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Économie - Crise

Soubresauts de la livre, flambée des carburants, menaces sur le pain : journée banale dans un Liban infernal

Selon des sources contactées au sein de divers secteurs, les annonces de pénuries, attisant la panique, permettent à certains de jouer sur les prix.

Soubresauts de la livre, flambée des carburants, menaces sur le pain : journée banale dans un Liban infernal

Pas de file hier matin dans une station-service de la banlieue de Beyrouth. Photo P.H.B.

À chaque jour suffit sa peine, dit-on. C’est au pluriel qu’il faudrait décliner ce proverbe au Liban. En moins de 24 heures en effet, la livre libanaise s’est dépréciée de plus de 3 000 livres sur le marché parallèle, passant de la barre des 30 000 livres lundi matin à celle des 33 700 livres hier après-midi, avant de descendre puis de remonter, pour finalement se stabiliser au moment de passer sous presse, hier soir, autour des 32 000 livres. Le pic était survenu à la veille de l’une des deux journées de la semaine lors desquelles le ministère de l’Énergie et de l’Eau modifie les tarifs des principaux carburants distribués dans le pays – essence, mazout et gaz domestique (ces deux derniers n’étant pas subventionnés) –, qui ont naturellement tous augmenté dans des proportions significatives hier matin.

L'éditorial de Issa Goraïeb

Crimes d’inaction

Dans la foulée, le président du syndicat des boulangeries au Mont-Liban, Antoine Seif, a, lui, annoncé de but en blanc que le pays risquait de faire face à une pénurie de pain en raison d’une rupture des stocks de blé et de farine dans le pays, alors que rien ne laissait présager un tel scénario ces derniers jours. Si la monnaie nationale semblait s’être stabilisée face au dollar en fin de journée, rien ne permettait toutefois d’écarter la perspective d’un nouveau décrochage à court terme, les autorités libanaises s’étant révélées jusqu’ici tout aussi incapables de contrôler les effets de la crise que d’en traiter les causes.

Prix de l’essence encore trop bas

Selon les nouveaux tarifs du carburant publiés hier, et mis à jour en tenant compte aussi bien de la dépréciation de la livre que de l’évolution des cours internationaux, les 20 litres d’essence 95 octane se vendent dorénavant à 374 800 livres, soit une hausse de 23 400 livres ou 6,6 % par rapport à la dernière modification effectuée vendredi (qui était uniquement basée sur les fluctuations du taux de change). Le prix du bidon d’essence 98 octane a augmenté dans les mêmes proportions pour atteindre 387 600 livres. Des niveaux désormais proches de la barre des 400 000 livres les 20 litres dont la perspective avait été annoncée par le porte-parole des propriétaires de stations-service, Georges Brax, dès la semaine dernière. À L’Orient-Le Jour, il indique que sa filière va respecter les prix imposés, même s’ils restent encore trop bas. Il s’attend également à ce que les tarifs continuent d’augmenter si la monnaie nationale poursuit sa longue descente aux enfers.

Les importations d’essence bénéficient toujours du mécanisme de subvention de la Banque du Liban (BDL), même si la voilure a été drastiquement réduite par rapport à celui initialement mis en place, qui était centré sur la parité officielle de 1 507,5 livres sur un dollar, aujourd’hui désuète. La BDL a accepté – jusqu’à vendredi – de fournir 85 % des montants facturés aux importateurs par les fournisseurs étrangers au taux de 24 600 livres pour un dollar (le taux affiché par la plateforme Sayrafa lundi soir). À charge pour eux de se procurer les 15 % restants, soit de leur poche, soit auprès des agents de change à un taux que le ministère a arrêté à 30 837 livres au lieu du taux de 33 000 livres alors affiché, toujours selon Georges Brax. La semaine dernière, le taux applicable pour les 85 % de la facture était de 23 500 livres pour un dollar, contre 28 787 livres pour celui des 15 % restants.

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Les stations-service mettent en garde contre le risque de nouvelles files d'attente

Seule certitude : le marché est toujours suffisamment alimenté en carburant, malgré ce que laissait craindre le retour des files d’attente devant certaines stations-service lundi en fin de journée, un douloureux rappel des scènes provoquées par les pénuries de carburant l’été dernier. Georges Brax attribue ce phénomène à une miniruée des automobilistes venus faire le plein avant la hausse d’aujourd’hui, que beaucoup imaginaient plus sévère, tandis que certains propriétaires de stations-service que nous avons contactés rejetaient la responsabilité sur une partie des sociétés qui ont arrêté de vendre du carburant en attendant la hausse des prix en livres.

Pénuries provoquées

Ce même phénomène de rétention a été observé du côté des distributeurs de mazout (ou diesel), un carburant principalement consommé par les générateurs privés qui fournissent du courant pendant les longues heures de rationnement imposées par Électricité du Liban (EDL). Selon des témoignages que nous avons recueillis, certains exploitants ont en effet réduit les heures d’approvisionnement ou unilatéralement augmenté les tarifs imposés à leurs abonnés au détriment de la tarification fixée chaque mois par le ministère en rejetant la responsabilité sur des distributeurs de carburant qui auraient soit suspendu – ou réduit – les livraisons, soit augmenté les prix exigés de leur côté. Un exploitant dans la Békaa a pour sa part affirmé que la direction des installations pétrolières, rattachée au ministère de l’Énergie, avait elle aussi suspendu certaines livraisons. « Je pense qu’il s’agit davantage d’un moyen de faire pression pour obtenir un ajustement des prix que d’une véritable pénurie », analyse-t-il.

Les 20 litres de diesel (utilisé pour les véhicules, non celui consommé par les générateurs électriques qui est lui facturé en dollars) sont eux facturés à 393 400 livres depuis hier, soit une hausse de 33 000 livres ou plus de 9 % – un relèvement jugé malgré tout insuffisant par Georges Brax. Le prix en dollars des 1 000 litres de mazout a été fixé à 615 dollars, contre 601 la semaine dernière, soit une hausse de 2,3 % ou de 14 dollars (soit tout de même plus de 460 000 livres au taux du marché). Le supplément de transport pour chaque 1 000 litres commandés est lui toujours fixé à 325 000 livres.

Au niveau du gaz domestique, la hausse des prix a également été conséquente, avec un bond de 8,2 % ou 26 200 livres pour une bonbonne standard d’une dizaine de kilogrammes, qui est désormais vendue à 343 500 livres. Or, selon le président du syndicat des distributeurs de ce produit, Jean Hatem, ce tarif « n’a pas été respecté hier par les fournisseurs locaux qui ont contraint les détaillants à supporter les pertes ». Pour éviter que ce type de scénario ne se reproduise, les distributeurs de bonbonnes ainsi que le syndicat des propriétaires et exploitants des usines de remplissage des bonbonnes de gaz domestique ont tous les deux réclamé que les prix de ce combustible soient désormais mis à jour quotidiennement afin d’éviter toute perte occasionnée par les fluctuations du taux de change. « Les propriétaires d’usines accusent des pertes financières et cela ne peut plus continuer », a affirmé le président du syndicat, Antoine Yammine, qui a dénoncé des prix « fixés par le ministère selon ses propres données et non sur la base de la réalité sur le terrain ».

Colère populaire et menace des boulangers

La hausse des prix du carburant a fait sortir une partie des Libanais de leurs gonds hier, surtout dans les régions rurales, alors que la journée s’est passée sans remous du côté de Beyrouth, du Metn, du Kesrouan et de Jbeil. Au Nord, des protestataires ont ainsi coupé durant quelques heures la circulation au niveau du rond-point de Abda-Bebnine, afin de dénoncer la détérioration de leurs conditions de vie, a indiqué hier notre correspondant dans la région, Michel Hallak. Dans la même région, des groupes de la thaoura (le mouvement de contestation du 17 octobre 2019) ont également organisé un sit-in devant le sérail gouvernemental de Halba, dénonçant « la corruption des dirigeants qui a poussé les Libanais dans la pauvreté et les humilie devant les hôpitaux, les pharmacies et les stations-service ». Au Sud, des chauffeurs de taxi ont bloqué les voies menant à la place de l’Étoile à Saïda, a rapporté pour sa part notre correspondant Mountasser Abdallah. « Nous ne pouvons plus supporter cette situation, ils veulent que nous mourions (…) Ils nous poussent à tuer et à voler pour donner à manger à nos enfants », a confié un protestataire à L’Orient-Le Jour.

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Et la situation pourrait s’aggraver dans le cas où la pénurie de pain annoncée par le syndicat des boulangeries au Mont-Liban se concrétisait. Selon le syndicaliste Antoine Seif, qui s’est exprimé hier à la radio, la filière ferait face à des problèmes d’approvisionnement « provoqués par des retards de paiement des importations, notamment au niveau de l’ouverture des lignes de crédit par la banque centrale », qui subventionne encore au taux officiel les importations du blé destiné à la fabrication du pain arabe. Une situation qui contraindrait les minoteries disposant encore d’assez de blé pour produire de la farine à limiter leur distribution. Réagissant à l’annonce faite par les boulangeries, le ministre de l’Économie et du Commerce, Amine Salam, a assuré à la chaîne al-Jadeed qu’« il n’y (avait) pas de crise du pain ni de la farine ». Le ministre a en outre annoncé que les prix du pain seraient amendés le soir même pour prendre en considération le taux de change du dollar sur le marché parallèle, une demande également formulée par le président du syndicat des boulangers. Au moment de boucler cette édition, on apprenait que les nouveaux prix du pain seraient publiés aujourd’hui.

Le prix du blé est certes subventionné, mais la filière reproche régulièrement aux autorités de ne pas suffisamment tenir compte de l’ensemble des coûts de fabrication du pain – levure, sel, sucre, carburant, sacs en plastique pour le conditionnement – au moment de fixer les tarifs. Si rien ne permet de l’établir de manière irrévocable, il n’est de fait pas absurde de considérer que le spectre de la pénurie ait été brandi par Antoine Seif pour faire passer une nouvelle hausse du prix du pain.

À chaque jour suffit sa peine, dit-on. C’est au pluriel qu’il faudrait décliner ce proverbe au Liban. En moins de 24 heures en effet, la livre libanaise s’est dépréciée de plus de 3 000 livres sur le marché parallèle, passant de la barre des 30 000 livres lundi matin à celle des 33 700 livres hier après-midi, avant de descendre puis de remonter, pour finalement se...

commentaires (1)

J,AVAIS DIT IL Y A UNE SEMAINE : DANS QUELQUES JOURS 30.000.- ET DANS 2/3 SEMAINES 50.000.- CA NE ME SURPRENDRAIT GUERE DE LE VOIR A 100.000.- ET PLUS CAR LA POULE STERILE MIKATI VA DEMISSIONNER OU CONTINUER A CIRER DES BOTTES, COMME QUOI LA TAILLE NE SERT A RIEN, ET LES MERCENAIRES CONTINUERONT A POUSSER AVEC LEURS 3 PARAVENTS CHRETIENS LE PAYS DANS LES TREFONDS DE L,ENFER.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 11, le 12 janvier 2022

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Commentaires (1)

  • J,AVAIS DIT IL Y A UNE SEMAINE : DANS QUELQUES JOURS 30.000.- ET DANS 2/3 SEMAINES 50.000.- CA NE ME SURPRENDRAIT GUERE DE LE VOIR A 100.000.- ET PLUS CAR LA POULE STERILE MIKATI VA DEMISSIONNER OU CONTINUER A CIRER DES BOTTES, COMME QUOI LA TAILLE NE SERT A RIEN, ET LES MERCENAIRES CONTINUERONT A POUSSER AVEC LEURS 3 PARAVENTS CHRETIENS LE PAYS DANS LES TREFONDS DE L,ENFER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 11, le 12 janvier 2022

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