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Société - Témoignages

Comment les Libanais du Golfe vivent-ils la tempête diplomatique ?

Prise entre deux feux, la diaspora s’inquiète des possibles conséquences de l’actuelle escalade entre Riyad et Beyrouth.

Comment les Libanais du Golfe vivent-ils la tempête diplomatique ?

L’aéroport de Beyrouth depuis lequel de nombreux Libanais s’expatrient, notamment vers les pays du Golfe. Photo d’archives AFP

Ils sont dans le sillage de l’une des plus graves crises diplomatiques de l’histoire récente du Liban. Ils ont quitté le pays, récemment ou il y a des décennies, pour les mêmes raisons : s’assurer un avenir que leur pays ne peut leur garantir. Alors, depuis le début de la tempête diplomatique provoquée par les critique émises par le ministre de l’Information Georges Cordahi au sujet de l’action au Yémen de la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite, lors d’un entretien enregistré le 5 août et diffusé le 25 octobre dernier sur al-Jazeera, les quelque 380 000 Libanais du Golfe (selon une estimation de Mohammad Chamseddine, chercheur à al-Douwaliyya lil Maaloumat) vivent un ascenseur émotionnel, au point de se sentir pris en otages au-delà même des frontières.

Si certains vétérans sont un peu accoutumés aux ondes de choc de la politique libanaise, les plus jeunes, eux, craignent le pire. « Je ne veux pas être contrainte de rentrer au Liban », s’exclame Elena*, 26 ans, qui a quitté le pays il y a un an pour Dubaï. Quelque 80 000 Libanais résideraient aux Émirats arabes unis (EAU), selon Mohammad Chamseddine. « La crise diplomatique m’inquiète comme tous les Libanais ici. J’attends de voir comment la situation va se développer dans les prochaines semaines », poursuit-elle, tout en précisant que pour le moment « rien n’a changé ». Elena n’est pas la seule à être alarmée. Ceux qui ont quitté le pays récemment vivent avec la boule au ventre depuis la mise en place des différentes mesures de rétorsion saoudiennes contre le Liban. L’Arabie saoudite a rappelé son ambassadeur au Liban, suivie par les EAU, Bahreïn et le Koweït, et expulsé l’ambassadeur libanais à Riyad, puis suspendu toutes les importations en provenance de Beyrouth. Seuls le sultanat d’Oman et le Qatar, pourtant eux aussi membres du Conseil de coopération du Golfe, ont appelé au dialogue et à l’apaisement. Si Doha semble vouloir se poser en médiateur dans cette affaire, les quelque 50 000 Libanais qui habitent au Qatar craignent tout de même les répercussions de la crise. « Quand j’ai entendu les premières annonces de mesures diplomatiques, j’ai eu peur de voir le Qatar emboîter le pas à l’Arabie saoudite », raconte Alexandra, 23 ans, qui a quitté le Liban pour Doha en août dernier. La jeune femme est effrayée à l’idée de perdre son emploi. « Ce pays m’a donné des opportunités que je n’ai pas dans le mien », poursuit-elle. La bataille diplomatique s’avère pénible pour les Libanais installés dans le Golfe, qui se retrouvent pris entre deux feux. « Vivre dans un pays en pleine guerre diplomatique avec le sien n’est pas chose facile... Bien sûr que j’ai peur. Je redoute, par exemple, de voyager au Liban et de ne plus pouvoir rentrer en Arabie saoudite si les vols sont suspendus du jour au lendemain… » raconte Jad*, 28 ans. Cet architecte vit et travaille depuis deux ans en Arabie saoudite où près de 200 000 Libanais sont établis, selon Mohammad Chamseddine. « La situation est très critique. Malgré les excellentes relations avec la population locale, nous restons des étrangers ici », assure-t-il.

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L’approche des anciens de la diaspora ou de ceux qui ont toujours vécu dans le Golfe est plus calme, comme s’ils étaient habitués à ce genre de crise. « Je n’ai pas peur, ici, les Libanais sont très appréciés », assure Karim*, 34 ans, qui vit en Arabie saoudite depuis 2010. Dans un communiqué datant du 29 octobre, le royaume wahhabite a assuré aux membres de la diaspora libanaise qu’il les « considère comme faisant partie du tissu social ». Ce qu’il reste de l’économie libanaise dépend en grande partie des fonds envoyés par les membres de la diaspora dans le Golfe à leurs familles restées au pays. Au Koweït, où habiteraient 35 000 Libanais, Marc n’est pas inquiet. « Je ne pense pas que cette crise diplomatique va nous affecter, donc je n’ai pas peur », raconte l’homme âgé de 46 ans, qui réside au Koweït depuis déjà plus d’une vingtaine d’années.

« Les politiciens libanais se contrefichent du peuple »
Dans le bras de fer qui oppose le Liban aux pays du Golfe, les Libanais ont des opinions bien tranchées. Certains choisissent sans ambiguïté le camp des pays du Golfe, à l’instar de Karim : « L’Arabie saoudite a complètement raison. Le royaume agit conformément à ses intérêts et a tout à fait le droit de prendre ces mesures contre le Liban. » Nasser, qui est né et a grandi au Koweït, mise même sur une escalade. « J’espère que davantage de pays mettront la pression sur le Liban parce que sa politique est devenue pathétique et dégoûtante. Ce ne sont pas uniquement les Libanais qui en ont assez de leur gouvernement, mais le monde entier, à cause de l’irresponsabilité de la classe politique qui prend des décisions irréfléchies et mal avisées », martèle-t-il. Prenant le contre-pied de ses deux compatriotes, Marc désapprouve les décisions prises par les pays du Golfe et critique l’ingérence des États étrangers, quels qu’ils soient, dans les affaires libanaises. « L’acharnement des pays du Golfe est démesuré. Il est évident qu’ils n’attendaient qu’un prétexte pour agir de la sorte », estime-t-il, en référence aux propos du ministre de l’Information Georges Cordahi qui ont achevé de mettre le feu aux poudres dans les relations déjà troublées entre le Liban et le royaume wahhabite. Si les mesures de rétorsion de l’Arabie saoudite semblent disproportionnées, elles s’inscrivent dans la continuité du désengagement saoudien au Liban, alors que Riyad considère que le pays est sous la coupe du Hezbollah.

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« C’était attendu, on a quand même une milice et un parti considérés comme terroristes dans notre pays. Nous sommes loin d’avoir le luxe d’être hostiles envers un autre État », avance Elena. « Quand un pays va aussi mal que le nôtre, pourquoi se mêle-t-il (des affaires) d’un autre ? Les politiciens libanais se contrefichent du peuple et n’essayent même pas de construire des relations avec l’étranger. Tout ce qu’ils savent faire, c’est nous blesser », lance Jad.

« Le Liban reste un fardeau, même à l’étranger »
Si les membres de la diaspora ont des mots aussi durs envers le Liban, c’est parce qu’ils ont fui un pays qui ne leur a rien offert, selon eux. Elena a quitté le Liban après la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Jad est parti pour l’Arabie saoudite afin de trouver un emploi et s’assurer un avenir. « À chaque fois que je cherche un job, c’est ce pays qui m’ouvre ses portes, dit-il. Ce que je ressens, c’est plus que de la colère, de la déception… Rien ne me retient au Liban, alors que l’Arabie saoudite me permet de construire un avenir », assure Jad. « J’avoue que ma colère contre le Liban a décuplé. Je ne me vois même pas y aller en tant que touriste », fustige Nasser. « J’ai abandonné tout espoir. Je ne vais même pas voter aux prochaines législatives. Pour que le système libanais change, il faudrait une intervention étrangère », martèle-t-il. Alors même qu’ils pensaient avoir échappé au bourbier libanais en allant s’installer à l’étranger, les crises de leur pays d’origine continuent de les suivre. « Le Liban reste un fardeau, même à l’étranger. Tout ce que je veux, c’est obtenir un autre passeport », lâche Elena.

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

Ils sont dans le sillage de l’une des plus graves crises diplomatiques de l’histoire récente du Liban. Ils ont quitté le pays, récemment ou il y a des décennies, pour les mêmes raisons : s’assurer un avenir que leur pays ne peut leur garantir. Alors, depuis le début de la tempête diplomatique provoquée par les critique émises par le ministre de l’Information Georges Cordahi...

commentaires (5)

Les libanais sont très bien traités où qu’ils se trouvent dans le monde. Il n’y a que dans leur pays qu’ils sont maltraités et terrorisés aussitôt qu’ils foulent le sol de l’aéroport. Apres avoir été pillés et humiliés ils ont émigré vers de nouveaux cieux plus clément, Voilà tout. Que tous ceux qui se soucient du sort des libanais loin de leur pays se rassurent, à part qu’ils sont reconnus pour la misère et la terreur qui règne dans leur pays, jadis la Suisse de l’orient, ils sont accueillis à bras ouverts même s’ils ont vu leurs salaires à la baisse dans les pays du golfe à cause de l’affluence massive de nos jeunes qui ont immigré à la recherche d’un emploi dans un pays où ils ne seront pas harcelés chez eux par des terroristes qui leur cherchent des poux lorsqu’ils manifestent, réclamant leurs droits d’étudier, de travailler ou de vivre tout simplement et paisiblement comme tous les jeunes de leur âge dans le monde. Mais les vendus de leur pays ont d’autres projets puisqu’ils ne pourront plus voler ni régner si la paix et l’ordre devraient s’instaurer dans ce pauvre pays, alors ils continuent le massacre pendant que le pays se vide de ses enfants et ceux qui restent continuent à subir l’intolérable et on se demande pourquoi.

Sissi zayyat

18 h 32, le 05 novembre 2021

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Commentaires (5)

  • Les libanais sont très bien traités où qu’ils se trouvent dans le monde. Il n’y a que dans leur pays qu’ils sont maltraités et terrorisés aussitôt qu’ils foulent le sol de l’aéroport. Apres avoir été pillés et humiliés ils ont émigré vers de nouveaux cieux plus clément, Voilà tout. Que tous ceux qui se soucient du sort des libanais loin de leur pays se rassurent, à part qu’ils sont reconnus pour la misère et la terreur qui règne dans leur pays, jadis la Suisse de l’orient, ils sont accueillis à bras ouverts même s’ils ont vu leurs salaires à la baisse dans les pays du golfe à cause de l’affluence massive de nos jeunes qui ont immigré à la recherche d’un emploi dans un pays où ils ne seront pas harcelés chez eux par des terroristes qui leur cherchent des poux lorsqu’ils manifestent, réclamant leurs droits d’étudier, de travailler ou de vivre tout simplement et paisiblement comme tous les jeunes de leur âge dans le monde. Mais les vendus de leur pays ont d’autres projets puisqu’ils ne pourront plus voler ni régner si la paix et l’ordre devraient s’instaurer dans ce pauvre pays, alors ils continuent le massacre pendant que le pays se vide de ses enfants et ceux qui restent continuent à subir l’intolérable et on se demande pourquoi.

    Sissi zayyat

    18 h 32, le 05 novembre 2021

  • Le liban est à la marge de la société nouvelle mondiale et arabe. Avant de se poser la question "comment vivent les libanais du gulf cette crise entre le liban et les arabes"....Fallait aussi poser la question : comment ont ils fait et feront ils pour pouvoir travailler et commercer, dans le cadre de leurs posts au sein de ces pays notamment du gulf??? Ces pays travaillent désormais et commercent avec Israel. Comment feront ces libanais qui devront dialoguer et travailler avec les entreprises israeliennes? dans les entreprises qui les emploient s'ils sont encore en marge de la paix et de la modernité en cours??? Ces libanais étaient DEJA laissés pour compte par leur pays qui s'entête à garder l'option d'ennemi, de guerre, de je ne sais quoi en premier au lieu de penser aux libanais qui aspirent à la paix. Le liban est officiellement en guerre contre Israel ET les pays arabes considèrent le liban comme occupé par un ennemi. Donc les libanais des pays arabes? Franchement, ca n'ira pas loin. C'est le plan machiavélique iranien pour qu'à terme, les libanais soient virés de ces pays du gulf. si le Liban doit absolument intégrer le giron arabe et surtout le camp de la paix. Mais bon avec des intégristes chiites pro iraniens qui dictent leur volontés, faut pas rêver. Même le gaz au large des côtes libanaises, il lui est interdit d'y avoir accès à cause des blocages soulevés par le pouvoir libanais lui-même et ses revendications soudaines.

    LE FRANCOPHONE

    14 h 42, le 05 novembre 2021

  • le plus sont ceux qui se croient brillant en critiquant les libanais de mentionner les interets financiers voulant defendre l'arabie saoudite et le CCG contre l'iranien. Comme quoi C'EST DEGRADANT de ne penser que "sous". ces imbeciles oublient que l'union europeenne n'etait basee QUE SUR LES INTERETS FINANCIERS & ECONOMIQUES PROPRES A CHAQUE PAYS. mais pourquoi je me fache moi. je ne suis meme pas foutu de leur fiche des claques sur leur gueule tordue.

    Gaby SIOUFI

    14 h 00, le 05 novembre 2021

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