Le discours du bivouac et le droit à la contre-résistance

Le 16 novembre 1922, Mussolini prononça un discours d’une rare violence, que l’histoire connaîtra sous le nom de « discours du bivouac », dans lequel il promit de transformer le Parlement italien, qualifié de « salle grise, terne et inutile », en un bivouac – campement – pour ses « centuries » et ses formations de combat… « et alors je pourrai parler aux députés de l’opposition avec mes c…lles sur la table », conclura celui qui allait devenir, par la violence et la force, le duce de l’Italie. Pendant que Mussolini vociférait, sapant au passage les fondements du régime démocratique au profit de la force brutale et virile incarnée par ses chemises noires, dans les rues de Rome, les squadristes armés terrorisaient aux cris de « Duce ! Duce ! » une population civile qui assistait impuissante à l’agonie d’une démocratie chancelante. Des années plus tard, à l’est du rideau de fer, les communistes ont, eux aussi, violé cette même démocratie consentante pour lui faire engendrer des régimes abominables. Les multiples « coups de Prague » qui ont fleuri en Europe orientale ne furent possibles que parce que d’authentiques démocrates ont cru qu’ils pouvaient dîner à la même table que le diable.

Et voilà que le même scénario est en train de se répéter au Liban dans l’indifférence d’un peuple amorphe prêt à tous les compromis et à toutes les solutions de rechange mais à aucun sacrifice. Le jour viendra où les Libanais se rendront compte qu’ils méritent mieux que d’être rabaissés au rang de serfs par des voyous hirsutes en armes ou asservis par une classe politique avide et corrompue jusqu’à la moelle ; mais ce jour-là, il sera trop tard pour eux et pour le Liban, comme dans le passé il fut trop tard pour les vieux bolcheviques qui ont cru qu’ils pourraient manipuler Staline et qui ont fini une balle dans la nuque, comme il fut trop tard pour les industriels allemands qui ont cru qu’ils pourraient tenir Hitler et qui sont morts dans les camps, comme il fut trop tard pour Jan Masaryk qui avait cru qu’il pourrait humaniser le communisme et qui périt défenestré…Quel comportement adopter face à la logique implacable de la supériorité militaire qu’incarnent quotidiennement des agissements vindicatifs d’une rare arrogance qui relèguent tout Libanais au rang de laquais ? Les faits ont parlé et continuent à parler d’eux-mêmes et nul besoin d’être grand clerc aujourd’hui pour anticiper, il suffit simplement d’écouter et surtout de voir comment des dizaines de milliers de personnes sont devenues par la force des armes des primus inter pares, sortes de seigneurs au-dessus du reste de la plèbe et de la loi des hommes. Non, jusqu’à nouvel ordre, le Liban n’est pas une seigneurie du Moyen Âge mais bien une démocratie parlementaire, et dans un pareil régime un bulletin de vote doit peser plus lourd qu’une kalachnikov et un corps électoral est formé de citoyens libres et responsables et non pas de pasdaran, basij ou autres chabihas. Tant que tous les Libanais n’ont pas compris cela et tant que certains continueront à se vanter de pouvoir, en toute impunité, menacer, terroriser, asservir ou rabaisser leurs pairs et égaux, la pratique de la démocratie devient un danger pour la vie démocratique et résister à la résistance devient un devoir.

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