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Monde - Éclairage

La guerre en Ukraine catalyse le tournant de la politique étrangère allemande

L’invasion russe de son voisin a marqué un précédent pour Berlin, qui a décidé d’opérer un virage à 180 degrés dans sa stratégie de défense.

La guerre en Ukraine catalyse le tournant de la politique étrangère allemande

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’adressant en visioconférence au Parlement allemand à propos de la guerre en Ukraine, le 17 mars 2022. Photo AFP

Du jamais vu dans l’histoire récente de ce géant économique et nain militaire. Si Volodymyr Zelensky a critiqué Berlin pour la poursuite de ses importations de gaz et de pétrole russes, ainsi que pour le retard et l’ampleur limitée des mesures prises à l’encontre de la Russie, l’Allemagne a néanmoins effectué un changement radical dans sa politique étrangère depuis le début de la guerre en Ukraine. Connue pour son antimilitarisme depuis la réunification, que certains au sein de l’Alliance transatlantique considèrent comme du resquillage pour s’assurer une protection à bas coût, la puissance exportatrice semble avoir changé de paradigme en quelques jours suite à l’invasion russe de l’Ukraine. Lors d’une session parlementaire extraordinaire le 27 février dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz déclarait ainsi que cette attaque aux portes de l’Europe représentait une « Zeitenwende » (un changement d’époque). Sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, soulignait, quant à elle, qu’« il était sans doute temps pour l’Allemagne d’abandonner sa retenue particulière et exceptionnelle en matière de politique étrangère et de sécurité ».

« Ce changement annoncé rompt avec une illusion de la culture politique de l’Allemagne qu’un État faible qui ne menace personne est à l’abri de menaces, ou encore que le meilleur moyen de lutter contre les armes nucléaires est de s’en déclarer zone exempte », soutient Thomas Jäger, professeur en relations internationales à l’Université de Cologne. L’Allemagne réunifiée s’est construite autour du traumatisme d’avoir été l’agresseur durant la Seconde Guerre mondiale, convaincue que la militarisation conduirait nécessairement à une attaque. Aussi, la logique de dissuasion qui prévalait dans les pays occidentaux n’avait pas fait tache d’huile en dehors des cercles sécuritaires. « Personne ne pensait que Vladimir Poutine agirait. L’opinion publique a été choquée et a ainsi réagi de manière positive aux mesures décidées par le gouvernement », affirme, quant à lui, Oscar Prust, chercheur à l’institut de sciences politiques de l’Université Halle-Wittenberg.

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Un tournant majeur

Dans un virage à 180 degrés, Berlin s’est engagé – après quelques dernières hésitations – à envoyer des armes et du matériel militaire à Kiev, alors que sa ligne directrice était jusqu’alors de ne pas livrer d’armes létales à des pays en guerre ou impliqués dans des conflits. Ayant un droit de veto sur les ventes et livraisons d’équipements militaires de fabrication allemande par des pays tiers, la République fédérale a également autorisé l’envoi vers l’Ukraine d’armes antichars et d’obusiers (howitzers) de la part des Pays-Bas et de l’Estonie. Dans la foulée, le chancelier a annoncé la création d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser et renforcer les capacités de l’armée, largement sous-équipée selon les spécialistes militaires. Par ailleurs, il s’est engagé sur l’augmentation des dépenses de défense à minimum 2% du PIB comme le réclamait l’OTAN et les États-Unis depuis des années. Le budget de défense de l’Allemagne pourrait ainsi atteindre 75 milliards d’euros cette année, la plaçant alors au troisième rang mondial en termes de dépenses nominales, après Washington et Pékin.

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Au palmarès de la honte

En ce qui concerne ces politiques de défense, « la crise ukrainienne n’est en fait qu’un catalyseur, en tout cas jusqu’à maintenant, pour mettre en place ou accélérer ce qui aurait déjà dû être fait en Allemagne », indique Oscar Prust. Financé en partie par de la dette, ce programme d’envergure n’a pas toutefois fait reculer le ministre des Finances, Christian Lindner, chef du parti libéral et fervent opposant au déficit budgétaire. D’autres lignes rouges semblent avoir bougé au sein de la coalition gouvernementale depuis la guerre en Ukraine. Se revendiquant d’une ligne pacifique, le parti socialiste du chancelier Olaf Scholz a infléchi sa position jusque-là favorable à de bonnes relations avec la Russie, tandis que le parti des verts a désormais intégré la notion de dissuasion, au-delà de l’intervention humanitaire théorisée et mise en pratique lors de la guerre des Balkans par le ministre vert des Affaires étrangères de l’époque, Joschka Fischer. Face à l’instrumentalisation politique du gaz et du pétrole par Moscou, le parti écologiste aurait même été prêt à briser un autre tabou, celui de la sortie du nucléaire, prévue pour la fin de l’année.

Convergence avec les alliés

Alors que cette option a été officiellement écartée, le défi pour l’Allemagne de sortir en quelques mois de sa dépendance aux hydrocarbures et au charbon en provenance de Russie est immense. Il s’agit de trouver des alternatives pour près de 35% de ses importations pétrolières, et environ la moitié de ses importations en charbon et en gaz naturel. Déterminée, l’Allemagne a néanmoins pris des décisions inédites en ce sens, en dépit de leur impact négatif sur l’économie nationale. Le gouvernement a déjà enterré le projet Nord Stream 2 qui avait coûté plus de 10 milliards d’euros et devait permettre l’acheminement direct de gaz naturel entre la Russie et la République fédérale. Tandis que le système SWIFT lui permet de payer rapidement ses importations d’hydrocarbures russes, Berlin a accepté d’exclure de ce service de transactions internationales les banques qui avaient été soumises à des sanctions occidentales, tout en rejetant une exclusion généralisée de la Russie. Dans l’espoir de trouver des alternatives d’ici à la fin de l’année, des contacts ont été pris avec des pays exportateurs comme le Qatar, l’Arabie saoudite ou encore les Émirats arabes unis, bien que les résultats se fassent encore attendre.

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Les États-Unis s’activent aussi en ce sens depuis le début des tensions avec la Russie, autant que pour convaincre leurs partenaires de faire bloc contre le Kremlin. Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’OTAN a fait preuve d’une coordination exceptionnelle, et Washington s’est montré très satisfait des décisions du gouvernement allemand en matière de sécurité, qui devraient renforcer l’Alliance transatlantique. La ministre allemande de la Défense a annoncé lundi dernier le remplacement des avions de chasse désuets Tornado par des F-35 américains d’ici à 2030, seuls homologués à transporter des têtes nucléaires lors des exercices de dissuasion de l’OTAN. « En contribuant à l’Alliance en matière de politique sécuritaire, l’Allemagne s’impliquera également davantage dans les travaux politiques et conceptuels de l’organisation », souligne Thomas Jäger. En outre, Berlin a réitéré son engagement à développer le système de combat aérien du futur (SCAF) d’ici à 2040 au sein de l’Union européenne avec la France et l’Espagne. Si ces mesures peuvent permettre de réajuster la contribution de Berlin à la sécurité collective, des obstacles jalonnent encore ce parcours, notamment la bureaucratie entourant les attributions de marchés publics dans le domaine de la défense. « Compte tenu du fonds spécial pour la défense et la politique sécuritaire étrangère, il s’agit certainement d’une rupture qui peut être présentée comme un changement d’époque, mais je pense qu’il est trop tôt pour l’analyser de manière définitive », conclut Oscar Prust.

Du jamais vu dans l’histoire récente de ce géant économique et nain militaire. Si Volodymyr Zelensky a critiqué Berlin pour la poursuite de ses importations de gaz et de pétrole russes, ainsi que pour le retard et l’ampleur limitée des mesures prises à l’encontre de la Russie, l’Allemagne a néanmoins effectué un changement radical dans sa politique étrangère depuis le début de...
commentaires (4)

EH OUI ! 180 DEGRÉ : POUR CHANGER UNE MENTALITÉ , IL FAUT CHANGER L’ENVIRONNEMENT : LEUR MENTALITÉ FASCISTE /NAZISME REDEVIENT FASCISTE/ NAZISME…

aliosha

13 h 11, le 20 mars 2022

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Commentaires (4)

  • EH OUI ! 180 DEGRÉ : POUR CHANGER UNE MENTALITÉ , IL FAUT CHANGER L’ENVIRONNEMENT : LEUR MENTALITÉ FASCISTE /NAZISME REDEVIENT FASCISTE/ NAZISME…

    aliosha

    13 h 11, le 20 mars 2022

  • En tout cas le président Zelensky … en étant dehors et se montre dans les rues de son pays montre et donne l’exemple à notre résistance qui contrairement la nôtre se terre au 5 eme sous sol

    Bery tus

    20 h 04, le 19 mars 2022

  • ET COMBLE D,HYPOCRISIE J,AI VU A LA TV AUJOURD,HUI LES DEUX CRIMINELS DE GUERRE CLINTON QUI A RAVAGE, OCCASIONNE LA GUERRE CIVILE ET DEMEMBRE LA YOUGOSLAVIE AVEC DES MILLIERS DE MORTS CIVILS... ET GWB QUI A ENVAHI L,IRAQ AVEC 1.5 MILLIONS DE MORTS CIVILS DEPOSER DES FLEURS DANS UN LIEU A LA MEMOIRE DES MORTS CIVILS DE L,UKRAINE. CES HYPOCRITES CRIMINELS DE GUERRE AMERICAINS CONDAMNENT LEUR COLLEGUE POUTINE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 57, le 19 mars 2022

  • C,EST PLUTOT SLEEPING JOE REVEILLE POUR L,OCCASION QUI REIETERE L,ERREUR D,APRES LA PREMIERE GUERRE MONDIALE DE PERMETTRE OU PLUTOT D,ENCOURAGER LE REARMEMENT ALLEMAND. IL POUSSE VERS LA TROISIEME GUERRE MONDIALE AVEC SES GAFFES. CES OCCIDENTAUX DICTATEURS/DEMOCRATES SONT PIRES QUE LES DICTATEURS DECLARES COMME TELS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 53, le 19 mars 2022

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