Loin des polémiques et des dissensions internes, la visite du chef de l’État au Vatican reste un événement, surtout en ce timing précis. Certaines parties libanaises ont voulu la relier aux prochaines élections législatives, d’autres ont mis en avant l’approche de la fin du mandat de Michel Aoun et la volonté de ce dernier de se doter d’une légitimité chrétienne quelques mois avant son départ de Baabda, d’autres encore ont parlé du Hezbollah et d’un message du Vatican en faveur d’un dialogue avec cette formation. Mais, selon des sources fiables au Vatican, aucune de ces approches n’est conforme à la réalité. De même source on assure que la visite de Michel Aoun au Vatican était en préparation depuis quelque temps déjà et c’est le Saint-Siège, en commun accord avec Baabda, qui en a choisi le timing en fonction de l’agenda chargé du pape François. La date n’est donc pas liée à des considérations internes libanaises, mais à l’emploi du temps du souverain pontife.
En effet, le pape a prévu de se rendre à Beyrouth dans un proche avenir, mais, selon ses conseillers, il voudrait choisir un moment où les Libanais seront en mesure de capter son message, loin des tiraillements politiques internes. C’est pourquoi lors de leur entretien de 30 minutes lundi au Vatican, ni le pape ni le président Aoun n’ont évoqué des questions en rapport avec les divisions internes libanaises, ou en faveur d’une partie libanaise contre l’autre. Aussi bien les sources de Baabda que celles du Vatican précisent que pour le pape François, la priorité est de préserver la présence chrétienne dans la région, sachant que pour le Vatican, les chrétiens y sont enracinés. Ils font d’ailleurs partie des composantes essentielles de son tissu social. Or, depuis quelques années, et de façon inexorable, le nombre des chrétiens est en train de diminuer dans la région. Il y a eu ainsi le départ massif des chrétiens d’Irak après l’expansion de Daech (groupe État islamique) dans ce pays et sa prise de contrôle d’une partie importante de ses provinces. Il y a eu aussi l’exode forcé des chrétiens de Syrie, en raison de la guerre qui a dévasté ce pays et enfin les vagues d’émigration successives de Libanais, dont des chrétiens, suite à la crise économique et à l’instabilité politique.
Toujours selon les sources du Vatican, le pape François est inquiet de ce phénomène, surtout qu’il considère que les chrétiens dans la région sont un facteur de stabilité, d’ouverture et de paix. Il s’est donc rendu en Irak en mars 2021 dans une visite qualifiée d’historique destinée à redonner confiance dans l’avenir aux chrétiens de ce pays qui ont souffert de l’hégémonie de Daech. Il a aussi envoyé le cardinal Leonardo Sandri en Syrie, en octobre de la même année. Ce dernier a passé une semaine sur place, se déplaçant entre Damas, Homs et Alep dans une volonté de montrer l’intérêt que porte le Vatican à la présence des chrétiens de ce pays. Dans ce sillage, il était donc normal que le pape François poursuive ses initiatives jusqu’au Liban, qui traverse une crise sans précédent. Mais comme le cas du Liban est un peu différent, d’abord en raison du poids des chrétiens dans la vie politique de ce pays et ensuite en raison des dissensions internes qui pourraient transformer chaque initiative externe en sujet de polémique, le pape a décidé d’attendre un peu avant de s’y rendre, d’autant que l’année 2022 est censée être cruciale avec l’échéance législative qui devrait être suivie en octobre de l’élection présidentielle.
Mais cela n’empêche pas le Vatican, dans toutes ses institutions, de s’intéresser de près à la situation dans ce pays. Toujours selon les sources du Vatican, le message du pape aux Libanais est donc clair : ils doivent privilégier le dialogue entre eux, parce qu’il renforce l’unité interne, principale garantie de la stabilité. Pour le Vatican, le Liban doit donc rester un modèle de dialogue et de coexistence entre les différentes communautés, surtout en cette période compliquée où les extrémismes se renforcent dans la région et dans le monde. Selon les sources précitées, le pape, mais aussi le cardinal Pietro Parolin, numéro deux du Saint-Siège, ainsi que tous les interlocuteurs du chef de l’État, ont insisté sur l’importance d’instaurer des relations de dialogue et d’ouverture entre toutes les composantes libanaises, dont le Hezbollah. Mais ce dernier n’a pas été évoqué spécifiquement par le pape. Avec les cardinaux, les entretiens sont entrés un peu plus dans les détails, sachant que la position du Vatican distingue entre le volet militaire et celui politique du Hezbollah. Les sources proches de Baabda précisent que M. Aoun ne s’est pas rendu au Vatican pour plaider en faveur d’un camp libanais contre l’autre ou pour évoquer des questions internes, en défendant telle ou telle autre thèse. Il a voulu parler au nom du Liban et voir comment le Vatican peut aider ce pays à rester uni et à surmonter la crise dans laquelle il se débat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a évoqué avec ses interlocuteurs le poids de la présence des déplacés syriens et la nécessité d’ouvrir la voie à leur retour dans les zones calmes de leur pays.
Les sources proches de Baabda affirment que le principal message envoyé par le Vatican à travers la visite du chef de l’État est donc d’appuyer le Liban dans sa diversité et dans son rôle de modèle de coexistence et de lui redonner confiance dans l’avenir, en dépit des difficultés actuelles.
un message qui a fait faillite. Quest-ce qu'il avait dit Eisntein?
14 h 04, le 25 mars 2022