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Lifestyle - Beyrouth Insight

Sami Chenaihi : du droit à la bière, parcours d’un vagabond heureux

Brasseur de bières et courageux brasseur d’affaires, ce passionné aux idées claires a réussi en deux courtes années à donner aux Libanais l’envie de boire... sa bière.

Sami Chenaihi : du droit à la bière, parcours d’un vagabond heureux

Sami Chenaihi, brasseur et copropriétaire du bar Vagabond, à Beyrouth. Photo Joao Sousa

De lui, on pourrait, pour le décrire, revisiter le fameux : « Mon nom est Bond, James Bond » en « mon nom est Bond, Vagabond… » S’il a choisi de baptiser son bar ainsi, c’est parce que « ça me rappelle que mon parcours a été celui d’un vagabond ». Pourtant, ce vagabond heureux, qui vient tout juste de célébrer ses 46 ans, a enfin trouvé son ancrage dans le sol d’un Liban qui ne cesse de vaciller depuis le lancement de son affaire en septembre 2019. Mais Sami Chenaihi, un petit sourire au coin des lèvres et du regard, n’a pas perdu son équilibre. Pas perdu une goutte de sa détermination et de sa passion pour la bière et sa fabrication. « J’en suis tombé amoureux en apprenant à la faire. J’ai réalisé à quel point elle possédait de la profondeur et combien de créativité il pouvait y avoir autour de la composition de ses arômes. »

Vagabond sert une variété de bières produites par Sami Chenaihi et son associé Paul Choueiry. Photo Joao Sousa

Itinéraire d’un vagabond gâté

Arrivé à destination, même si avec un peu de retard, Sami Chenaihi a d’autant plus de mérite qu’il vient de loin. Juriste malgré lui, l’année du bac, il rêve d’études culinaires, plus précisément de la fameuse école hôtelière Glion, en Suisse. « Trop cher ! » répond son père avant de lui lancer : « Va faire une spécialisation à l’étranger si tu veux, mais décroche d’abord une licence au Liban. » Son père, lui-même quelque part un vagabond, le sait bien puisque après une licence en lettres et de nombreuses années, il a repris les chemins de la fac à 51 ans en décrochant, major de promotion, une licence en droit. « Dès le premier jour, reprend Sami, j’ai détesté cette matière. Dans ma tête, je cherchais autre chose. » Cet avocat malgré lui, spécialisé en fiscalité administrative, évoluera avec succès et durant plus de 20 ans dans ce domaine. « J’avais une vie confortable, le travail marchait bien. Jusqu’au jour où j’ai réalisé que ma vie, tant professionnelle que personnelle, était en fait à l’arrêt. J’avais juste envie d’être créatif… »

Vagabond sert une variété de bières produites par Sami Chenaihi et son associé Paul Choueiry. Photo Joao Sousa

En se cherchant un centre d’intérêt, cet « autre chose », un coup de foudre qui bousculerait tout et lui ferait changer de vie(s), il tombe sur un ami de longue date, œnologue de profession, Paul Choueiry, qui fut directeur technique de Château de Mauvanne (Hyères), directeur de l’œnothèque et épicerie fine Caves et gourmandises à Monaco, créateur et directeur du bar à vin Sesto Senso à Jounieh et enfin directeur général des Caves de Taillevent à Achrafieh. Et qui lui met la bière à la bouche…

Pour mémoire

Quand boire et fumer devient un luxe au Liban

« Le hasard fait bien les choses. Je caressais déjà l’idée de produire ma propre bière et lui s’y attelait. Il m’a communiqué son enthousiasme, j’ai voulu en savoir plus. » « Brassons ensemble », lance-t-il alors à son futur associé. Conscients qu’il leur fallait de la précision, de la science et du professionnalisme, ils partent en 2017 en Allemagne pour suivre une formation au VLB Berlin, le plus grand centre de recherches spécialisé dans les technologies de brassage, microbiologie, biologie et chimie. « Pour la première fois, un drapeau libanais flottait dans l’ordre des brasseries de Berlin. »

Sami Chenaihi, brasseur et copropriétaire du bar Vagabond, à Beyrouth. Photo Joao Sousa

Professionnalisme

« Nous sommes rentrés avec l’idée d’ouvrir notre propre brasserie. Il existe très peu de microbrasseries au Liban et les gens apprécient de plus en plus cet alcool, surtout qu’il est devenu plus accessible que d’autres en cette période de crise », poursuit Sami Chenaihi. C’est à Ghazir qu’ils installeront leur microbrasserie dans laquelle, pour leur plus grand bonheur, ils se transforment en professeurs Tournesol. Deux ans d’essais, de recherches et de combinaisons plus tard, ils partagent leurs premières bouteilles et leur savoir-faire dans un bar situé à Badaro. À Vagabond, l’ambiance est tout en simplicité, intimité et amitié avec ce quelque chose dans l’air qui permet au client de se sentir un peu chez lui. Les habitués sont nombreux. Certains ont même droit à un cocktail portant leur prénom. Mais, à Vagabond, on vient surtout pour la bière. Et Sami est bien content, car il a ouvert ce lieu pour « être près du produit », pour en faire « un laboratoire, un centre de recherche où je peux directement recueillir les réactions des gens, échanger avec eux, savoir ce qui plaît, ce qui marche. Et aussi pouvoir éduquer leur goût et les conseiller sur les différents genres de bières. Je pourrais en parler pendant des heures, des soirées entières. C’est ce que je fais d’ailleurs… »

D’ailleurs, rien ne fatigue Sami Chenaihi, rien ne le décourage, pas même ce mauvais timing, ce manque de bol, car le lancement du bar et des bières, uniquement servies chez eux, a coïncidé avec le début d’un enchaînement d’événements. Nous sommes en septembre 2019. Un mois plus tard, c’est la thaoura, puis le début de la crise économique et de la dégringolade de la livre libanaise, les confinements liés au Covid-19, les drastiques coupures de courant... « On n’arrivait plus à suivre le cours du dollar, on ne savait plus ni quand ni comment adapter nos prix. Nous n’avions aucune référence. Il a fallu se casser la tête pour trouver des solutions à tous ces problèmes. » En dépit de deux années particulièrement difficiles, le résultat est très encourageant. « En 2021, nos prévisions étaient de 12 000 à 13 000 litres par an. Nous en sommes à 18 000, soit 54 000 bouteilles environ ! » Sur la carte du Vagabond, outre les salades et autres sandwiches, parmi la quarantaine de recettes de bières originales déjà finalisées, une demi-douzaine est proposée à la fois, dont les best sellers : Pale Ale, New England IPA, IPA, Red Ale et Stout.

Pour mémoire

Ces entrepreneurs qui se sont lancés peu avant le 17 octobre

Alors lorsqu’on demande à cet optimiste réaliste quels sont ses plans d’avenir, il répond : développer la marque, puis l’exporter. « Nous sommes en pleine recherche d’investisseurs pour monter une brasserie qui puisse produire plus d’un million et demi de bouteilles par an. Tout est importé chez nous, sauf l’eau. Les graines viennent d’Allemagne, le houblon et la levure de Nouvelle-Zélande, de France, d’Allemagne, des États-Unis et du Royaume-Uni. Nous avons juste besoin d’une économie stable et tout devient possible. » Et d’ajouter, la question à peine posée : « Non, je ne pense pas partir. Partout ailleurs, il y aura aussi des problèmes. Moi, je choisis les problèmes de mon pays où j’ai investi mon temps et mon énergie. Il y a des opportunités dans toutes les crises. La preuve, c’est que nous avons dépassé nos objectifs malgré ou à cause de la crise. Ici, c’est mon pays, ma famille, mon réseau d’amis, même s’il se réduit avec tous les départs. Nous sommes encore au Liban, nous n’y sommes pas juste en mode survie. Il reste encore de la marge, de la passion et des possibilités pour travailler la qualité de nos bières. » Et retrouver une certaine qualité de vie. Et de conclure avec la devise de Vagabond devenu la sienne : « Ne te contente jamais du médiocre et continue d’avancer. »

De lui, on pourrait, pour le décrire, revisiter le fameux : « Mon nom est Bond, James Bond » en « mon nom est Bond, Vagabond… » S’il a choisi de baptiser son bar ainsi, c’est parce que « ça me rappelle que mon parcours a été celui d’un vagabond ». Pourtant, ce vagabond heureux, qui vient tout juste de célébrer ses 46 ans, a enfin trouvé son...

commentaires (4)

J'aime beaucoup votre philosophie de voir les choses et les problèmes, lors de ma prochaine visite au Liban je passerai déguster vos bières !

Bouille Philippe

17 h 34, le 30 novembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • J'aime beaucoup votre philosophie de voir les choses et les problèmes, lors de ma prochaine visite au Liban je passerai déguster vos bières !

    Bouille Philippe

    17 h 34, le 30 novembre 2021

  • Initiative louable!

    morcos caline

    07 h 01, le 26 novembre 2021

  • J'ai l'eau a la bouche, ma 1ere visite a Beyrouth sera pour le Vagabond de Badaro

    Marie-Hélène

    12 h 36, le 25 novembre 2021

  • j'espere que ses clients ont la chance de gouter a de la BONNE biere, contrairement aux diverses boissons alcoolisees made in Lebanon, aux gouts impossibles !

    Gaby SIOUFI

    11 h 38, le 25 novembre 2021

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