
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, prononçant un discours télévisé. Capture d'écran Al-Manar Live
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a mis en garde vendredi contre les risques de "discorde" au Liban si l'enquête sur les affrontements de Tayouné continuait de faire l'objet de "pressions de la part de certaines parties politiques et responsables religieux", dans une critique implicite contre les interventions faites par le patriarche maronite, Béchara Raï, dans cette affaire. Dans un discours télévisé, le dignitaire chiite a passé en revue la quasi totalité des dossiers qui agitent la scène libanaise... à l'exception (notable) de la brouille diplomatique entre Beyrouth et les pays du Golfe et de la crise gouvernementale.
Le cabinet de Nagib Mikati ne s'est pas réuni depuis le 12 octobre, sur fond de profondes divergences autour de l'enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth et du sort du juge d'instruction Tarek Bitar, dont les ministres chiites réclament le déboulonnement. La crise politique s'était aggravée avec les violents affrontements qui avaient éclaté mi-octobre dans le quartier de Tayouné, au sud de Beyrouth, opposant des miliciens affiliés au tandem chiite Amal-Hezbollah à des éléments chrétiens présumés proches des Forces libanaises. Lors d'un discours prononcé le 18 octobre, quatre jours après les accrochages, Hassan Nasrallah avait accusé le chef des FL Samir Geagea de vouloir mener le pays à la guerre civile.
Dans son discours vendredi soir, le chef du Hezbollah a estimé que l'enquête concernant les affrontements de Tayouné avait commencé de manière "sérieuse", contrairement à celle sur les explosions au port de Beyrouth, avant que des "pressions de la part de responsables politiques et religieux" afin de faire libérer les détenus proches du chef des FL ne soient exercées. Mgr Raï a pris à plusieurs reprises la défense des militants FL détenus dans le cadre de cette affaire et critiqué violemment la convocation de Samir Geagea devant la justice. Le leader maronite n'avait pas répondu à la convocation. Hassan Nasrallah a encore accusé le parti de M. Geagea de "protéger la plupart des personnes responsables des événements de Tayouné, afin qu'elles ne soient pas arrêtées". "Au nom des proches des martyrs de Tayouné, nous dénonçons ce genre de comportement. La pression exercée par certaines parties doit s'arrêter, la justice doit aussi prendre ses responsabilités et ne pas s'y plier", a-t-il déclaré. Et de mettre en garde : "Si l’enquête sur l'embuscade de Tayouné se poursuit dans cette voie dangereuse, cela risque de pousser le pays vers la discorde".
Justice "clientéliste et politisée"
Le dignitaire chiite est par ailleurs revenu sur les décisions de justice prises jeudi concernant les plaintes déposées au cours des derniers mois contre le juge Tarek Bitar. Il a dans ce cadre accusé les responsables judiciaires et les tribunaux ayant tranché en faveur du magistrat d'être "clientélistes et politisés". "Ce qu'il s'est passé ces deux derniers jours confirme ce que nous disons depuis un an concernant le clientélisme et la politisation" de la justice", a-t-il lancé. "Existe-t-il aujourd'hui un juge qui oserait prendre des mesures pour regarder le contenu des plaintes en suspicion légitime et responsabilité de l'Etat présentées contre Tarek Bitar ?", s'est-il interrogé, critiquant les manifestations organisées par certains activistes contre le juge Habib Mezher, qui s'était saisi, de manière illégale, du dossier de dessaisissement de M. Bitar. Ces nouvelles attaques contre Tarek Bitar interviennent alors que plusieurs obstacles entravant l'enquête menée par le juge ont été aplanis jeudi, ouvrant ainsi la voie à la reprise de l'instruction. La Cour de cassation a ainsi rejeté deux plaintes déposées contre l'Etat par l'ancien Premier ministre Hassane Diab et l'ex-ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk pour "erreur grave" du juge. La 6e chambre pénale de la Cour de Cassation a de son côté rejeté le recours pour suspicion légitime présenté par l'ex-ministre Youssef Fenianos contre Bitar.
Du mazout pour les "familles"
Concernant la crise des carburants, Hassan Nasrallah a rappelé que son parti avait fait parvenir au Liban "quatre navires" d'hydrocarbures en provenance de l'Iran afin d'"apaiser les souffrances des gens" face aux pénuries et au prix élevé de ces produits après la suppression des subventions. Il a souligné que, malgré une certaine lenteur des opérations, des centaines d'associations, de municipalités, d'offices indépendants, ainsi que des dizaines d'hôpitaux gouvernementaux et casernes de la Défense civile avaient profité de ces aides. Concernant les quantités de mazout qui ont été vendues, à des tarifs avantageux, à certaines organisations, il a démenti que le Hezbollah ait fait des profits et n'ait pas payé de taxes sur ces ventes. Il a encore annoncé que le deuxième volet des importations de mazout iranien, qui commencerait d'ici le début du mois de décembre, serait consacré "aux familles" en difficulté, vivant à plus de 500 mètres d'altitude, dans "toutes les régions du Liban". Ce mazout sera vendu en livres libanaises, à un prix inférieur d'"un million de livres" par rapport au tarif officiel imposé par le ministère de l’Énergie.
Le mazout, utilisé pour le chauffage et pour faire fonctionner les générateurs privés palliant les pénuries d'électricité, n'est plus spécialement en pénurie, contrairement à l'été dernier, mais il est désormais tarifé en dollars, alors que le taux de change a dépassé ces dernières heures les 25.000 LL pour un billet vert. Pendant l'été, de graves pénuries de carburant, dues notamment au fait que la Banque du Liban (BDL), en manque de devises, limitait l'ouverture de lignes de crédit accordées aux importateurs à des taux subventionnés, ainsi qu'à la contrebande et au stockage illégal, avaient poussé le Hezbollah à décider d'importer de carburant en provenance d'Iran. Ces importations, qui étaient entrées au Liban par des points de passage illégaux, avaient jeté le discrédit sur le cabinet de Nagib Mikati, qui venait d'être formé et qui avait intégré dans sa déclaration ministérielle un point sur la fermeture de ces passages frontaliers.
Le coronavirus et les médicaments
Concernant la pandémie de coronavirus, Hassan Nasrallah a souligné que la propagation rapide du virus enregistrée ces dernières semaines nécessitait des "mesures sérieuses, des efforts et un respect de tous vis-à-vis des dispositions sanitaires" comme la distanciation et le port du masque. Il a dans ce cadre annoncé que son parti avait "réactivé son plan" de lutte contre le virus, proposant l'aide de sa formation au ministère de la Santé, notamment en matière de ressources humaines. Il a souligné que le "soutien" du Hezbollah au ministère ne dépendait pas de l'affiliation du ministre au parti dont le prédécesseur de Firas Abiad, Hamad Hassan, était proche.
Il a en outre appelé le gouvernement à "revenir sur la décision", prise la semaine dernière par le ministère de la Santé, de supprimer partiellement les subventions sur les médicaments contre les maladies chroniques, dénonçant une mesure "chaotique prise sans alternative offerte au peuple libanais". "Ils disent que l'Etat n'a pas d'argent pour les subventions, mais ce n'est pas vrai", a-t-il déclaré, appelant notamment à puiser dans des prêts existants ou à supprimer des positions ministérielles pour faire des économies, étant donné que la question des médicaments est "une question de vie ou de mort pour des milliers de gens".
Intervention "rapide et courageuse"
Hassan Nasrallah a par ailleurs commenté la dépréciation rapide, ces derniers jours, de la livre libanaise par rapport au dollar, qui a atteint jeudi un taux record dépassant les 25.000 LL pour un billet vert. "Il faut intervenir rapidement et courageusement" pour limiter la baisse de la monnaie nationale, a-t-il déclaré, dénonçant l'action de "manipulateurs" derrière la chute rapide du taux.
Le chef du Hezbollah a par ailleurs dénoncé le fait que des "mouvements de la résistance" continuent à être catégorisés comme "organisations terroristes" par l'Occident, en allusion notamment au fait que son parti a été classifié comme tel par l'Australie, mercredi, "pour des raisons liées aux développements régionaux et aux futures élections parlementaires", prévues au printemps 2022.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a mis en garde vendredi contre les risques de "discorde" au Liban si l'enquête sur les affrontements de Tayouné continuait de faire l'objet de "pressions de la part de certaines parties politiques et responsables religieux", dans une critique implicite contre les interventions faites par le patriarche maronite, Béchara Raï, dans cette...
commentaires (30)
L’indépendance de la justice vous dis-je… et 30'000 livres pour un malheureux dollar avant Noël !
TrucMuche
12 h 13, le 28 novembre 2021