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Nos Lecteurs ont la Parole

Il n’y a pas un seul Liban, il y en a deux contradictoires : le noir et le blanc, l’huile et l’eau, le citoyen et le politicien

Il n’y a pas un seul Liban, il y en a deux contradictoires : le noir et le blanc, l’huile et l’eau, le citoyen et le politicien

En octobre 2019, la classe dirigeante s’est trouvée pour la première fois face à un citoyen libanais qui lui demandait de partir, toutes classes et toutes communautés confondues. Photo AFP

Comme toutes les villes portuaires, Beyrouth a toujours été une ville d’échanges et de mélanges.La diversité est dans sa nature. Elle a fait sa richesse, tant commerciale qu’intellectuelle, tant spirituelle que matérielle. C’est cette richesse-là, cette formidable richesse humaine, que la caste dirigeante veut détruire.

Elle s’y emploie depuis la guerre civile. Elle l’a divisée à coups de bombes, dressant les Beyrouthins, et les Libanais en général, les uns contre les autres.

Mais Beyrouth a résisté, dès la fin de la guerre, elle s’est réunifiée. Je parle de la réunification humaine, pas celle, artificielle, des mafieux et des affairistes qui ont utilisé la réunification de Beyrouth pour s’en emparer. Ces mafieux et ces affairistes, qui forment la caste dirigeante libanaise, ont cherché à remplacer les barrages miliciens par des barrages politiques et confessionnels.

Pour pérenniser leur pouvoir, il fallait que les Libanais se haïssent. Mais c’était aller contre la nature même de Beyrouth, ville multiculturelle et cosmopolite par excellence.

J’en suis un exemple parmi tant d’autres. Je suis d’origine arménienne, origine dont je suis fière, et je suis fondamentalement beyrouthine et libanaise.

Beyrouth me ressemble, comme elle ressemble à chacun de ses habitants, aussi différents soient-ils. C’est ce mélange des différences qui fait sa beauté. Mais cette beauté-là, la caste la refuse, la rejette, la combat. Si vous saviez combien de fois j’ai entendu de la part de leurs partisans : « Rentre chez toi, l’Arménienne. » Malheureusement pour eux, quand je rentre chez moi, je ne vais pas bien loin, parce que chez moi, c’est Beyrouth ! Tout plan d’urbanisme fondé sur la collectivité et vivre en communauté, qu’il soit confessionnel, culturel, ou social n’est pas encouragé.

Par conséquent, je subis un harcèlement en continu, de par mon statut d’opposante et de par mon appartenance à un groupe non sectaire prônant l’union d’un peuple libanais autour de ses idéaux nationaux et non pas religieux.

Notre projet est un projet destructeur pour les parties du pouvoir. Leur politique reposait et repose toujours sur la division et la terreur du peuple jusqu’à l’heure du grand réveil national le 17 octobre.

La classe dirigeante s’est trouvée pour la première fois depuis 100 ans face à un citoyen libanais qui lui demandait de partir. Toutes classes, communautés confondues, les Libanais chantaient à l’unisson la mort de leurs « zaïms » (leaders politiques).

C’était du jamais-vu auparavant…

C’est justement pour ça que la classe dirigeante répugne le 17 octobre et voudrait nuire et supprimer toute personne ou idée qui veuille unir les Libanais. Cette classe souhaite des moutons de Panurge et non pas des citoyens ! C’est leur façon bien à eux de rester au pouvoir.

Tant bien que mal, Beyrouth, détruite, en faillite, en pleine crise, résiste contre vents et marées.

Après maintes décennies de destructions, tant matérielles que psychologiques, la caste politique n’a toujours pas cessé de s’acharner. C’est surtout pour ça que nous la combattons, nous ne la laisserons pas ensevelir ce Liban que nous aimons tant. Nous défendons la nature profonde de Beyrouth, généreuse, accueillante, joyeuse, profondément multiple. Notre combat n’est pas uniquement politique ; il est surtout et avant tout humain.

Nous travaillons pour les Libanais : sans exception.

Notre pays est le Liban, notre capitale est Beyrouth. Alors que le pays de la caste politique est la corruption, le clientélisme, l’affairisme, le népotisme, le confessionnalisme ; et que sa capitale est la haine de l’autre, l’intolérance, le chacun pour soi contre les autres.

C’est pour cela que nous devons nous battre.

C’est pour cela que nous devons réussir.

C’est pour cela que nous sommes dans l’obligation de réussir.

Il ne suffit pas de reconstruire les pierres. Les pierres toutes seules ne servent à rien. Des milliers de vies ont été détruites.

Ce sont elles qu’il nous faut reconstruire avant tout.

Des milliers, des dizaines de milliers de vies à reconstruire.

Des hommes et des femmes, des jeunes qui ont vu s’effondrer tout ce qui composait leur vie. Oui, ce sont eux, ce sont elles que nous devons aider à reconstruire.

Mais comment le faire s’ils n’ont ni toit, ni portes, ni fenêtres ? Si leurs foyers sont dévastés ? S’ils ne peuvent avoir un chez-soi ?

Oui, de nombreuses ONG font un travail extraordinaire pour reconstruire des immeubles détruits et endommagés.

Dafa travaille sans cesse, un travail acharné pour aider dans cette reconstruction. Mais les ONG, aussi nombreuses soient-elles, avec toutes les meilleures volontés du monde, ne peuvent remplacer l’État. L’État est la pierre angulaire d’une nation. Sans État, pas de nation, pas de république, et pas de démocratie.

Mais voilà, au Liban il n’y a pas d’État. Il y a un semblant d’État, des semblants d’institutions, un semblant de république, un semblant de démocratie.

Comme un décor de théâtre ou de cinéma. C’est un État en carton qui cache une réalité terrible.

Celle d’un pays régi par des partis confessionnels, de véritables mafias sans scrupules qui ont mis la main sur les institutions, et ne s’en servent que pour leur profit, pour s’enrichir et perpétuer leur pouvoir. Un pouvoir qui leur échapperait si les Libanaises et les Libanais le décidaient. Si la majorité des Libanais s’en détournaient et ne voteraient plus pour eux.

Voilà pourquoi il nous faut reconstruire la citoyenneté.

La responsabilité collective, le sens de la collectivité et les devoirs qui l’accompagnent. Mais il n’est de citoyenneté possible sans État. Il faut donc aussi reconstruire l’État. C’est un chantier gigantesque. Et nous avons besoin de vous, toutes et tous, individuellement et collectivement.

Pas uniquement pour les aides matérielles, qui sont indispensables, mais aussi pour que les nations amies du Liban, la communauté internationale fassent pression sur la caste dirigeante, qu’elles saisissent ses biens à l’étranger, qu’elles imposent de vraies sanctions, qui ne soient pas seulement symboliques.

Nous avons commencé ce gigantesque chantier. Allez-vous nous aider à le poursuivre et à le terminer ? Il le faut pour que nous puissions, au-delà de la reconstruction des pierres, reconstruire des vies, reconstruire la citoyenneté, reconstruire l’État et les institutions de la République.

Reconstruire la démocratie, c’est de l’urbanisme aussi. Merci.

Discours prononcé le 14 septembre 2021 à la Biennale de Venise : Beyrouth renaîtra de ses cendres.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Comme toutes les villes portuaires, Beyrouth a toujours été une ville d’échanges et de mélanges.La diversité est dans sa nature. Elle a fait sa richesse, tant commerciale qu’intellectuelle, tant spirituelle que matérielle. C’est cette richesse-là, cette formidable richesse humaine, que la caste dirigeante veut détruire. Elle s’y emploie depuis la guerre civile. Elle l’a divisée...

commentaires (1)

PRAGMATISME DE RIGUEUR : vu la composition de notre societe, ses contradictions dues aux affiliations de ses citoyens, d'origine relgio cilturelle, il est certain que seuls quelques rares nouveaux elus seront elus en 2022. c a d, qu'il nous faudra bien 3 autres elections pour en voir un assezx grand nomre capable de "finaliser" un changement commence par leurs precurseurs . a commencer par un livre d' histoire VRAIE , UNIFIEE, et un livre ou l'on apprendrait le vrai sens du mot civisme.

Gaby SIOUFI

11 h 36, le 22 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • PRAGMATISME DE RIGUEUR : vu la composition de notre societe, ses contradictions dues aux affiliations de ses citoyens, d'origine relgio cilturelle, il est certain que seuls quelques rares nouveaux elus seront elus en 2022. c a d, qu'il nous faudra bien 3 autres elections pour en voir un assezx grand nomre capable de "finaliser" un changement commence par leurs precurseurs . a commencer par un livre d' histoire VRAIE , UNIFIEE, et un livre ou l'on apprendrait le vrai sens du mot civisme.

    Gaby SIOUFI

    11 h 36, le 22 septembre 2021

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