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Moyen-Orient - Éclairage

À un an de la Coupe du monde, le Qatar veut faire taire les critiques

Trois journalistes norvégiens ont été arrêtés ce mois-ci à Doha alors qu’ils voulaient enquêter sur les conditions des travailleurs migrants sur les chantiers de construction pour le Mondial 2022.

À un an de la Coupe du monde, le Qatar veut faire taire les critiques

Le stade al-Wakrah pendant sa construction en périphérie de Doha, la capitale qatarie, le 6 février 2018. Karim Jaafar/AFP

Près d’un an avant le début du Mondial de football qui doit se tenir en 2022 au Qatar, huit stades sortis des plus prestigieux bureaux d’architectes, comme Zaha Hadid Architects ou Foster + Partners, ont déjà été finalisés. Ces mastodontes de technologie et de luxe proposent l’air conditionné en plein air et possèdent toutes les installations dernier cri pour le confort des joueurs comme des spectateurs. Et alors que les pays hôtes accumulent généralement les retards de construction, l’émirat gazier marque ainsi du sceau de l’efficacité et du prestige la première attribution de la Coupe du monde à un pays du Moyen-Orient. Mais ce succès apparent n’a été possible qu’au prix des droits des travailleurs migrants embauchés pour bâtir les infrastructures censées faire rayonner Doha dans le monde. Et les voix qui s’élèvent pour dénoncer les violations des droits humains qu’ils subissent risquent le musellement pour ne pas entamer l’image de l’émirat sur la scène internationale.

La semaine dernière, deux journalistes norvégiens de la radio NRK, Halvor Ekeland et Lokman Ghorbani, qui enquêtaient sur les conditions des travailleurs migrants au Qatar, ont été arrêtés à Doha et maintenus en détention pendant plus de 30 heures, après avoir été accusés d’être entrés par effraction dans une propriété privée et d’avoir tourné des images sans autorisation – ce que nie NRK. Dimanche dernier, un troisième journaliste norvégien, Håvard Melnæs, venu au Qatar pour des raisons similaires, a également été arrêté puis relâché en moins de 24 heures, accusé d’avoir agressé une personne dans un hôtel. Si les griefs diffèrent, les trois hommes arrêtés s’intéressaient au cas de Abdullah Ibhais, ancien responsable médias et communication du Comité suprême qatari pour l’organisation de la Coupe du monde.

Procès équitable

Fin octobre, ce dernier a divulgué des conversations WhatsApp et des messages vocaux à Håvard Melnæs dénonçant la couverture médiatique que sa hiérarchie souhaitait mettre en avant à propos d’une grève improvisée en août 2019 par quelques milliers de travailleurs migrants, dont certains travaillaient sur les chantiers du Mondial 2022. Ceux-ci se plaignaient de ne pas avoir perçu leur salaire depuis plusieurs mois. Bien que l’information ait été vérifiée par son équipe et alors qu’il s’était opposé à la décision de ses supérieurs, Abdullah Ibhais s’est vu écarter du Comité suprême qatari. Il a ensuite été condamné en avril dernier à 5 ans de prison pour corruption dans l’attribution d’un contrat qui ne s’est pas concrétisé et sur lequel il n’avait en réalité pas de pouvoir de décision. Bien qu’il ait été libéré sous caution et ait fait appel de ce verdict, l’arrivée ce mois-ci au Qatar des journalistes norvégiens semble avoir poussé les autorités qataries à le placer de nouveau en détention il y a deux semaines, alors qu’il devait s’entretenir avec les deux journalistes de la radio NRK au sujet des travailleurs migrants. « Son arrestation semble avoir pour but de le punir pour sa critique publique de la procédure à laquelle il a été soumis », analyse May Romanos, chercheuse sur le Golfe et les droits des migrants à Amnesty International. Abdullah Ibhais a depuis entamé une grève de la faim pour réclamer un procès équitable.Le cas de ce trentenaire jordanien d’origine palestinienne et l’arrestation des journalistes étrangers qui s’intéressaient à lui est symptomatique de l’obsession du Qatar de renvoyer une bonne image à l’international à l’approche du Mondial 2022. « Les allégations (de Abdullah Ibhais), qui il est, ainsi que les preuves qu’il a produites sont extrêmement dommageables pour l’image du Qatar et du comité organisateur. Ultimement, il affirme que le Qatar privilégie l’image à la substance », soutient Nicholas McGeehan, cofondateur et codirecteur de FairSquare Research and Projects. « Le Comité suprême fera des pieds et des mains pour réprimer ou supprimer toute couverture de l’affaire », assure-t-il. En dépit des demandes répétées de la famille de Abdullah Ibhais pour faire pression sur Doha en vue de lui assurer un procès équitable, la Fédération internationale de football, citée par le quotidien britannique The Guardian, a indiqué qu’elle ne prendrait pas de mesure à ce sujet mais qu’elle suivrait le dossier de près.

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Alors que le Qatar n’en est pas à son premier scandale concernant la Coupe du monde 2022, la FIFA coordonne par ailleurs ses actions de communication avec l’émirat pour éviter de faire des vagues supplémentaires. L’attribution du Mondial 2022 à Doha a pourtant été critiquée par Sepp Blatter, l’ancien président de la fédération, dans un entretien au journal français Le Monde le 21 novembre, dans lequel il pointe du doigt la pression de Nicolas Sarkozy, alors président français, pour faire pencher les votes au sein du comité en faveur de l’émirat. En outre, les critiques concernant les conditions des travailleurs migrants qui sont embauchés pour la construction des infrastructures du Mondial ne faiblissent pas. « À tout juste un an de la Coupe du monde, Doha ne parvient toujours pas à mettre en œuvre correctement et à faire respecter ces réformes juridiques de manière effective », conclut May Romanos. Amnesty International et l’Organisation mondiale du travail (ILO) ont chacune publié ce mois-ci un rapport saluant les avancées sur le papier, mais critiquant respectivement une application encore trop laxiste des réformes adoptées et un manque de données sur les décès enregistrés parmi les travailleurs migrants.

Près d’un an avant le début du Mondial de football qui doit se tenir en 2022 au Qatar, huit stades sortis des plus prestigieux bureaux d’architectes, comme Zaha Hadid Architects ou Foster + Partners, ont déjà été finalisés. Ces mastodontes de technologie et de luxe proposent l’air conditionné en plein air et possèdent toutes les installations dernier cri pour le confort des joueurs...

commentaires (1)

La fifa, pour gagner de l'argent, est capable de marcher sur les cadavres et de piétiner en long et en large les droits de l'homme dans un pays (pas le seul d'ailleurs) qui a la réputation de vénérer l'homme et ses droits. Ce mondial est une aberration et un évènement non sportif. Il faut le boycotter, quitte à ce que ces bédouins, fassent comme partout dans leurs stades, à savoir, payer des spectateurs, afin de montrer au monde, l'engouement de ses citoyens pour le sport. Une comédie à échelle mondiale, dont les acteurs sont des piètres figurants.

Citoyen

12 h 02, le 30 novembre 2021

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Commentaires (1)

  • La fifa, pour gagner de l'argent, est capable de marcher sur les cadavres et de piétiner en long et en large les droits de l'homme dans un pays (pas le seul d'ailleurs) qui a la réputation de vénérer l'homme et ses droits. Ce mondial est une aberration et un évènement non sportif. Il faut le boycotter, quitte à ce que ces bédouins, fassent comme partout dans leurs stades, à savoir, payer des spectateurs, afin de montrer au monde, l'engouement de ses citoyens pour le sport. Une comédie à échelle mondiale, dont les acteurs sont des piètres figurants.

    Citoyen

    12 h 02, le 30 novembre 2021

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