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Moyen-Orient - ENQUÊTE

Opération « Sirli » : quand la France était impliquée dans des bombardements égyptiens visant des civils

L’ONG « Disclose » a publié dimanche soir une enquête inédite montrant comment Le Caire aurait détourné une aide militaire française pour des campagnes de bombardements de son armée dans la région du désert occidental.

Opération « Sirli » : quand la France était impliquée dans des bombardements égyptiens visant des civils

Abdel Fattah el-Sissi avec le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le gouverneur militaire de Paris, Bruno Le Ray, à Paris, le 24 octobre 2017. Photo AFP/Archives

Des documents confidentiels indiquant que l’Égypte aurait détourné l’assistance militaire française afin de cibler des civils : depuis dimanche soir, la diplomatique française fait face à un nouveau scandale. Accusée d’implication dans le cadre de dizaines de bombardements commis entre 2016 et 2018, une enquête menée par l’ONG et média en ligne « Disclose » indique que Paris aurait fourni des informations récupérées et utilisées par l’armée égyptienne afin de bombarder des trafiquants à la frontière libyenne, et non des jihadistes comme prévu.

Les relations franco-égyptiennes font l’objet de polémiques à répétition depuis des années – des décennies si l’on compte les « relations personnelles très fortes » qu’entretenaient le raïs déchu, Hosni Moubarak, et l’ancien président Jacques Chirac. Mais la relation de Paris avec le régime égyptien a pris une nouvelle tournure à partir des années 2014-2015, lorsque Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense puis à la tête du Quai d’Orsay depuis 2017, devient l’architecte d’un lien privilégié avec Le Caire en matière d’armement. À travers le « partenariat stratégique » et un front commun pour « lutter contre le terrorisme », l’Élysée est accusé par certains de ménager le régime de Abdel Fattah el-Sissi, arrivé au pouvoir en juillet 2013 à la faveur d’un coup d’État ayant coûté la vie à des centaines d’Égyptiens. Pour François Hollande puis pour Emmanuel Macron, l’objectif est d’éviter autant que possible les sujets qui fâchent, afin de préserver les liens entre les pays – et les juteux contrats qui se multiplient à partir de 2014 grâce à la vente de chasseurs Rafale, de frégates ou de porte-hélicoptères Mistral.

Si l’Égypte du maréchal Sissi devient au fil des années l’un des principaux partenaires commerciaux de Paris, les accusations étaient restées jusque-là vagues et génériques, ne mettant qu’indirectement en cause le gouvernement. Mais des révélations inédites, dont le premier volet a été publié dimanche en fin de journée par le média d’investigation français, promettent de changer la donne en apportant de nouvelles informations sur le niveau d’implication de certains services français en Égypte.

Les journalistes de « Disclose », une organisation indépendante spécialisée dans les enquêtes longues, ont eu accès à des centaines de documents classés « confidentiel-défense » issus du sommet de l’État -Élysée, ministère des Armées, Direction des renseignements militaires (DRM)… Au cœur de l’affaire : une mission clandestine, toujours en cours, menée depuis 2016 dans le cadre de la « lutte contre le terrorisme » dans le désert occidental égyptien. Nom de code : « Sirli ». À compter du 13 février 2016, la DRM se voit confier la gestion du dossier, loin du regard public. Quatre militaires français ainsi que six civils et un avion de surveillance sont déployés dans l’ouest du pays, le long de la frontière libyenne, avec l’aide d’une société privée luxembourgeoise (CAE Aviation). Ils sont chargés d’appuyer les forces aériennes nationales en fournissant des renseignements « en temps réel » (images, mouvements, conversations téléphoniques). Le matériel publié permet avant tout d’illustrer les mécanismes de coopération sur le terrain. L’examen des documents dévoile par exemple les détails d’une intervention ayant eu lieu le 21 septembre 2016, lorsqu’un avion égyptien frappe des véhicules civils grâce aux informations fournies par les équipes françaises.

Selon des scénarios similaires, les forces hexagonales auraient permis la réalisation de « centaines de frappes aériennes » entre 2016 et 2018 – dont au moins 19 auraient été perpétrées contre des civils. « Les frappes détruisant souvent plusieurs véhicules, le nombre de victimes pourrait se chiffrer à plusieurs centaines », estime le rapport.

Contrebandiers vs terroristes

Deux éléments cruciaux ont permis à ces mécanismes de survivre pendant des années, malgré les nombreuses alertes lancées par les agents français dès avril 2016. « Théoriquement, les données recueillies devraient faire l’objet de recoupements afin d’évaluer la réalité de la menace et l’identité des suspects. Mais très vite, les membres de l’équipe comprennent que les renseignements fournis aux Égyptiens sont utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande. Une dérive dont ils vont alerter leur hiérarchie à intervalles réguliers », en vain, indique le média en ligne.

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Premier élément : l’absence de cadre formel, tout d’abord, a entretenu le flou de l’opération, puisque aucun accord technique n’a jamais défini ses contours exacts. En janvier 2019, une note interne émise par la cellule Afrique de l’Élysée avait pourtant rappelé à Emmanuel Macron la « nécessité » d’un « cadre juridique solide ». Le second élément est le silence et l’inaction des autorités : si les révélations sont si compromettantes, c’est parce qu’elles prouvent que l’Élysée comme la DRM étaient informés des intentions égyptiennes visant à utiliser la technologie et le savoir-faire français afin de tuer des civils. Une note interne datant du 15 décembre 2016 indique par exemple que « l’armée de l’air égyptienne exerce une pression constante sur la planification des missions pour exploiter au maximum les capacités de l’ALSR (avion léger de surveillance et de reconnaissance, NDLR) à son profit », rapporte l’ONG. Une autre, datant cette fois du 6 janvier 2017, révèle que « la problématique terroriste n’a jamais été abordée ».Car pour justifier ses liens avec le maréchal Sissi, la France évoque systématiquement la nécessité d’une collaboration dans le cadre de la « lutte antijihadiste » et de la « sécurité régionale ». Mais si l’argument fonctionne dans le Sinaï (région de l’Est effectivement soumise à des attaques islamistes armées), il a du mal à passer dans le désert occidental où les chercheurs estiment qu’aucun groupe terroriste n’a été identifié. La région allant de la rive occidentale du Nil à la frontière libyenne serait en revanche une plaque tournante de trafics en tout genre (cigarettes, essence, armes mais aussi riz) menés par des contrebandiers majoritairement bédouins, sans aucun lien prouvé avec le financement de groupes terroristes.

Le ministère français des Armées a déclaré dimanche à l’AFP ne pas vouloir communiquer « davantage sur la nature des dispositifs de coopération mis en œuvre », « pour des raisons évidentes de sécurité et d’efficacité ». Mais les révélations ont d’ores et déjà provoqué les foudres des observateurs et d’une partie de l’opposition – notamment les députés « La France insoumise » – qui a réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire. Car ce qui peut être considéré comme une campagne d’« exécutions arbitraires » commise avec la complicité active de Paris tombe sous le coup de la législation internationale, rappelle l’ONG, à travers la résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations unies définissant la « responsabilité de l’État en terme de fait internationalement illicite ». Difficile à ce stade d’anticiper les retombées de ces révélations sur la diplomatie française, qui pourrait être contrainte de se distancier du régime égyptien – au moins à court terme et pour la forme.

Des documents confidentiels indiquant que l’Égypte aurait détourné l’assistance militaire française afin de cibler des civils : depuis dimanche soir, la diplomatique française fait face à un nouveau scandale. Accusée d’implication dans le cadre de dizaines de bombardements commis entre 2016 et 2018, une enquête menée par l’ONG et média en ligne « Disclose »...

commentaires (2)

Du Parfait copié/collé réalisé Par Madame Stephanie Khouri qui, a emprunté cet article au journal le monde avec AFP sur le net sans prévenir le lecteur, ceci n’est pas digne de la déontologie d’information. Occulter sciemment que Dimanche, le ministère français des armées a signalé que Florence Parly avait « demandé qu’une enquête soit déclenchée sur les informations diffusées par Disclose ». Surfer sur le conditionnel tout en affirmant une information non vérifiée, c’est chercher à influencer le lecteur, exemple : 1) les forces françaises AURAIENT été impliquées, 2) l’identification de certains véhicules et les frappes d’interdiction qui en découlent POURRAIENT être soumises à caution etc… Sinon l’article lu au journal le monde est un plus détaillé, dont certains paragraphes ont été sciemment omis par Madame Khouri ? cela pour charger la mule ? **France** comme le dit une expression Française. Et, en même temps s’octroyer le travail de journalistes du Monde/AFP ! triste mais vrai.

Le Point du Jour.

17 h 01, le 24 novembre 2021

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Commentaires (2)

  • Du Parfait copié/collé réalisé Par Madame Stephanie Khouri qui, a emprunté cet article au journal le monde avec AFP sur le net sans prévenir le lecteur, ceci n’est pas digne de la déontologie d’information. Occulter sciemment que Dimanche, le ministère français des armées a signalé que Florence Parly avait « demandé qu’une enquête soit déclenchée sur les informations diffusées par Disclose ». Surfer sur le conditionnel tout en affirmant une information non vérifiée, c’est chercher à influencer le lecteur, exemple : 1) les forces françaises AURAIENT été impliquées, 2) l’identification de certains véhicules et les frappes d’interdiction qui en découlent POURRAIENT être soumises à caution etc… Sinon l’article lu au journal le monde est un plus détaillé, dont certains paragraphes ont été sciemment omis par Madame Khouri ? cela pour charger la mule ? **France** comme le dit une expression Française. Et, en même temps s’octroyer le travail de journalistes du Monde/AFP ! triste mais vrai.

    Le Point du Jour.

    17 h 01, le 24 novembre 2021

  • France impliquée dans des bombardements égyptiens visant des civils en février 2016, L'ONG demandera-elle aussi la repentance à la France et l'indemnisation des victimes? une opération à la mode d'un occident bien cadenassé par les lois et règles non prescriptible du droit humain.

    DAMMOUS Hanna

    13 h 57, le 23 novembre 2021

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