Le président du syndicat des propriétaires de supermarchés, Nabil Fahed, a indiqué mardi à L’Orient-Le Jour que la filière envisageait bien d’arrêter d’accepter les paiements par carte dans un futur proche, si aucune solution n’était trouvée par le système bancaire pour leur permettre d’accéder librement aux fonds perçus via cette méthode de paiement.
L’accès est limité par les restrictions mises en place par le secteur bancaire – Banque du Liban (BDL) et établissements bancaires inclus – sur les retraits de fonds déposés sur des comptes en dollars depuis la seconde moitié de 2019. Un resserrement qui s’est étendu aux retraits en livres depuis 2021, la Banque centrale ayant limité les quantités de liquidités que les banques peuvent retirer sans frais de leurs comptes courant chez elle.
« Il se peut que nous imposions que 100 % des règlements soient faits en espèces d’ici deux semaines en l’absence de solution », a-t-il déclaré, confirmant des informations relayées par certains médias. Le propriétaire de la chaîne de supermarché Fahed justifie la position de son syndicat – qui représente 27 enseignes se partageant 140 points de ventes (des grandes surfaces pour la plupart) – en évoquant la combinaison de la hausse des paiements par carte enregistrés par la filière ainsi que la décote des fonds en livres déposés dans les banques et dont l’accès est limité par les restrictions bancaires.
Réunion de la BDL mercredi
« La proportion de paiements par carte a fortement augmenté au cours des deux dernières semaines et atteint aujourd’hui 65 % pour la majorité des supermarchés, voire 75 % pour certains d’entre eux. Avant, la moyenne oscillait entre 45 et 50 %, un niveau déjà supérieur à celle de 25 % affichée au courant de l’été dernier », a-t-il exposé. « Nous avons décidé d’un délai de deux semaines pour laisser le temps aux parties concernées de réagir. Mais si rien ne change, nous ne pourrons plus continuer d’assumer les pertes liées à la décote des fonds en livres déposés dans les banques et qui a atteint 25 % cette semaine », a encore ajouté Nabil Fahed. Un ratio qui serait a priori appliqué pour les chèques de plus de 200 millions de livres, selon une source proche des milieux qui font le commerce de chèques bancaires. Les supermarchés déplorent le fait que la combinaison de ces facteurs ronge leurs marges, et qu’une importante partie de leurs coûts de fonctionnement doit être réglée en espèces – comme les frais de générateurs privés utilisés pour pallier le rationnement d’Electricité du Liban, qui ne fournit actuellement que deux ou trois heures de courant par jour. Une réunion doit avoir lieu mercredi à la BDL, où le sujet devrait être une nouvelle fois mis en avant par le directeur général du ministère de l’Économie et du Commerce, Mohammad Abou Haidar, qui participe à ces réunions.
Depuis le début de la crise, il y a plus de deux ans et demi, les supermarchés faisaient partie des rares filières à ne pas imposer de limites sur les paiements par carte. La situation a changé la semaine dernière après que leur syndicat a officialisé samedi matin sa décision arrêtée la veille de ne plus accepter les paiements par carte bancaire qu’à hauteur de 50 %, le reste devant être réglé en espèces – livres ou dollars. Une annonce qui a poussé de nombreux Libanais à se ruer sur les grandes surfaces pour constituer des stocks de nourriture et de produits de première nécessité.
Le syndicat avait fait alors valoir que le taux d’escompte pratiqué par ceux qui achètent des chèques libanais en livres avec des espèces avait grimpé pour atteindre un pic de 23 %, contre environ 15 % auparavant. Ce taux d’escompte était même inférieur à 10 % l’été dernier, selon nos informations. Pour les chèques en dollars bancaires ou lollars (qui ne peuvent être retirés qu’en livres à un taux de 8 000 pour un dollar en vertu de la circulaire n° 151 de la BDL), le taux d’escompte dépasse les 80 % de la valeur du chèque échangé contre des espèces, tandis que la monnaie nationale, longtemps arrimée au dollar (pour une parité de 1507,5 livres par billet vert), a perdu plus de 90 % de sa valeur depuis le début de la crise.
Une source bancaire contactée la semaine dernière avait, elle, appelé à ne pas mettre l’intégralité de la responsabilité de cette situation sur le dos des banques, assurant que ces dernières étaient elles aussi obligées de racheter des liquidités en livres sur le marché, avec des escomptes similaires à ceux supportés par les autres entreprises, en raison des limites imposées par la BDL sur leur capacité à s’approvisionner en liquidités en livres. Concrètement, la banque centrale a réduit entre fin 2020 et mi-2021 la limite de livres que les banques pouvaient puiser dans leurs propres comptes courants chez elle pour servir leurs clients en ne leur laissant d’autre choix que de retirer ce qui leur manque des dépôts à terme qu’elles y détiennent également et sur lesquels elles gagnent des intérêts importants. La mesure avait été annoncée en coulisse comme un moyen pour la BDL de reprendre le contrôle sur une masse monétaire en expansion quasi exponentielle en plein contexte d’effondrement continu de la livre. Enfin, depuis l’adoption de la circulaire n°161 fin décembre -qui permet aux titulaires de comptes en livres de retirer une partie de leurs fonds en dollars au taux de sa plateforme de change Sayrafa, proche de celle du marché-, les banques échangent une partie de leurs livres contre des dollars.
Dans un communiqué publié mardi après-midi, la BDL a rappelé aux banques qu’elles "ne devraient pas réduire les plafonds de retraits mensuels en livres libanaises de leurs clients" tant qu’elles ont la possibilité d’assurer les espèces nécessaires via la plateforme Sayrafa. Dans ce cadre, la Banque centrale a précisé que les établissements bancaires peuvent obtenir des livres en espèces, et donc "sécuriser les besoins des déposants", sans être limités "par les quotas qu’ils peuvent retirer auprès de la BDL" en vendant des dollars via Sayrafa.
L’accès est...
commentaires (7)
Ils veulent être payés en cash? Avec qu’elle monnaie SVP? Puisque les libanais sont rationnés même dans la monnaie de singe qu’ils ont daigné leur accorder à condition qu’ils se contentent de quelques millions de LL autant dire en CFA pour subvenir à tous leurs besoins et honorer leur factures et frais scolaires, médicaments et essence alors qu’ils ne bénéficient pour ainsi dire d’aucun de ces trois. Un peuple qui n’est pas solidaire est voué à la mort et c’est le vœu le plus pieux de tous les vendus qui est exaucé sans cierge allumé ni prière répétée. Notre peuple en général a un grand défaut, l’appât du gain.
Sissi zayyat
14 h 25, le 17 mars 2022