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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Comment Israël a découvert le scandale « Pegasus » avec sept mois de retard

La publication de nouvelles révélations, détaillant l’usage massif du logiciel d’espionnage par la police contre des citoyens israéliens, a entraîné une remise en question publique du groupe NSO.

Comment Israël a découvert le scandale « Pegasus » avec sept mois de retard

Les locaux du groupe NSO, à Herzliya, dans la banlieue de Tel-Aviv. Jack Guez/AFP

La séquence pourrait être historique. Depuis les révélations à la mi-janvier portant sur l’utilisation du logiciel d’espionnage « Pegasus » par la police israélienne, le pays est aux abois. Non pas qu’il y ait quelque chose de nouveau dans le fond. Depuis juillet dernier, un consortium de 17 médias s’évertue à dénoncer les dérives liées à l’utilisation massive du logiciel par la compagnie NSO à travers le monde. Mais cette fois, les victimes sont locales : pour la première fois, le public israélien semble découvrir que le matériel d’espionnage ultrasophistiqué censé incarner la réussite du modèle israélien… peut se retourner contre sa propre population.

À la mi-janvier, le quotidien d’affaires israélien Calcalist publie une première série d’articles détaillant l’usage par la police israélienne, pendant des années, du logiciel d’espionnage afin d’accéder aux données téléphoniques de citoyens – sans autorisation préalable ni mandat légal. Parmi les victimes : des hommes d’affaires israéliens, des proches de Benjamin Netanyahu, des journalistes, le président du syndicat des travailleurs Yair Katz, des figures de l’opposition ou encore des membres du gouvernement actuel, notamment des personnalités haut placées au sein des ministères des Finances, de la Justice et des Transports.

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Après avoir démenti les faits, la police publie un nouveau communiqué, mardi dernier, accréditant les révélations. Une enquête interne met en avant de « nouvelles informations » confirmant l’usage du logiciel. Face aux accusations, le groupe de cybersécurité NSO, propriétaire de Pegasus, ne s’est pas prononcé, soulignant néanmoins qu’il n’était « en aucun cas impliqué dans le fonctionnement du système une fois vendu à des clients gouvernementaux ». Le gouvernement a quant à lui accusé des « faits présumés très sérieux » qui ne resteront « pas sans réponse », selon les déclarations hier de Naftali Bennett, Premier ministre à la tête d’une coalition gouvernementale depuis juin 2021.

Si le pays semble découvrir le « scandale NSO », c’est pourtant loin d’être la première fois que la compagnie, basée dans la banlieue de Tel-Aviv, est pointée du doigt pour ses dérives. Le 18 juillet dernier, un consortium de 17 médias internationaux publie une série d’articles après avoir eu accès à plus de 50 000 numéros de téléphone potentiellement ciblés par le puissant logiciel d’espionnage. L’enquête dévoile la vente du programme, en dehors de tout cadre légal, à des dizaines de gouvernements à travers le monde. Officiellement, la compagnie prétend fournir son logiciel à des fins « légitimes » de lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Mais l’enquête rendue publique en juillet lève le voile sur l’usage réel qui est fait du logiciel – dirigé contre des membres de la société civile, opposants politiques, journalistes, chercheurs, avocats… Le monde entier est ébranlé par ces divulgations qui touchent, de l’Azerbaïdjan à la France, du Rwanda au Liban, une cinquantaine de pays au total. Israël, où la compagnie mère a été créée en 2011, est en revanche relativement épargné par le scandale. Jusqu’à ces dernières semaines.

« Tremblement de terre »

En juillet dernier, seules quelques voix minoritaires semblaient se mobiliser pour dénoncer ces pratiques – une poignée de manifestants s’étaient notamment rassemblés devant les locaux de l’entreprise, à Herzliya. Mais depuis que le public israélien a conscience de pouvoir être affecté et que le gouvernement semble avoir pris la mesure du scandale, les choses se compliquent pour le groupe. Omer Barlev, ministre de la Sécurité publique, annonçait hier la mise en place d’une commission gouvernementale afin d’« examiner en profondeur la violation des droits civiques et de la vie privée des citoyens ». Les médias israéliens, eux, parlent d’un « tremblement de terre » capable de rebattre les cartes.

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D’autant que le « séisme national » a été précédé d’une mise en garde sérieuse de la part de Washington. En novembre, l’administration Biden plaçait le groupe israélien sur liste noire, estimant que le logiciel avait été utilisé contre les intérêts nationaux du pays – NSO doit désormais obtenir une autorisation explicite des autorités avant toute transaction (achat, vente) impliquant un partenaire américain.

La mise au ban internationale de la compagnie correspond aussi à la fin de l’ère Netanyahu après 12 ans de règne ininterrompu. « L’époque où la compagnie travaillait en secret avec le soutien actif du Premier ministre et des milieux du renseignement est belle et bien révolue », écrit le quotidien Haaretz à la mi-décembre. Au cours des dernières années, Benjamin Netanyahu avait misé sur une « diplomatie de la cybersécurité » afin d’exporter la technologie israélienne, quitte à faire affaire avec des régimes autoritaires. Comble de l’ironie pour l’ancien Premier ministre : selon les récentes révélations, son propre fils Avner Netanyahu ainsi que de proches conseillers auraient eux-mêmes été la cible du logiciel espion…

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Au-delà de l’opprobre public, la remise en question a également touché les rangs de la compagnie en interne. Parmi les 800 employés travaillant à NSO, certains semblent prendre leurs distances avec la compagnie – notamment par peur d’être associés au scandale ou de se voir refuser une future embauche. Certaines entreprises du secteur ont en effet affirmé ne plus vouloir embaucher des anciens du groupe. C’est par exemple le cas d’Eden Shochat, à la tête d’une compagnie de cybersécurité, qui s’interrogeait sur son compte Twitter : « Est-ce que vous voudriez de quelqu’un qui était prêt à laisser tomber son éthique pour un plus grand salaire ? Probablement pas. »

La séquence pourrait être historique. Depuis les révélations à la mi-janvier portant sur l’utilisation du logiciel d’espionnage « Pegasus » par la police israélienne, le pays est aux abois. Non pas qu’il y ait quelque chose de nouveau dans le fond. Depuis juillet dernier, un consortium de 17 médias s’évertue à dénoncer les dérives liées à l’utilisation massive...

commentaires (2)

l’usage massif du logiciel d’espionnage par la police contre des citoyens israéliens, MAIS EN QUOI UN ETAT EST IL INTERRESSE PAR MON "INTIMITE", OU LA VOTRE OU LA LEUR SI CE N'EST POUR DES RAISONS DE SECURITE NATIONALE ? CA ME DEPASSE !

Gaby SIOUFI

15 h 42, le 08 février 2022

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Commentaires (2)

  • l’usage massif du logiciel d’espionnage par la police contre des citoyens israéliens, MAIS EN QUOI UN ETAT EST IL INTERRESSE PAR MON "INTIMITE", OU LA VOTRE OU LA LEUR SI CE N'EST POUR DES RAISONS DE SECURITE NATIONALE ? CA ME DEPASSE !

    Gaby SIOUFI

    15 h 42, le 08 février 2022

  • Le scandale est découvert. La police avoue. Les gens contestent et crient… ca c’est la démocratie. Au liban? Si c’est le cas ( allez savoir si ce n’est pas déjà le cas?) les contestataires seraient déjà en prison … »pour avoir manqué de respect à l’un ou l’autre des 3 présidents » !!!

    LE FRANCOPHONE

    08 h 01, le 08 février 2022

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