Quitter le pays et trouver un emploi à l’étranger. Nombreux sont ceux qui n’ont plus que ces mots à la bouche, à l’heure où la crise bat son plein au Liban. S’il est certain que beaucoup de personnes ont émigré dernièrement, il est difficile de mesurer l’ampleur du phénomène, étant donné qu’il n’y a pas encore de chiffres officiels à ce sujet. Une étude publiée récemment par l’Observatoire des crises de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) alerte sur ces départs massifs et estime que des « centaines de milliers » de personnes pourraient quitter le pays dans les années à venir « pour travailler, étudier ou y passer leur retraite ».
« Nous savons que beaucoup aimeraient partir, mais combien ont réellement pu le faire ces derniers mois ? Malheureusement, nous ne disposons pas encore de données là-dessus », confie Nasser Yassin, professeur à l’AUB et directeur de l’Observatoire des crises de l’université. Il révèle par ailleurs que 77 % des jeunes Libanais envisagent d’émigrer ou travaillent activement à quitter le pays. « Il s’agit du taux le plus élevé dans le monde arabe », précise-t-il à L’Orient-Le Jour.
Médecins, infirmiers et enseignants
Face à cette situation, M. Yassin estime qu’on peut aujourd’hui parler d’un « troisième mouvement d’émigration au Liban ». Il rappelle que le premier grand exode a eu lieu entre 1865 et 1916, avec le départ d’environ 330 000 personnes. Le deuxième mouvement a eu lieu durant la guerre civile (1975-1990), avec environ 990 000 départs.
« Aujourd’hui, on remarque surtout le départ de certaines catégories professionnelles, tels les médecins et les infirmiers, ainsi que les enseignants scolaires et universitaires. Bientôt, ce pourrait être le tour des employés du secteur bancaire », avertit M. Yassin.
Selon l’étude publiée par l’AUB, des centaines d’enseignants sont partis vers l’Amérique du Nord et les pays du Golfe l’année dernière. Rien qu’à l’AUB, ce sont 190 enseignants qui ont émigré, soit 15 % du corps enseignant de l’établissement. L’étude cite également le syndicat des infirmiers qui fait état du départ de 1 600 infirmiers depuis 2019. Toujours selon l’étude, une personne sur cinq a perdu son emploi et 61 % des sociétés ont licencié 43 % de leurs employés depuis l’automne 2019. Ce qui pourrait également expliquer les multiples départs du pays.
Marwan, compositeur et producteur de musique de 30 ans, s’est installé en France dès 2019, alors que la crise commençait déjà à se faire sentir. « Déjà, à l’époque, je n’arrivais pas à trouver un emploi stable dans le pays, confie-t-il à L’Orient-Le Jour. En plus, je voulais me marier, et c’était difficile de le faire à cause de la cherté de vie et des loyers exorbitants. On voyait déjà la crise arriver et pas seulement au niveau financier. Il n’y avait plus de liberté d’expression, mais une répression grandissante. »
Un phénomène en cours
Choghig Kasparian, professeure et chercheuse à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) et auteure de plusieurs publications sur l’émigration au Liban, fait remarquer pour sa part « que ce phénomène est actuellement en cours, et de manière aiguë ». « Il y a aujourd’hui une grande masse d’émigration qui se met en place. Ce sont surtout des jeunes, qu’ils soient diplômés ou non, qui s’en vont, ainsi que des couples âgés entre 40 et 50 ans et qui ont des enfants scolarisés. Certains ont du travail ici, mais le désespoir les pousse à tenter de partir », explique-t-elle à L’OLJ.
« Nous remarquons que ceux qui voyagent pour poursuivre leurs études ou travailler, ou bien pour scolariser leurs enfants à l’étranger appartiennent à une catégorie sociale plutôt aisée », indique Mme Kasparian qui dit s’attendre à « un vieillissement de la population avec le temps ». « Il faudra quand même voir si ces départs seront définitifs. Pourrait-il y avoir des retours au pays au bout d’un moment, comme ce qui s’était passé après la fin de la guerre civile ? » se demande-t-elle.
Mohammad, chômeur de 42 ans, est un des nombreux candidats à l’émigration. Ce père d’un garçon de 10 ans a travaillé pendant plusieurs années dans les pays du Golfe en tant que gestionnaire de chantiers de construction, avant de rentrer à Beyrouth. Il est aujourd’hui sans emploi et tente par tous les moyens de quitter le pays à nouveau. « Il n’y pas de stabilité sécuritaire, ni d’infrastructures, encore moins d’emplois à pourvoir, d’autant qu’on me répète que je suis surqualifié », déplore-t-il. « De plus, avec la situation des hôpitaux devenue catastrophique, le rationnement sévère du courant électrique et la pénurie de carburants, je pense qu’il n’est plus possible de vivre ici dans la dignité. J’aimerais travailler à l’étranger pour pouvoir aider ma famille financièrement », ajoute-t-il.
commentaires (7)
ms. Antonios, c'est vraiment etre de mauvaise foi que de passer outre LA VERITE ! qui veut que vs appelez drame n'est qu'une strategie miraculeuse/divine?- strategie executee par nos illustres crapules Kellon ,! non vraiment tant de scepticisme, de negativisme a leur egard ne sont pas permis.Imaginez les monatnts additionnels de $ transferes vers ici par ces expatries? qui feraient augmenter nos avoirs vs.balance de paiment deficitaire? PS. ceci avant la decision de BDL d'arreter les subventions du fuel, apres ceux que RAOUL le C.. avait paufines avec la mafia du business qui profitaient justement de ces transferts.
Gaby SIOUFI
10 h 45, le 03 septembre 2021