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Nos Lecteurs ont la Parole

Capitalisme et homme moderne : quo vadis ?

L’aube du XXe siècle marque la floraison des marchés boursiers de grande envergure. Les imposantes entreprises, ayant plusieurs actionnaires, deviennent alors sujettes à d’intenses pressions de la part des marchés financiers pour obtenir des rendements à court terme de plus en plus pointus. Les entreprises ne peuvent plus dormir sur leurs lauriers car la compétition est devenue impitoyable. Les pressions économiques incitent donc les entreprises à diminuer les coûts de production en utilisant les procédés de répétition mécanique et de courbe d’apprentissage. Il faut donc produire en masse avec un minimum d’erreurs, sans un temps de répit ni un temps de latence.

Le grand magnat industriel Henry Ford est d’ailleurs parmi les premiers entrepreneurs à exploiter les notions scientifiques de management afin d’optimiser le rendement des travailleurs. Spécifiquement, il introduit le principe de la chaîne de montage pour l’assemblage en série de son emblématique voiture Ford Model T. Le coût de fabrication de la voiture dégringole de façon inimaginable. Son prix est donc abordable pour le commun des mortels. Elle se vend comme des petits pains.

En parallèle, les entreprises décident d’augmenter les sources de revenu en utilisant la manipulation mentale via les spots publicitaires. Elles incitent insolemment les jeunes, de 7 à 77 ans, à consommer plus avidement et plus rapidement. La pensée libérale d’Adam Smith influe profondément sur l’appétit insatiable des entrepreneurs de maximiser le profit coûte que coûte. Le prétexte que l’on invoque est le suivant : les entreprises qui recherchent leur propre intérêt, dans un marché libre et non contraignant, contribuent inconsciemment à la prospérité et au bonheur de la société dans son ensemble.

Cependant, la course au profit entraîne l’homme dans un cercle vicieux de cupidité et d’individualité. L’homme devient alors un être matérialiste assoiffé d’argent et de pouvoir. Du chef de l’entreprise au plus petit des employés, l’homme ne travaille plus pour vivre. Il vit pour travailler. Métaphoriquement parlant, l’homme devient le rouage d’une machine infernale qui l’éloigne de sa passion et de sa maison au profit de son boulot et de son bureau.

Dans sa dernière lettre, datée du 30 juillet 1944, écrite la veille de sa disparition, Antoine de Saint-Exupéry se lamente face au spectacle d’un monde grégaire et utilitariste. Il écrit la chose suivante : « Mais où vont les États-Unis et où allons-nous, nous aussi, à cette époque de fonctionnariat universel ? L’homme robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne système Bedaux à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur, et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les bœufs en foin... C’est cela l’homme d’aujourd’hui. »

Au crépuscule du XXe siècle, un autre bouleversement majeur se produit avec le triomphe de l’internet et de la révolution numérique. L’homme est bombardé par des flux continus d’informations que le cerveau humain peine à canaliser de façon cohérente. Son esprit est saturé et abruti. L’homme se dévêtit encore plus de son humanité pour endosser l’habit d’un avatar insipide, sans nom ni visage. Il n’est qu’un numéro parmi des millions de numéros, c’est-à-dire une goutte insignifiante dans un océan d’indifférence. De surcroît, en donnant à la machine une intelligence artificielle, l’homme se dote d’un cœur de pierre. Rien ne caresse plus le cœur de l’homme. La chaleur humaine est soudainement glaciale. Dans ce monde virtuel empreint d’anonymat et d’insensibilité, l’homme devient imperméable aux sentiments et aux émotions d’autrui.

En particulier, l’amour contemporain n’est plus une source d’éternel épanouissement. C’est devenu un vulgaire produit de consommation visant à satisfaire des besoins immédiats aux plaisirs éphémères. Même les petits ne lisent plus les histoires d’amour des belles princesses et des princes charmants sur des chevaux blancs. Par contre, leur regard reste vissé obsessionnellement sur des écrans virtuels aux effets toxiques pour l’esprit et le corps. Pour paraphraser Saint-Exupéry, ils voient le superficiel avec les yeux, mais ils ne voient pas l’essentiel avec le cœur. Ils sont intrinsèquement aveugles.

D’aucuns attribuent les maux du monde moderne au capitalisme. Toutefois, il ne faut pas se méprendre. Le capitalisme en lui-même n’est pas un phénomène malveillant. Bien au contraire. Il peut être intrinsèquement bénéfique. Il met judicieusement en contact des financiers prodigieux avec des créateurs ingénieux. Les premiers sont à court d’idées, mais ils possèdent un excédent d’argent. Les seconds ont un excédent d’idées, mais ils sont à court d’argent. C’est donc un modèle de société « gagnant-gagnant ». D’ailleurs, force est de constater que les plus grandes avancées scientifiques de ce monde ont pu voir le jour grâce au capitalisme. Elles ont significativement amélioré la condition humaine, surtout au niveau de l’éducation, de la santé, du confort et de la sécurité. Le coupable de la tragédie humaine contemporaine n’est donc pas le capitalisme à proprement parler. C’est l’abus du capitalisme, ou l’usage d’un capitalisme sauvage sans conscience.

En somme, le problème du monde moderne est avant tout un problème d’hommes. L’homme est le maître absolu sur terre. De par son comportement noble ou ignoble, il contrôle sa destinée vers un avenir serein ou turbulent. Seule la conscience humaine peut encore sauver l’âme humaine avant qu’il ne soit trop tard. À cet égard, il serait bon de rappeler l’histoire de Sodome dans la Bible. Il aurait suffi de trouver dix justes pour sauver la ville. Désespérant de trouver dix justes parmi la population, Dieu entre alors dans une terrible colère. En guise de punition, il décide de détruire la ville. Espérons que cela ne soit pas le destin fatal de l’homme moderne.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

L’aube du XXe siècle marque la floraison des marchés boursiers de grande envergure. Les imposantes entreprises, ayant plusieurs actionnaires, deviennent alors sujettes à d’intenses pressions de la part des marchés financiers pour obtenir des rendements à court terme de plus en plus pointus. Les entreprises ne peuvent plus dormir sur leurs lauriers car la compétition est devenue...

commentaires (1)

etape # 1, creer le besoin -theorie diabolique des americains pour assurer l'ecoulement d'un produit X, etape # 2,mondialiser les echanges economiques en en assurant les liquidites necessaires au consommateur afin de -justement- consommer a satiété en s'endettant a souhait. et voila le tour est joue, l'homo sapien devenu synonyme de vulgaires sous .

Gaby SIOUFI

10 h 26, le 26 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • etape # 1, creer le besoin -theorie diabolique des americains pour assurer l'ecoulement d'un produit X, etape # 2,mondialiser les echanges economiques en en assurant les liquidites necessaires au consommateur afin de -justement- consommer a satiété en s'endettant a souhait. et voila le tour est joue, l'homo sapien devenu synonyme de vulgaires sous .

    Gaby SIOUFI

    10 h 26, le 26 octobre 2021

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