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Économie - Audit juricomptable

Alvarez & Marsal : les différences apparentes du nouveau contrat

Le cabinet a renforcé ses exigences par rapport au premier accord en demandant à être payé en avance avant le commencement de chaque nouvelle étape.


Alvarez & Marsal : les différences apparentes du nouveau contrat

Le nouveau contrat, qui s’élève à 2,74 millions de dollars, est plus cher que le premier, qui n’atteignait que 2,1 millions. Photo João Sousa

Le 17 septembre dernier, le ministre des Finances Youssef Khalil a signé pour le compte du Liban le nouveau contrat mandatant le cabinet international Alvarez & Marsal (A&M) pour réaliser le volet juricomptable de l’audit des comptes de la Banque du Liban (BDL), et en principe aussi de ceux des institutions publiques, bien que l’audit de ces dernières ne soit pas stipulé dans le contrat.

Cette opération de contrôle consiste à retracer le fil des transactions enregistrées dans les comptes de l’institution, dont le bilan est alourdi par les pertes pharaoniques accumulées par les finances publiques libanaises et le secteur financier, lequel avait massivement investi dans les juteuses obligations émises par l’État. Elle s’inscrit en complément du volet comptable de l’opération d’audit assuré par le hollandais KPMG, en coopération avec le spécialiste des banques centrales basé en Suisse Oliver Wyman, également mandatés par l’État. Les soutiens du pays – dont la France – et le Fonds monétaire international (FMI) ont émis à plusieurs reprises leur souhait de voir réaliser un audit complet et crédible des comptes de la BDL.

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Le contrat signé il y a deux semaines est le second après celui conclu le 1er septembre 2020 pour la même mission en marge d’une visite du président français Emmanuel Macron à Beyrouth dans le sillage de la catastrophe du 4 août 2020. Côté A&M, c’est encore le directeur général James Daniell qui a apposé sa signature, tandis que les coresponsables du projet, Paul Sharma et Daniel Barton, également directeurs généraux, travailleront aux côté du premier comme il y a un an.

Un premier engagement a été résilié par le cabinet le 27 novembre après que la Banque du Liban a refusé de lui fournir une importante partie des documents demandés pour mener à bien sa mission, en se réfugiant derrière la loi sur le secret bancaire. Cet obstacle juridique, dont le bien-fondé était plus que discutable, est tombé le 21 décembre 2020 après que le Parlement a adopté une loi levant pendant un an le secret bancaire sur les comptes de la banque centrale et ceux des institutions publiques. Il a tout de même fallu attendre plusieurs mois pour que le nouveau contrat, publié la semaine dernière sur le site du ministère des Finances, soit signé. À noter que le ministre des Finances est un ancien cadre de la BDL. Le contrat a, lui, été rédigé le 24 août 2021 sous le mandat de l’ancien ministre des Finances, Ghazi Wazni, dont le nom a été rayé à la main du contrat publié sur le site du ministère.

Objet du contrat

Première remarque, l’intitulé de la mission est rédigé presque dans les même termes que dans le précédent contrat, qui stipule que la société devra « vérifier que les fonds provenant des transactions financières opérées au niveau de la BDL ou qui ont transité par ses comptes durant les cinq dernières années ont été utilisés conformément à leur but premier » ; « examiner les transactions provenant des opérations d’ingénierie financière » sur la même période ; et enfin « analyser la répartition des mouvements des dépôts de clients et de groupes au sein des banques commerciales » en marge de ces mêmes opérations.

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Le fait que la période des cinq ans n’ait pas été modifiée ne permet pas de savoir si A&M commencera à vérifier les informations à partir de 2016, soit depuis les premières opérations d’ingénierie financière, ou depuis 2017, soit un an plus tard. Il s’agit d’outils financiers non orthodoxes qui ont permis l’échange de bons du Trésor (libellés en livres) et d’eurobonds (titres de dette libellés en devises) entre d’une part le ministère des Finances et la BDL et de l’autre entre cette dernière et les banques. Une différence substantielle a néanmoins été introduite. Dans le premier contrat, la Banque du Liban devait envoyer en vrac les données demandées par A&M dans le cadre de l’audit, à charge ensuite pour le cabinet de les compiler et de les transmettre à l’État avant même la rédaction du premier rapport intermédiaire. Mais le nouvel accord part, lui, du principe que cette phase de compilation et de transmission au ministère des Finances a déjà été effectuée par la BDL à partir du 20 octobre 2020. À en croire cette clause, A&M doit donc réaliser son audit à partir des données qui ont été transmises pendant les premiers échanges entre la banque centrale et A&M en 2020, puis sur ceux qui ont normalement été transmis en 2021, quand le ministère des Finances a renoué contact avec le cabinet pour le convaincre de remettre le pied à l’étrier. Le ministère n’a cependant jamais indiqué quelles nouvelles demandes avaient été formulées par Alvarez et Marsal, ni si la Banque du Liban y avait répondu favorablement. À noter que le cabinet d’audit n’a pas de contact direct avec la BDL, le ministère des Finances jouant le rôle d’intermédiaire entre les deux entités.

La durée de la mission s’étend sur au moins 12 semaines, plus le temps pris pour effectuer les différents règlements demandés par A&M et celui nécessaire pour que le cabinet puisse évaluer si les données mises à sa disposition sont suffisantes pour réaliser l’audit (cette phase commence par un délai initial de deux semaines pouvant être étendu en fonction des éventuels échanges avec la BDL). Pour résumer, il y a trois grandes étapes : la vérification des données ; la décision de commencer l’audit proprement dit ; et la date de mobilisation (la réalisation de l’audit juricomptable à proprement parler) qui survient dix jours après la précédente si le paiement est effectué dans les temps. Cette dernière étape n’apparaissait pas dans le premier contrat.

À noter que la période qui s’étend jusqu’à la fin de la durée d’application de la loi levant provisoirement le secret bancaire, soit le 29 décembre 2021, est plus courte que le total de temps que pourrait prendre l’audit en comptant les 12 semaines de la phase de mobilisation, la dizaine de jours la précédant ainsi que les deux semaines de vérification des données fournies. Sans même prendre en compte les éventuels retards de paiement de la part du Liban.

Montant du contrat

Seconde remarque, le nouveau contrat, qui s’élève à 2,74 millions de dollars, est plus cher que le premier, qui se chiffrait à 2,1 millions. Alvarez et Marsal a plus précisément demandé 2,52 millions pour effectuer l’audit et 220 000 dollars de frais (voyage, logement et matériel informatique). Le règlement doit être effectué auprès de la même banque que lors du premier contrat, HSBC Bank PLC.

Les émoluments prévus sont payables en quatre fois, dont un premier règlement de 100 000 dollars qui doit être honoré avant même qu’A&M n’examine les données mises à sa disposition par la BDL. Ce dernier montant aurait dû être réglé deux semaines après la signature du contrat (soit vendredi dernier, selon nos calculs).

A&M a renforcé ses exigences par rapport au premier contrat en demandant à être payé en avance avant le commencement de chaque nouvelle étape. Des garde-fous qui pourraient avoir été imposés pour éviter les retards de paiement du Liban qui aurait dû s’acquitter lors de la signature du premier contrat en septembre 2020 d’un acompte équivalant à 840 000 dollars, mais qui ne l’a jamais fait. A&M a en outre dû attendre août dernier pour recevoir les 150 000 dollars d’indemnités prévus en cas de résiliation.

Les termes du contrat ont d’ailleurs également été modifiés concernant les modalités de rupture de contrat. En effet, si A&M rompt le contrat avant la décision de commencer – comme cela avait été le cas en novembre 2020 –, il conservera les 100 000 dollars en plus de la somme de 150 000 dollars d’indemnités prévus dans ce cas de figure. Dans le cas où la rupture interviendrait après la décision de commencer, le cabinet recevrait une somme proportionnelle au temps effectué à travailler sur le dossier, toutes phases confondues.

Les autres différences

Si en 2020 Alvarez et Marsal prévoyait de mobiliser 16 personnes en comptant James Daniel, Paul Sharma et Daniel Barton, le nouveau contrat reste muet à ce sujet.

Dans le cadre d’une éventuelle « dispute » entre le cabinet d’audit et l’État, A&M sera remboursé à hauteur des frais déjà engagés, sauf si un jugement rendu dans le cadre d’une action en justice lancée suite à cette dispute en décide autrement. Le contrat reste toutefois flou concernant la notion de « dispute » dans ce cadre. Ce détail interpelle d’autant plus qu’il ne figurait pas dans le premier contrat.

Autre nouveauté : une éventuelle plainte déposée par l’État libanais contre A&M ne pourra cibler que la filiale du cabinet au Moyen-Orient (qui a rédigé le contrat) et non les actionnaires ou les membres de la société à titre personnel.

Contacté, le ministère des Finances n’a pas donné suite à nos demandes de précisions.


Le 17 septembre dernier, le ministre des Finances Youssef Khalil a signé pour le compte du Liban le nouveau contrat mandatant le cabinet international Alvarez & Marsal (A&M) pour réaliser le volet juricomptable de l’audit des comptes de la Banque du Liban (BDL), et en principe aussi de ceux des institutions publiques, bien que l’audit de ces dernières ne soit pas stipulé dans le...

commentaires (1)

qu'est ce qui ferait que Alvarez ne se limite pas a l'audit de la BDL puisque> ?? de plus Pourquoi n'avoir pas inclus cette responsabilite dans le contrat?

Gaby SIOUFI

09 h 28, le 04 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • qu'est ce qui ferait que Alvarez ne se limite pas a l'audit de la BDL puisque> ?? de plus Pourquoi n'avoir pas inclus cette responsabilite dans le contrat?

    Gaby SIOUFI

    09 h 28, le 04 octobre 2021

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