Pour les 70 ans de la maison fondée par son père Élie Ward et les 25 ans de son propre parcours à la tête de sa maison éponyme dans les pas de ce dernier, Tony Ward célèbre un patrimoine dédié à l’excellence, au souci du détail et à la créativité. Fidélité et évolution sont, dans sa nouvelle collection haute couture printemps-été 2022, les clés d’un succès continu malgré les difficultés et les dents de scie qu’impose le contexte libanais, Ward restant attaché à Beyrouth comme sa ville source. « Les inspirations changent, les créations évoluent, mais l’héritage demeure, souligne-t-il dans le manifeste de cette ligne spectaculaire dédiée, comme il l’indique aussi, aux révélations magiques de la macrophotographie. C’est sauvage, vert et chatoyant. Regardez de plus près, c’est complexe, multicolore et linéaire. C’est la surprise lorsqu’on explore une forme de très près. Des formes organiques démesurées, des fragments de perles inspirés des merveilles de la macrophotographie, des pièces monochromes lumineuses avec des détails intrigants. »
Les mystères du monde organique
De plus en plus, Ward semble s’intéresser aux effets visuels, comme on le voit dans son travail depuis quelques saisons, notamment celle de l’automne-hiver 2021 où, après les destructions occasionnées par la double explosion au port de Beyrouth, il s’est intéressé aux images éclatées et aux effets pixelisés d’une image vidéo « gelée » par une coupure quelconque. Cette fois, il va encore plus loin. Ce sont des mystères du monde organique observé à travers une loupe ou un instrument optique magnifiant – d’où le titre de la collection, Magnification – qu’il révèle au fil de ses broderies. « Maintenant, prenez un objectif macro et regardez à nouveau… Que voyez-vous réellement ? » suggère-t-il.
Un printemps sans ombres
Ce que vous verrez, ce sera à vous d’en décider : l’éclosion d’un bourgeon au ralenti, la dernière goutte de pluie glissant sur une fleur apparue au premier jour du printemps, les nervures d’une feuille encore tendre et qu’on a l’impression de voir en transparence, la beauté architecturale d’une toile d’araignée, des ruissellements reflétant les couleurs inouïes dictées par la lumière nouvelle de la belle saison, et traduits en coulées de perles et de cristaux, des corolles, des volants, des jupes-tulipes, des froufrous en cascades, des drapés opulents, des capes qui évoquent un rideau de feuillages ou une pluie de pétales. La palette, vibrante, fraîche, joyeuse, incarne l’humeur d’une saison que Tony Ward voudrait enfin voir sans ombres, en s’attachant à ces détails invisibles à l’œil nu que la nature confectionne en véritable petite main.
Parcours d’un passionné
Venu à la couture à la suite de son père Élie Ward, qui fut l’un des piliers de la confection lors de la grande époque beyrouthine, Tony Ward savait déjà, à l’âge où il jouait dans l’atelier familial, qu’il embrasserait ce métier avec passion. Dans son petit atelier à l’angle de la rue Saint-Nicolas, à Achrafieh, quartier résidentiel où chaque famille, jusqu’aux années 1970, était attachée à un faiseur et où bouillonnait l’émulation, Élie Ward était connu et reconnu pour la perfection de sa technique tailleur, notamment la fixation de la manche et la souplesse de l’épaule. Un architecte à sa manière, soucieux de structure, de géométrie et de l’attitude que confère un vêtement taillé dans les règles de l’art.
Enfant de la guerre, Tony Ward décide de tenter sa chance à Paris où il est dans un premier temps engagé dans les ateliers de Lanvin. Il y rencontre Claude Montana, qui croit en lui au point de financer ses études à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne. Sept années de formation, de Chloé, sous la direction de Karl Lagerfeld, à Dior, sous Gianfranco Ferré, le mûrissent et préludent à la fondation de sa maison éponyme à Beyrouth en 1997. Très vite, il se retrouve à l’étroit dans l’atelier confidentiel où officiait son père. Il y a quelques années, pour célébrer le 60e anniversaire de la maison dont il incarne la seconde génération, il installait ses quartiers généraux dans un immeuble contemporain, avenue de l’Hôtel-Dieu, à Achrafieh. Depuis 2003, c’est à partir de Beyrouth qu’il rayonne sur les tapis rouges, habillant les stars les plus en vue, de Whitney Houston à Pink, d’Ashanti à Rihanna, de Beyoncé à Sharon Stone. Son ajout à lui dans cette tradition d’excellence est dans le flou et le plissé caryatide. Architecte lui aussi à sa manière, il a longtemps peint lui-même les motifs de ses tissus réalisés en Italie ainsi que les motifs de broderies qui obéissent chaque saison à un nouveau thème. Le savoir-faire développé dans les ateliers de la maison contribue au rayonnement de la couture libanaise dans une industrie où le label libanais demeure une garantie d’excellence.
commentaires (2)
A couper le souffle
sarraf antoine
14 h 07, le 17 février 2022