Avec plus d’un an de retard, le projet ESSN de la BM enfin lancé cette semaine

Approuvé par la Banque mondiale (BM) en janvier 2021, puis bloqué par des modifications du Parlement libanais sur ses modalités de paiement en mars suivant, le projet de protection sociale en réponse à une crise d’urgence (ESSN), soit la pandémie de Covid-19 et la crise socio-économique au Liban, va enfin entrer en vigueur cette semaine. Une annonce faite hier par le ministre des Affaires sociales, Hector Hajjar, lors d’une conférence de presse au Grand Sérail de Beyrouth avec le Premier ministre, Nagib Mikati, et le directeur régional de la BM pour le Moyen-Orient, Saroj Kumar-Jha. Plus d’un an après son approbation par la BM donc, « nous avons travaillé rapidement et de manière très professionnelle pour assurer l’exécution du programme et débuter les paiements selon le calendrier prévu », a encore souligné Hector Hajjar.

Entièrement financée par un prêt de la BM à hauteur de 246 millions de dollars, cette aide financière directe cible 680 000 personnes, membres de 150 000 ménages en situation d’extrême pauvreté, selon un communiqué de la BM suivant la réunion. Dans le détail, un montant mensuel fixe de 25 dollars sera distribué à chaque ménage sélectionné, ainsi que 20 dollars par membre (au maximum de six) du ménage. Un message explicatif leur sera envoyé, a ajouté Hector Hajjar. Chaque ménage devrait ainsi « être couvert d’ici à fin juin 2022 et tous les paiements sont rétroactifs à janvier 2022 et seront effectués pendant un an » par le Programme alimentaire mondial (PAM) via les sociétés de transfert de fonds, a précisé la BM dans son communiqué.Cette aide permettra également de couvrir les frais de scolarité de 87 000 étudiants, âgés de 13 à 18 ans, « afin de prévenir l’abandon scolaire parmi ces ménages vulnérables », a souligné la BM.Sur les 582 660 familles qui s’étaient inscrites sur la plateforme DAEM (soutien, en arabe) Social Safety Net, « gérée par (la plateforme gouvernementale) Impact et sous la supervision de l’Inspection centrale (…), 200 000 correspondaient aux critères requis », a encore détaillé l’institution internationale. Des visites ont ensuite été effectuées depuis le 17 février pour sélectionner le nombre de bénéficiaires requis par le projet. Un processus de vérification « géré par le PAM et qui se poursuivra jusqu’à la mi-juin prochain », a enfin précisé la BM.

« Surpris » par la hausse du nombre de démunis

Le projet ESSN constitue l’un des deux volets du plan DAEM, l’autre étant la fameuse « carte d’approvisionnement » du gouvernement. À ce propos, le ministre des Affaires sociales a déclaré hier espérer que « le succès » du programme ESSN servira « de signe positif de notre transparence et de notre travail efficace » au-devant des partenaires internationaux, dont la BM, pour que ceux-ci « nous prêtent le montant requis » pour activer cette carte.Consistant également en une distribution d’aide financière directe aux familles les plus démunies, cette carte est brandie par la classe politique depuis l’été 2020 comme substitut fiable aux levées des subventions sur les denrées essentielles instaurées par la Banque du Liban (BDL) depuis le début de la crise en 2019, dans un contexte de violente dépréciation de la livre (plus de 90 % de sa valeur face au dollar) et d’inflation galopante (239,69 % en glissement annuel en janvier 2022). Une carte servant donc de palliatif, mais qui n’a toujours pas été mise en place, alors que les mécanismes de la BDL en question ont presque tous été supprimés aujourd’hui, donnant lieu à des hausses vertigineuses des prix en livres libanaises des produits visés.

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Dans ce contexte, le Premier ministre Nagib Mikati s’est réjoui hier de l’annonce du lancement des versements du projet ESSN. « Le début du versement des aides dans le cadre (de ce programme) est une étape plus qu’urgente dans les circonstances difficiles que traverse le Liban », a-t-il ainsi estimé. « Nous sommes déterminés à relever tous les défis, mais la grande surprise fut de voir la vitesse de l’effondrement, accompagné d’une forte augmentation du nombre de familles classées parmi les plus démunies », a déploré le chef du gouvernement, qui a affirmé « attendre avec impatience » l’adoption de nouvelles mesures pour aider les Libanais. Un état de surprise de la part des autorités qui étonne, alors que la BM avait déjà estimé en juin 2021 que la crise au Liban figure parmi les dix, voire les trois pires crises mondiales depuis 1850, et que, selon des chiffres de l’ONU publiés en septembre dernier, « 82 % » des Libanais sont passés sous le seuil de pauvreté multidimensionnelle.