
Pour le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, les périodes de trêve sont décidément toujours de courte durée... À peine la page de la longue séquence de la formation du gouvernement tournée, voilà que le leader chrétien ouvre le bal électoral en s’en prenant au président de la Chambre Nabih Berry – qu’il devrait affronter surtout dans le caza de Jezzine – ainsi qu’au chef du courant du Futur, Saad Hariri. Ce faisant, Gebran Bassil croit pouvoir faire d’une pierre deux coups : jouer la carte confessionnelle pour attirer le plus large électorat possible, à quelques mois des législatives prévues en mai prochain, mais surtout marquer son territoire politique après la formation du gouvernement de Nagib Mikati. Cinq jours après la mise en place de ce cabinet, à l’issue de 13 mois de blocage politique, M. Bassil s’est livré à une violente diatribe contre le leader du mouvement Amal, l’accusant, lors d’une interview télévisée mercredi dernier, de « tirer les ficelles » de la nouvelle équipe ministérielle. Pour le leader chrétien, le chef du législatif « demeure capable de faire obstruction » au travail du cabinet. Revenant sur les rapports en dents de scie entre M. Berry et le président de la République, Michel Aoun, Gebran Bassil a fait savoir que le président de la Chambre aurait tenu des propos dans lesquels il jurait de « ne pas laisser (Michel) Aoun gouverner ». La réponse, cinglante, du mouvement Amal n’a pas tardé. Dans un communiqué, celui-ci a rétorqué que M. Bassil était « le seul à ne pas avoir laissé son beau-père gouverner ».
Ce n’est pas la première fois qu’une bataille politique éclate entre le leader du CPL, et plus largement le camp du président Aoun, fondateur de ce parti, et M. Berry. Ce dernier a toujours été un des principaux adversaires politiques de Michel Aoun, qui l’avait défié dans son fief de Jezzine, au Liban-Sud, à plusieurs reprises. Lors du scrutin législatif de 2009, le général Aoun, alors chef du CPL, était même parvenu à battre M. Berry en remportant, en sus du siège grec-catholique (Issam Sawaya), les deux sièges maronites de Jezzine, occupés alors par Ziad Assouad et Michel Hélou à qui Amal Abou Zeid a succédé en 2016. Lors des dernières législatives tenues en mai 2018, le mouvement Amal a pu récupérer un des deux sièges maronites, remporté par Ibrahim Azar, fils de Samir Azar, allié de longue date du président de la Chambre.
C’est d’ailleurs sous un angle électoral que les milieux proches de Aïn el-Tiné perçoivent la dernière attaque de Gebran Bassil contre Nabih Berry. « Nous nous attendons à ce que ce genre de discours devienne plus fréquent avant le scrutin », commente pour L’Orient-Le Jour un proche de M. Berry qui a requis l’anonymat. Il réduit les propos de M. Bassil à une simple « reprise du refrain classique : on ne nous a pas permis de travailler ».
De leur côté, les aounistes s’efforcent d’assurer que les propos de M. Bassil concernant le président de la Chambre ne sauraient être interprétés comme le coup d’envoi d’un nouveau round de la querelle entre les deux camps. « Il s’agit plutôt d’une description de la réalité », précise une responsable du directoire du courant aouniste, pour qui « il est intolérable que l’on soit interdit de formuler des remarques au sujet de l’action d’un leader politique ».
Le gouvernement
C’est surtout au niveau de l’action et des décisions du nouveau gouvernement que les retombées de ce regain de tension entre Nabih Berry et Gebran Bassil se feront sentir. À peine quelques jours après la formation de la nouvelle équipe, M. Bassil veut délimiter son territoire politique. Il adresse ainsi un message clair à M. Berry naturellement, mais aussi au Hezbollah, à Saad Hariri et aux autres composantes gouvernementales : si le CPL a facilité la mise sur pied de l’équipe Mikati, ses batailles politiques restent les mêmes, notamment pour ce qui est de l’audit de la banque centrale et du sort de son gouverneur, Riad Salamé, devenu persona non grata pour Michel Aoun et son camp, accusés de vouloir s’en débarrasser.
« Les effets de la querelle Berry-Bassil se feront sentir quand la question de l’audit juricomptable sera sérieusement discutée en Conseil des ministres », croit savoir notre chroniqueur politique Mounir Rabih. Un tournant d’autant plus décisif que le ministre des Finances, Youssef Khalil, chargé du dossier, est perçu comme proche du président de la Chambre qui est parvenu à l’intégrer à l’équipe Mikati, contrairement au souhait du chef de l’État. Michel Aoun voyait en la nomination de l’ex-directeur du département des opérations financières à la BDL une sérieuse entrave à l’audit au sein de cette institution, cheval de bataille du mandat qui dit mener la lutte contre la corruption.
Quoi qu’il en soit, les aounistes n’ont pas tardé à exploiter la signature, hier, du contrat entre l’État libanais et Alvarez & Marsal, le cabinet international chargé de mener l’audit des comptes de la BDL et d’autres institutions publiques (voir par ailleurs). Sur son compte Twitter, Gebran Bassil s’est félicité du fait que le processus est désormais sur les rails, après « 20 mois de guerre » (contre le CPL de la part de ceux qui n’en veulent pas). Mais un proche du président de la Chambre invite le leader du CPL « à se calmer un peu ». « Je lui rappelle que c’est Ghazi Wazni, ancien ministre des Finances que nous avons nommé, qui a préparé le contrat en question. De quel droit présente-t-il la signature comme un exploit à son actif ? » lance-t-il.
Dans ce contexte, faut-il s’attendre à une intervention incendiaire de Gebran Bassil lors de la séance parlementaire consacrée au vote de confiance, lundi au palais de l’Unesco ? « Wait and see », se contente de répondre un responsable du CPL, tout en tenant à assurer que son parti a « facilité la formation du cabinet pendant treize mois ». « En dépit du fait que nous ne faisons pas partie de l’équipe ministérielle, tout le monde sait que les efforts menés par Gebran Bassil ont permis la naissance de l’équipe, surtout durant les dernières 48 heures. » Mais une source proche du dossier présente une autre version des faits. Selon elle, Nagib Mikati ne s’est rendu à Baabda qu’après la levée de tous les obstacles à la faveur de pressions françaises, alors que tout était prêt depuis la dernière rencontre du Premier ministre avec le président de la Chambre, le lundi 6 septembre, loin des feux de la rampe.« Le gouvernement n’a pu naître que quatre jours plus tard », souligne-t-il, accusant implicitement Gebran Bassil de se tenir derrière ce retard.
Pour le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, les périodes de trêve sont décidément toujours de courte durée... À peine la page de la longue séquence de la formation du gouvernement tournée, voilà que le leader chrétien ouvre le bal électoral en s’en prenant au président de la Chambre Nabih Berry – qu’il devrait affronter surtout dans le caza de Jezzine – ainsi...
commentaires (16)
Commentaire? Pas besoin. Prière voir The Art of Boo daté du 18 septembre (hier) et bien plus que suffisant...
Wlek Sanferlou
13 h 45, le 19 septembre 2021