Farid el-Khazen : On crédite le Saint-Siège de « prises de position imaginaires »

Parallèlement à la visite lundi et mardi du chef de l’État Michel Aoun au Vatican, plusieurs médias proches du Hezbollah et du camp aouniste véhiculaient des informations faisant état d’un appel du Saint-Siège à Bkerké d’engager un dialogue avec le parti chiite parce qu’il fait partie de la mosaïque libanaise. Le patriarche maronite Béchara Raï se trouvait, lui, au même moment au Caire où il prônait devant le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmad Aboul Gheit la « neutralité du Liban » et son « appartenance arabe ».

Revenant sur ces rumeurs qui ont circulé dans les médias, l’ambassadeur du Liban auprès du Saint-Siège Farid al-Khazen a dénoncé auprès de L’Orient-Le Jour des « tentatives de manipulation de la position du Vatican » en créditant le Saint-Siège de « positions imaginaires en faveur ou contre l’un des partis, ou des lignes politiques opposées ». En l’occurrence, le Hezbollah. Dans le climat préélectoral au Liban, caractérisé par une accentuation des polémiques et des affrontements entre les factions politiques locales, l’ambassadeur a stigmatisé l’instrumentalisation de la visite du président de la République au Vatican en faveur d’alignements politiques opposés, « chacun y lisant ce qu’il désire y trouver ».

Le décryptage de Scarlett Haddad

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M. Khazen, qui a assisté en même temps que le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib à la rencontre du chef de l’État avec le cardinal Parolin, secrétaire d’État du Vatican, et Mgr Richard Paul Gallagher, secrétaire du Vatican aux Relations avec les États, a démenti que le Vatican ait mentionné à quelque moment que ce soit « un dialogue souhaitable avec le Hezbollah » ou que le Saint-Siège ait demandé au patriarche maronite que ses positions à l’égard de ce parti soient « rajustées ». « Non, non, non ! Tout cela n’est que pure extrapolation ! » s’est exclamé M. Khazen, déplorant que l’information soit manipulée de manière à « opposer le Vatican au patriarche », dans le cadre de la véritable guerre médiatique qui se livre sur la scène interne libanaise. « C’est du pur bavardage, a encore réagi le diplomate, le Saint-Siège n’a rien à voir avec nos tiraillements intérieurs. »

Le nonce apostolique, Mgr Joseph Spiteri, sollicité par L’Orient-Le Jour, a lui aussi qualifié de « pure invention » une information rapportée par une agence en ligne affirmant qu’une délégation du Hezbollah a été reçue à la nonciature apostolique à Harissa, lors de la visite effectuée au Liban par Mgr Gallagher, en février dernier. « Ce qui est malheureux, a ajouté le nonce, c’est que l’opinion croit que ces informations sont vraies et que c’est nous qui cachons quelque chose, ce qui n’est absolument pas le cas. La visite du ministre des Affaires étrangères du Vatican était strictement officielle. Nous nous sommes tenus au programme annoncé et avons même rejeté des demandes d’audience présentées par certaines personnalités chrétiennes. L’information selon laquelle, à la demande du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien, nous avons reçu une délégation du Hezbollah à la nonciature pendant dix minutes est une pure invention. »

Qu’en est-il de la visite du pape ?

Par ailleurs, certains médias ont souligné, au lendemain de la visite du chef de l’État au Vatican, que la teneur des communiqués publiés par le Liban officiel et le Vatican ne coïncidaient pas, notant en particulier que le communiqué du Saint-Siège n’a fait aucune allusion à une éventuelle visite du pape au Liban, contrairement au texte officiel libanais.

Le communiqué qui a immédiatement suivi la visite n’a en effet pas fait allusion à un possible voyage du pape, mais dans son édition du 22 mars, l’agence Vatican News, l’un des principaux organes de presse du Vatican, a rappelé qu’« à de multiples reprises, le pape François a fait part de sa préoccupation pour le peuple libanais ces dernières années ».

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Si le Saint-Siège n’a pas encore confirmé une date pour une prochaine visite de François au Liban, celle-ci devrait néanmoins avoir lieu d’ici à la fin de l’année, avait confié Mgr Gallagher. Elle interviendrait 10 ans après celle de Benoît XVI et 25 ans après la dernière visite de Jean-Paul II. 

En réalité, précisent en substance des sources diplomatiques, toute visite au Liban du pape François doit se dérouler dans un climat de stabilité politique, le souverain pontife ne pouvant se rendre à Beyrouth qu’en apôtre de paix et d’espérance. Il va donc de soi que cette visite ne peut intervenir qu’après les élections législatives du 15 mai et la formation d’un nouveau gouvernement, et avant l’expiration du mandat du président Aoun le 31 octobre, à condition que cette dernière échéance et la passation des pouvoirs qui la suivra soient assurées de se dérouler dans des conditions normales.