février dernier.
Le 11 février dernier, Ernesto Ramirez-Rigo avait identifié cinq piliers autour desquels doivent se concentrer les efforts que le Liban doit engager pour pouvoir adhérer à un programme d’assistance financière de l’organisation : réformes budgétaires, restructuration du secteur financier, réforme des institutions et entreprises publiques, renforcement de la gouvernance et mise en place d’un système de change « crédible ».
Chantiers en cascades
Les réunions organisées entre janvier et février qui ont marqué le début des discussions officielles entre le FMI et les négociateurs libanais s’étaient tenues en parallèle des discussions du Conseil des ministres sur le projet de budget pour 2022. Il s’agissait là de la réactivation d’une première salve de discussions lancée en mai 2020 et stoppée net deux mois plus tard en raison de dissensions côté libanais (l’exécutif d’un côté; les banques, la banque centrale ainsi que certains députés de l’autre) sur l’approche pour calculer et répartir les pertes. Les discussions ont repris sous le gouvernement de Nagib Mikati formé en septembre 2021.
Mais un accord semble encore loin d’être trouvé alors que les législatives de mai approchent à grands pas. Pour l’heure, les responsables libanais n’ont toujours pas bouclé le processus d’adoption du budget – dont le projet finalisé en février par l’exécutif est entre les mains de la commission parlementaire des Finances. Le projet de loi instaurant un contrôle des capitaux, une des réformes spécifiquement demandée par le FMI, a de plus été rejeté par les commissions parlementaires mixtes lundi. Un rejet auquel Nagib Mikati a peu goûté, reprochant à certains de vouloir saboter le travail de son gouvernement. Il avait ainsi appelé les députés et les ministres à coopérer « en faveur de l’intérêt national et non pas personnel, car c’est le pays qui paye le prix ». Préparé par l’équipe de Saadé Chami, il était mercredi entre les mains du Conseil des ministres, qui devait se pencher dessus. Le seul chantier semblant en être à un stade avancé est le plan pour la réforme de l’électricité qui a été finalisé et adopté en deux temps par l’exécutif.
Projet de loi sur le rapatriement des fonds
Enfin au niveau des rendez-vous manqués, la réunion des commissions mixtes, programmée mercredi matin au Parlement, a été reportée « faute de quorum » à mercredi prochain, a annoncé le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli. Cette séance devait étudier un projet de réforme consacré au rapatriement des fonds transférés à l’étranger après le 17 octobre 2019, soit au début du mouvement de contestation populaire contre la classe dirigeante considérée comme corrompue. C’est à cette période que les restrictions bancaires illégales se sont généralisées et que certains déposants privilégiés et dirigeants de banques – parfois politiquement exposés – auraient transféré plusieurs milliards de dollars hors du pays.
Le FMI a pour sa part exprimé à plusieurs reprises ces derniers mois que seule la mise en place d’un programme complet de réformes, et non juste des pans, convaincrait ses experts. Or, le plan de redressement global sur lequel les responsables libanais planchent a pour le moment été rejeté par les secteurs bancaire et privé qui militent pour qu’une partie plus importante des pertes soient remboursées en vendant des actifs de l’État.
Seule satisfaction claire, le montant des pertes à répartir a été fixé, notamment après que les audits des comptes de la Banque du Liban commandés à KPMG et Oliver Wyman ont permis de dégager une position conforme aux standards internationaux en matière de comptabilité. Courant mars, Saadé Chami avait souligné que les 69 milliards de pertes cumulées par l’État, la BDL et le secteur bancaire, avaient augmenté depuis, évoquant une fourchette approximative allant entre « 70 et 72 milliards de dollars ».
On ne reconstruit pas un pays avec ceux-mêmes qui l’ont détruit !
12 h 54, le 31 mars 2022