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Société - Crise

Dans les bureaux de la SG, la ruée sans précédent des Libanais en quête de passeport

Environ 6 000 passeports ont été délivrés tous les jours depuis la mi-juin. Du jamais-vu, motivé par la perspective d’offres d’emploi à l’étranger, la volonté d’émigrer, ou par précaution, compte tenu de la situation au Liban.

Dans les bureaux de la SG, la ruée sans précédent des Libanais en quête de passeport

Les bureaux de la SG à Adlieh accueillent environ 500 personnes chaque jour. Photo Zeina Antonios

Il est 10 heures du matin dans le centre des relations publiques de la Sûreté générale (SG) situé dans le secteur du Musée, à Beyrouth. Plus d’une centaine de personnes venues renouveler leur passeport attendent leur tour à l’intérieur du bâtiment depuis plusieurs heures. Pour être sûrs d’obtenir un rendez-vous, certains ont débarqué dès minuit devant cet immeuble où les documents de voyage sont délivrés en 24 heures, alors qu’il faut normalement attendre une semaine.

Depuis qu’a commencé la crise qui ravage le Liban depuis deux ans maintenant, l’on assiste à une ruée sans précédent pour les demandes de passeport. Certains veulent obtenir ce précieux sésame pour partir travailler à l’étranger ou juste pour émigrer. D’autres, qui n’ont pas (encore) pris la décision de quitter le pays, préfèrent, tout simplement, se préparer au pire.

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Farah, une expatriée d’une quarantaine d’années, ne cache pas sa surprise en découvrant la longue file d’attente devant la SG. Arrivée la veille de Dubaï, cette Libanaise doit renouveler son passeport en urgence pour pouvoir accéder à un nouvel emploi. Mais l’attente s’annonce très longue. « Je suis arrivée au Liban hier soir et je me suis directement rendue au centre à 2 heures du matin pour prendre un numéro. Or, il y avait déjà un monde fou sur place, et je risque de ne pas obtenir de rendez-vous alors que c’est absolument urgent », raconte Farah, la gorge nouée et les larmes aux yeux. Dans leurs bureaux, les employés de la SG commencent à attribuer des rendez-vous vers 5 heures du matin, alors que le centre n’ouvre ses portes qu’à 8 heures. Moyennant des frais supplémentaires de 210 000 LL, les demandeurs les plus pressés peuvent obtenir leur passeport en une journée. « Au départ, on ne voulait pas me laisser entrer. J’ai supplié les employés, je leur ai montré l’offre de travail et les e-mails échangés avec mon employeur. J’ai même pleuré », poursuit Farah. « Cela fait un an et demi que je cherche du travail, je ne sais pas ce que je ferai si je n’obtiens pas mon passeport à temps. J’ai juste peur qu’on me dise que certains documents manquent. Je n’en peux plus », soupire-t-elle.

Une augmentation de 50 %

Comme Farah, des centaines de personnes se massent tous les jours devant les bureaux de la SG, partout dans le pays. Le général Ramzi Ramy, chef du département des relations publiques de la SG, révèle que la demande pour les passeports a augmenté de 50 % en 2021, par rapport aux années précédentes. « Les demandes ont commencé à se multiplier début avril et se sont intensifiées dernièrement. Dans le centre du Musée, nous accueillons 500 personnes par jour en moyenne, alors que nous étions à 250 avant », confie l’officier à L’Orient-Le Jour.

Selon des chiffres fournis par la SG, les autorités délivrent en moyenne, depuis la mi-juin, 6 000 passeports par jour dans tout le pays, répartis comme suit : 2 000 passeports dans le Mont-Liban, 2 500 dans la Békaa, le Sud et le Nord, et un peu moins de 1 000 à Beyrouth (500 dans les locaux du Musée et à peu près 350 dans ceux situés à Sodeco). La SG reçoit également à peu près 400 demandes par jour via LibanPost. Le Liban a donc délivré environ 240 000 documents de voyage en juillet et août, un chiffre assez élevé. Mais aucune statistique officielle ne permet de déterminer la répartition des raisons qui motivent cette frénésie de demandes de passeport. Céline, 68 ans, fait partie de ceux qui ont renouvelé leur document de voyage dernièrement « au cas où ». « J’ai demandé un passeport valable sur dix ans, parce qu’on ne sait jamais. Cela me rappelle le temps de la guerre civile. Nous avions renouvelé nos passeports mon mari, ma fille et moi, au cas où nous serions amenés à partir. Tout le monde faisait cela à l’époque, par mesure de précaution », se souvient-elle.Joe, 40 ans, a effectué les démarches il y a quelques jours afin de pouvoir se rendre en Europe, pour un court séjour, mais aussi parce qu’il compte entamer prochainement des demandes d’émigration. « Je suis arrivé à 3 heures du matin et j’ai attendu qu’on me donne un numéro. C’est absurde de devoir se rendre à la SG à l’aube, mais je me suis dit que ça devait faire partie du processus... On m’a attribué un rendez-vous à 9h du matin, raconte-t-il à L’OLJ. J’envisage sérieusement d’émigrer, je vais commencer les démarches bientôt. Il me fallait donc un document de voyage valide. »

Le général Ramzi Ramy, chef du département des relations publiques de la Sûreté générale. Photo Zeina Antonios

« Il faut se faire pistonner pour tout »

Si la demande est en nette augmentation, le responsable des relations publiques de la SG révèle toutefois qu’un grand nombre de personnes, dont celles qui ont effectué des demandes urgentes, tardent à venir récupérer leur passeport. « Environ 40 % des candidats ne récupèrent pas leur passeport tout de suite, ce qui nous laisse penser qu’ils effectuent les démarches uniquement pour s’assurer un document valide. Certains attendent une semaine ou un mois avant de venir le récupérer », indique le général Ramy. « Nous estimons à 10 % les demandeurs de passeport qui ont émigré en famille », ajoute-t-il. Pour faire face à une telle hausse de la demande, la SG a durci la procédure pour les passeports obtenus en 24 heures. « Nous avons demandé que les gens présentent des billets d’avion pour montrer qu’ils voyagent vraiment, mais certains se présentent avec de fausses réservations », assure le général Ramy. Il appelle en outre les personnes qui n’ont pas urgemment besoin d’un passeport à effectuer les démarches dans les régions où ils résident. L’officier se veut par ailleurs rassurant quant aux prix des passeports qui ne vont pas augmenter car ils sont décidés par le Parlement dans le cadre de son budget annuel. « Contrairement aux rumeurs, il y a assez de papier et de carnets pour octroyer de nouveaux passeports », soutient-il.

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Selon lui, cette ruée peut s’expliquer par le fait que « le passeport biométrique a été lancé il y a cinq ans et que les personnes qui avaient obtenu un passeport d’une validité de cinq ans sont obligées de le renouveler en ce moment ». « Il y a aussi les étudiants qui partent à l’étranger et qui commencent à faire leurs papiers en été. Beaucoup d’expatriés qui passent la saison estivale au Liban en profitent également pour renouveler leur passeport », analyse le général.

C’est le cas de Hassan, la cinquantaine, installé en Afrique depuis de nombreuses années et qui, de passage au Liban pour les vacances, a décidé de renouveler son passeport ainsi que ceux de ses enfants. « J’habite dans le Sud et je suis venu à Beyrouth à 1 heure du matin. Quand je suis arrivé, il y avait déjà à peu près 200 personnes qui attendaient. Ceux qui sont arrivés plus tard n’ont pas eu de rendez-vous », raconte-t-il. « Cela fait deux semaines que je cours dans tous les sens pour obtenir les documents nécessaires, il faut se faire pistonner pour tout », soupire-t-il.

Il est 10 heures du matin dans le centre des relations publiques de la Sûreté générale (SG) situé dans le secteur du Musée, à Beyrouth. Plus d’une centaine de personnes venues renouveler leur passeport attendent leur tour à l’intérieur du bâtiment depuis plusieurs heures. Pour être sûrs d’obtenir un rendez-vous, certains ont débarqué dès minuit devant cet immeuble où les...

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