
L'ex-Premier ministre libanais Saad Hariri, le 24 janvier à Beyrouth, lors d'un discours durant lequel il a annoncé son retrait de la vie politique. Photo Anwar amro / AFP
Le retrait du leader sunnite Saad Hariri de la vie politique, annoncé lundi, continuait de susciter mardi une vague de réactions au sein de la classe politique au Liban. Cette décision, même si attendue depuis des semaines, a eu l'effet d'un séisme. Si aujourd'hui le président du Parlement, Nabih Berry, et les leaders chrétiens Gebran Bassil et Samir Geagea sont sortis de leur silence pour commenter cette décision, le silence restait de mise du côté du Hezbollah et du chef de l'Etat, Michel Aoun, avec qui M. Hariri entretient des rapports en dents de scie. "La décision de Saad Hariri est triste", s'est contenté de dire M. Berry, chef du mouvement chiite Amal, dans des propos au quotidien al-Joumhouria. De son côté, la France a estimé que "le retrait de Hariri ne doit pas avoir d’incidence sur l'organisation des législatives".
"Solidarité" de Geagea, critiqué par Bassil
Côté chrétien, les chefs des deux plus grands partis de cette communauté, le leader des Forces libanaises (FL) Samir Geagea, et celui du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil, sont eux aussi sortis de leur mutisme.
"Malgré de nombreuses divergences qui ont marqué notre relation avec Saad Hariri, surtout sur l'approche politique concernant le pouvoir, je ne peux qu'exprimer ma solidarité avec lui", a affirmé M. Geagea, dont les rapports avec M. Hariri se sont détériorés ces dernières années. "Nous respectons nos amis et frères au courant du Futur, et nous insistons pour coordonner avec eux et tous les membres de la communauté sunnite au Liban, ainsi que tous ceux qui croient en la cause libanaise, afin que le Liban soit souverain, libre et non soumis à la volonté de l'Iran (...)", a ajouté le chef des FL.
Quant à Gebran Bassil, il a profité de l'occasion pour critiquer M. Geagea, sans le nommer. "Quelqu'un a accepté d'être sanctionné (par l'administration américaine, ndlr) pour empêcher la guerre civile, alors que quelqu'un d'autre a accepté de se mettre en retrait pour également couper court à une telle guerre", a affirmé M. Bassil, en faisant un parallèle entre lui et M. Hariri. "Mais il y a quelqu'un d'autre qui est déterminé à provoquer une guerre, sans être gêné de poignarder son allié dans le dos et de trahir un accord de réconciliation historique. Ce qui compte pour lui, c'est d'exécuter un agenda étranger qui provoquera la sédition au Liban. Le choix est entre un milicien obsédé par la guerre et un homme d'Etat qui œuvre contre elle", a conclu le chef du CPL.
Plus tôt, mardi, c'est l'ex-Premier ministre Fouad Siniora, l'un des compagnons de route de Saad Hariri, et de son père, l'ex-Premier ministre Rafic Hariri assassiné en 2005, qui a exprimé sa solidarité avec le chef du courant du Futur. "Mon frère Saad, je suis avec toi, en dépit de ta décision. Je suis avec toi, même si cela ne leur plaît pas", a écrit M. Siniora sur Twitter, dans une allusion probable aux personnalités qui s'opposent au retrait de M. Hariri.
Pour sa part, le mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Deriane, plus haute autorité sunnite du pays, a qualifié de "regrettable" la décision de M. Hariri et s'est dit "inquiet quant aux développements sur la scène libanaise".
De son côté, la France a estimé que le retrait de l'ancien Premier ministre de la vie politique ne doit pas "avoir d'incidence sur l'organisation des législatives", fixées au 15 mai prochain, afin de tenter de freiner l'effondrement socio-économique et financier dans le pays.
Bahia Hariri ne sera pas candidate aux législatives
A l'approche des législatives de mai prochain, la décision du chef du courant du Futur met dans l’embarras différents partis et alliés potentiels, comme le leader druze Walid Joumblatt, M. Berry, mais aussi le Hezbollah qui entretenait ces dernières années un modus vivendi avec l’ex-chef du gouvernement. L'heure est désormais aux spéculations quant à une éventuelle décision de M. Siniora et de l'actuel Premier ministre, Nagib Mikati, de s'aligner sur la position de M. Hariri et de boycotter les législatives. L'ancien Premier ministre Tammam Salam, connu pour sa proximité avec M. Hariri, a déjà annoncé jeudi qu'il renonçait à briguer un siège au Parlement.
Les regards sont, en outre, rivés sur les députés et ténors du courant du Futur et leurs décisions concernant les législatives. A ce sujet, Ra'fat Naïm, conseiller de Bahia Hariri, députée de Saïda et tante de Saad Hariri, a confirmé à L'Orient-Le Jour que celle-ci ne se présentera pas aux élections.
Le fils de Bahia Hariri, le secrétaire général du Futur, Ahmad Hariri, s'est lui contenté de partager sur Twitter une photo de son cousin Saad, avec le message suivant : "Il est le fils de son père".
Lundi, c'est le Premier ministre qui s'était exprimé en premier, en affirmant que le retrait de Saad Hariri "constitue un moment triste pour le pays" et pour (lui) personnellement. M. Walid Joumblatt avait estimé que cela "laisse le champ libre au Hezbollah et aux Iraniens". Quant au leader maronite pro-syrien Sleiman Frangié, il a estimé que le retrait de Hariri de l'arène politique "créera une opportunité pour les faibles qui recourront à une surenchère favorisant l'extrémisme".
Le retrait du leader sunnite Saad Hariri de la vie politique, annoncé lundi, continuait de susciter mardi une vague de réactions au sein de la classe politique au Liban. Cette décision, même si attendue depuis des semaines, a eu l'effet d'un séisme. Si aujourd'hui le président du Parlement, Nabih Berry, et les leaders chrétiens Gebran Bassil et Samir Geagea sont sortis de leur silence...
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"Ce qui compte pour lui, c'est d'exécuter un agenda étranger qui provoquera la sédition au Liban. Le choix est entre un milicien obsédé par la guerre... ", a conclu le chef du CPL." Bizarre ce constat, il n'y a que Nasrallah son allié à qui correspond cette définition ! Quand à Berri Joumblat bien sûr qu'ils regrettent le départ de Saad, depuis le meurtre de Rafic Hariri voilà qu'ils manipulent la politique interne et règnent sur tous trafiques/contrats irréguliers, bien entendu en assurant le partage.. Du coup, le Hezb lui dans les coulisses les manipules eux, donc il regrette aussi silencieusement le départ de Saad. نام على حرير c'est terminé pour tous.
Sarkis Dina
14 h 58, le 26 janvier 2022