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Au palmarès de la honte


Tout comme pour les individus, la poursuite du bonheur est une des aspirations les plus naturelles qui habitent les peuples. Depuis une décennie, cette quête inlassable et universelle est d’ailleurs évaluée, notée, comptabilisée à l’aide de sondages Gallup par un organisme de l’ONU, le Réseau de solutions de développement durable; dans un rapport circonstancié sur le bonheur dans le monde, celui-ci distribue, tous les ans, les bons et les mauvais points.


Voilà qui vient d’être fait pour le dernier exercice. À la lecture de ce document on constate, atterré mais pas trop surpris, que dans le rang des pays méchamment boudés par la félicité, le nôtre occupe l’avant-dernière place, tout juste devant le cancre de la classe, l’Afghanistan, qui traîne en queue de peloton. Jamais, faut-il croire, Liban et taliban, unis dans la disgrâce, n’auront offert, à la vue comme à l’ouïe, rime plus parfaite…


Couverte de lauriers bien mérités, peuple et dirigeants, est en revanche la Finlande, sacrée champion mondial, même si en ce moment elle est en proie à son traumatisme ukrainien. Parlant du loup (ou plutôt de l’Ours), la Russie recule au 80e rang dans cette liste mondiale pourtant dressée avant même l’invasion de l’Ukraine. Si le fait vaut d’être relevé, c’est parce que pour les auteurs du rapport onusien, la principale leçon à en tirer est que la solidarité sociale et l’honnêteté des gouvernements sont cruciales pour le bien-être des peuples. On se demande, dès lors, quelle sorte d’honnêteté peut bien revendiquer l’oligarque en chef de Moscou, Vladimir Poutine, quand, non content d’amasser une fortune colossale, il se promet de dénazifier l’Ukraine en recourant à une rhétorique et à des moyens tout droit issus des pratiques hitlériennes.


Solidarité sociale et intégrité morale du pouvoir en place : comme le fait l’ONU, on ne soulignera jamais assez combien le magique élixir des peuples heureux tient à ces deux ingrédients. La cascade de crises qui s’est abattue sur notre pays a jeté une lumière crue sur les contradictions d’une société libanaise où l’on voit le meilleur côtoyer le pire : ici l’hydre des accapareurs et fraudeurs de toute sorte, et là de formidables élans d’entraide humaine. C’est cependant au niveau de nos dirigeants, virtuoses de la langue de bois et de l’escroquerie – tant mentale que matérielle –, que nous sommes le plus massivement pénalisés : au point que même Poutine pourrait, toutes proportions gardées, passer pour un bonimenteur à la petite semaine.


Mensonges effrontés, en effet, que ces engagements officiels quant au respect de l’échéance électorale de mai prochain alors que le courant présidentiel, souffrant d’une large désaffection populaire, préférerait la perpétuation du statu quo. Mensonges aussi que cette alliance se voulant strictement électorale avec le Hezbollah, dont se prévaut le même courant, qui en est à mendier les suffrages du tandem chiite pour préserver un reste de leadership chrétien. Criblée de zones d’ombre, puant le règlement de comptes politique et non dénuée d’aléas, puisqu’elle menace d’emporter le gouvernement, est enfin l’actuelle frénésie judiciaire visant sur le tard, en fin de régime, une corruption qui éclabousse pourtant la quasi-totalité des forces au pouvoir.


Le bonheur du peuple libanais ? Une chimère en attendant le salutaire, l’énorme, le titanesque coup de balai.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Tout comme pour les individus, la poursuite du bonheur est une des aspirations les plus naturelles qui habitent les peuples. Depuis une décennie, cette quête inlassable et universelle est d’ailleurs évaluée, notée, comptabilisée à l’aide de sondages Gallup par un organisme de l’ONU, le Réseau de solutions de développement durable; dans un rapport circonstancié sur le bonheur dans...