Porté par la dépréciation continue de la monnaie nationale, dont le taux sur le marché des changes a atteint un nouveau record en dépassant hier les 30 000 livres pour un dollar, et la tendance haussière des cours mondiaux du carburant ces dernières semaines, le prix des 20 litres d’essence pourrait rapidement dépasser la barre des 400 000 livres libanaises.
C’est ce qu’a déclaré hier le porte-parole du syndicat des propriétaires des stations-service, Georges Brax, dans un entretien à la radio Voix du Liban. Des propos sur lesquels il est revenu pour L’Orient-Le Jour. Son analyse est globalement partagée par une source bien informée au sein de l’association des sociétés importatrices d’hydrocarbures au Liban (APIC), et par le syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz, tous deux également sollicités pour commenter la dernière majoration des prix des carburants, publiée hier matin. « Il faut s’attendre à ce que le cap des 400 000 livres facturés aux automobilistes par bidon d’essence puisse être dépassé d’ici à moins d’un mois si la livre continue de se déprécier et que les prix du pétrole, qui sont en nette hausse depuis décembre dernier (malgré la décision prise à cette période par l’OPEP+ d’augmenter la production mondiale), poursuivent sur cette tendance », a anticipé Georges Brax.
Bonbonne de gaz à crédit
La source à l’APIC indique, de son côté, que les prix de l’essence varieront également en fonction de l’évolution de la portion de dollars que la Banque du Liban accepte d’échanger à un taux inférieur à celui du marché parallèle contre des livres fournies par les importateurs de carburant, dans le cadre de ce qui reste de son mécanisme de subvention. « Si demain, cette proportion est modifiée de façon substantielle, les prix en livres monteront aussitôt en flèche », estime-t-elle. Enfin, pour le président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz, Jean Hatem, « les prix vont continuer de grimper et il n’y a aucun signe tangible d’amélioration à court terme ». Il rappelle que contrairement à l’essence, les prix du mazout vendu aux générateurs privés et du gaz ne sont plus subventionnés depuis un certain temps. « Les clients sont toujours facturés en livres, mais les importateurs assurent eux-mêmes leurs besoins en dollars », assure-t-il.
Toutes les filières rapportent, en outre, une baisse de la consommation allant de 40 à 50 % depuis septembre, période à laquelle la BDL a sévèrement réduit ou supprimé les marges respectives du mécanisme de subvention appliquées à chaque catégorie de carburant. « La tendance est moins marquée pour le mazout (ou diesel) utilisé par les générateurs privés. Cela s’explique par la hausse du rationnement imposé par Électricité du Liban (EDL), et ce malgré le fait que de nombreux exploitants aient eux-mêmes réduit leur production de courant pendant que leurs abonnés déjà équipés de compteurs rationalisaient de plus en plus leur consommation », analyse la source à l’APIC. « La consommation de gaz, que ce soit chez les particuliers ou les professionnels (notamment les fours à pain ou autres sandwicheries), a reculé dans des proportions identiques, voire supérieures à celles de l’essence », affirme Jean Hatem. « Beaucoup de gens n’ont plus les moyens de payer comptant une bonbonne de gaz et demandent à régler en plusieurs fois », déplore-t-il.
Le kilolitre de diesel à 601 dollars
Les prix du carburant sont modifiés depuis quelque temps deux fois par semaine par le ministère de l’Énergie et de l’Eau qui utilise un indice reflétant le prix moyen des prix du pétrole ou du gaz sur une période atteignant près d’un mois, le taux de change local, ou encore les coûts des distributeurs. « La modification de mardi tient généralement compte des cours du carburant et du taux dollar/livre, tandis que celle de vendredi ne répercute que les variations du second facteur », précise Jean Hatem.
Alors qu’ils n’avaient été révisés qu’une seule fois la semaine dernière en raison des fêtes de fin d’année, les prix ont finalement été amendés hier. Selon les nouveaux tarifs, le prix des 20 litres d’essence 95 octane (ordinaire) a été majoré de 15 600 livres libanaises, passant de 335 800 à 351 400 livres, tandis que celui de 98 octane, qui est toujours quasiment introuvable sur le marché local car plus cher, a été relevé dans les mêmes proportions pour atteindre 363 400 livres. Ces deux prix gravitent autour de 12 dollars au taux du marché (en tenant compte du niveau d’hier). Selon la source de l’APIC, le prix réel en dollars qui devrait être facturé sans subventions devrait être 15,5 dollars. En prenant en compte le taux de change sur le marché parallèle en vigueur hier, cela ferait passer le prix des 20 litres d’essence à plus de 400 000 livres. Un niveau donc mitigé par le mécanisme d’apport de devises de la BDL, qui accepte d’échanger à un taux de 23 500 livres pour un dollar les montants en livres fournis par les importateurs pour payer leurs fournisseurs, à charge pour eux de se procurer les 15 % restants sur le marché. Si le ratio 85/15 a remplacé celui de 90/10 début décembre, la BDL a en revanche relevé cette semaine le taux de change applicable dans le cadre de son mécanisme, le faisant passer de 23 200 à 23 500 livres pour un dollar.Le prix de la bonbonne de gaz domestique d’environ 10 kg, qui s’élevait à 298 600 livres la semaine dernière, se vend désormais à 319 300 livres (+20 700 livres). Les 20 litres de diesel s’échangent dorénavant à 360 400 livres (+24 200 livres). Le ministère a enfin fixé le prix du kilolitre de diesel utilisé par les générateurs privés – dont les tarifs sont mis à jour chaque début de mois pour les factures du mois précédent – à 601 dollars plus 325 000 livres de frais de transport pour cette quantité.
L’OPEP+ augmente légèrement son objectif de production pour février
Les vingt-trois pays de l’OPEP+ ont décidé hier d’ouvrir à nouveau légèrement leurs vannes en février, alors que la demande de pétrole est à ce stade peu affectée par la propagation du variant Omicron.
Les représentants des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et leurs dix alliés via l’accord OPEP+ ont convenu « d’ajuster leur niveau total de production de 400 000 barils par jour pour le mois de février 2022 », a annoncé l’OPEP dans un communiqué à l’issue d’une entrevue rapide et sans surprise.
La réaction du marché est restée limitée, tant la décision avait été amplement anticipée par les investisseurs : en fin d’après-midi, le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mars gagnait 1,18 % à 79,95 dollars ; celui du baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en février augmentait de 1,12 % à 76,94 dollars. L’impact de ces fluctuations sur les prix du carburant au Liban est répercuté via l’indice de la société S&P Global Platt, qui mesure la moyenne des cours du pétrole sur 4 semaines, utilisé par le ministère de l’Énergie et de l’Eau.
Les cours du gaz ont été plus volatils sur les marchés internationaux mais restent, à près de 4 dollars/BTU (l’unité de cotation de référence), globalement plus chers que ceux enregistrés un an plus tôt.
Moins de stations d’essence ne fera pas de mal. Moins de circulation automobile inutile résoudra le problème des embouteillages et réduira la pollution. Les libanais doivent trouver des solutions de covoiturage et utiliser des véhicules à faible consommation. Le régime fort résout les problèmes comme il sait bien le faire
10 h 51, le 05 janvier 2022