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La Consolidation de la paix au Liban - Septembre 2021

Les réfugiés yazidis au Liban vivent dans la peur de la persécution

Ils cherchent à être relocalisés dans les pays où leurs proches sont installés, comme l'Allemagne et le Canada. C’est le seul moyen pour eux de pouvoir pratiquer librement leur religion.

Lorsque l'armée turque a lancé en janvier 2018 son opération militaire contre les forces kurdes de Afrine, ville à majorité kurde du nord-ouest de la Syrie, Riyad Nabo, 60 ans, et son épouse ont dû fuir leur village de Qastal Jando et se sont réfugiés au Liban. Nabo a requis l'anonymat par crainte de représailles, à l’instar des autres réfugiés yazidis cités dans ce récit.

C’est à Chtaura que lui et sa femme ont déposé leurs bagages, pour retrouver des membres de leur famille qui s'étaient installés auparavant dans cette région. Il raconte qu’en raison de son âge, il n’avait pas réussi à trouver un emploi lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille. C’est son épouse qui a dû travailler en tant que femme de ménage pour nourrir les siens.

« Nous avons perdu nos maisons. Nous avons perdu nos terres. Au Liban, nous arrivons difficilement à joindre les deux bouts. Nous avons tout perdu chez nous et nous survivons à peine ici », se confie Nabo.

Le sexagénaire avait été arrêté en Syrie et jeté en prison par des groupes extrémistes en poste près de son village. Il devait être plus tard libéré dans le cadre d'un accord d’échange de prisonniers englobant d'autres Yazidis détenus dans des prisons gérées par divers groupes rebelles.

Avec le début des manifestations anti-pouvoir de 2011 en Syrie, des centaines de Yazidis se sont mis à se réfugier au Liban. Plusieurs autres les ont suivis par la suite dans la foulée de l’opération militaire turque contre Afrine où près de 25 000 yazidis vivaient.

Ces derniers redoutent une réédition du génocide de Sinjar en 2014, lorsque le groupe appelé État islamique avait attaqué leurs territoires, tuant des milliers d’hommes et enlevant des milliers de femmes et de jeunes filles devenues esclaves sexuelles.

Selon le Conseil syrien yazidi, un groupe de défense des droits de cette communauté basé en Allemagne, 124 familles yazidies, composées de près de 500 personnes au total, sont installées au Liban. Elles sont éparpillées entre plusieurs régions, mais la majorité est établie entre Ersal et Chtaura.

Le Conseil souligne les nombreux défis auxquels ce groupe est confronté. Largement affectée par la pandémie de Covid-19 au Liban, la crise financière et les troubles politiques dans le pays, la situation des Yazidis est largement tributaire de l’environnement dans lequel ils vivent. Les Yazidis disent qu'ils ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour révéler leur religion devant des membres d’autres communautés au Liban. Aussi, cherchent-ils à se relocaliser dans des pays où vivent leurs proches, comme l'Allemagne et le Canada, en expliquant que pour eux, il s’agit du seul moyen leur permettant de pratiquer librement leur religion.

Nabo vit dans le même immeuble que ses beaux-parents. Sa belle-sœur, Laila Isso, et sa famille, huit au total, occupent un deux pièces. Laila est arrivée au Liban en 2016 après la détention, trois jours durant, de sa mère âgée de 75 ans, par des groupes rebelles en poste près de leur village de Qastal Jando.

Ses deux filles et elle travaillent comme femmes de ménage pour gagner leur vie. « Des femmes ont été kidnappées dans des villages yazidis. Nous avons été victimes de harcèlement et ignorés par le gouvernement syrien lorsque nous avons fui notre village vers les zones qu’il contrôle. C’est finalement au Liban que nous avons trouvé refuge. Avec mes filles, nous faisions le ménage pour gagner de l’argent mais depuis l’épidémie de Covid-19, nous avons des difficultés à trouver du travail », raconte Isso.

Elle confie avoir peur pour ses enfants si jamais ils doivent retourner en Syrie. Ses filles pourraient être kidnappées et ses fils seraient forcés de se battre avec l'armée syrienne, explique-t-elle. Même au Liban, elle et sa famille restent prudentes et préfèrent cacher leur foi pour se protéger.

Le village de Qastal Jando à majorité yazidie est depuis 2012 dans la trajectoire d’attaques à la roquettes, à cause de sa situation géographique, à la frontière de la ville de Azaz, contrôlée par les rebelles dans le nord de la Syrie. La plupart des 1 000 habitants du village ont été poussés à l’exode en 2018.

Les réfugiés yazidis confient qu'ils ont peur de s’installer tous dans un même camp comme leurs compatriotes syriens de peur de devenir une cible facile. Aussi, préfèrent-ils se fondre parmi les différentes communautés locales. « Nous sommes répartis parmi les différents groupes religieux du pays. Dépendamment de la région dans laquelle nous vivons, soit nous dissimulons notre appartenance communautaire, soit nous la révélons, mais nous sommes toujours censés nous convertir à la religion de la communauté au sein de laquelle nous évoluons », indique Abdi Ali, représentant du Conseil syrien des yazidis au Liban.

Ali raconte que même s'ils se contentent de révéler leur ethnie, en expliquant seulement qu'ils sont kurdes sans dévoiler leur religion, les yazidis sont toujours harcelés et intimidés. Selon lui, ils préfèrent vivre dans des zones religieuses mixtes plutôt que dans une région au sein de laquelle une communauté religieuse domine.

Le système politique libanais fonctionne sur base d'un système sectaire fondé sur le partage du pouvoir, qui a mis fin en 1990 à une guerre civile de 15 ans dans le pays.

Depuis 2012, Walid Reber vit avec sa famille composée de huit personnes dans un deux pièces à Chtaura. Ses enfants ont dû interrompre leurs études scolaires parce que les plus âgés devaient travailler, et les plus jeunes avaient été victimes de harcèlement dans la mesure où ils ne suivaient pas les mêmes rituels religieux que leurs camarades. « Nous ne bénéficions d’aucune protection ou garantie. De toutes les confessions au Liban, nous sommes les plus vulnérables. Nous ne sommes pas acceptés en tant que Yazidis. Nous devons changer de religion pour nous intégrer et nous dissoudre dans la communauté hôte », déclare Reber.

L'exacerbation de la crise économique au Liban a poussé la Banque mondiale à mettre en garde contre une « implosion » dans le pays, compte-tenu du mécontentement populaire croissant et de manifestations antigouvernementales persistantes.

« La pandémie du coronavirus a compliqué davantage la vie de tout le monde. Le travail est devenu rare et un nombre croissant de familles a commencé à dépendre, pour survivre, de l'aide fournie par différentes ONG et des proches établis à l'étranger », explique encore le représentant du Conseil syrien des yazidis au Liban, Abdi Ali.

Malgré les défis opérationnels imposés par la pandémie, l’UNHCR a poursuivi ses opérations de relocalisation de réfugiés en 2020 et 2021. Le HCR a confirmé dans ce cadre que des réfugiés, y compris les yazidis, qui avaient besoin d’être relocalisés, l’ont été au cours des dernières années. Cependant Abdi Ali note que les yazidis ont été pour la plupart « négligés » à ce niveau.

« Cinquante enfants yazidis sont sur le marché du travail ici. Ils ne vont pas à l'école parce qu’ils doivent aider leurs parents qui n’ont pas pu trouver d'emplois, et le marché du travail exige de jeunes travailleurs », souligne Ali.

Ce dernier est arrivé au Liban en 2013 avec sa famille. Depuis, ils n’ont pas arrêté d’offrir un soutien à leurs compatriotes qui les ont suivis. Abdi Ali note que la crise économique au Liban rend difficile pour tout le monde dans le pays de trouver des médicaments pour l'hypertension artérielle, le diabète et d'autres maladies.

« Nous n’avons d'autre solution que de nous établir dans un pays différent qui protège les minorités et nous donne le droit de nous exprimer, de pratiquer notre religion et nos rituels sans aucune crainte de répression », insiste-t-il.

Ils cherchent à être relocalisés dans les pays où leurs proches sont installés, comme l'Allemagne et le Canada. C’est le seul moyen pour eux de pouvoir pratiquer librement leur religion.Lorsque l'armée turque a lancé en janvier 2018 son opération militaire contre les forces kurdes de Afrine, ville à majorité kurde du nord-ouest de la Syrie, Riyad Nabo, 60 ans, et son épouse ont dû...

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