Comme prévu, le nouveau gouvernement de Nagib Mikati a adopté, jeudi en Conseil des ministres, le texte final de la déclaration ministérielle. Le titre du projet de déclaration est "Ensemble pour le sauvetage" et fait sept pages. Le texte, rédigé par la commission ad hoc qui s'est réunie pendant trois jours successifs depuis lundi, a été adopté à une vitesse record par rapport aux déclarations des gouvernements précédents. Il doit encore être soumis au vote de confiance du Parlement. Selon les informations disponibles, la séance de vote de confiance devrait être fixée par le président de la Chambre, Nabih Berry, au début de la semaine prochaine.
Voici les principaux points du texte final, selon une traduction effectuée par L’Orient-Le Jour :
"Notre gouvernement sollicite votre confiance dans des circonstances qui exigent des approches exceptionnelles pour résoudre les crises, alors que le Liban a frôlé l’effondrement sous l’effet d’une crise économique, sociale, financière inédite dans son histoire moderne. Du fait de cette crise, accompagnée d'un effondrement de la monnaie nationale et d'une hausse des prix, la majorité des Libanais ne se sentent pas concernés par les querelles politiques. Ce qui leur importe, c’est de régler leurs problèmes urgents et assurer leur pain quotidien", peut-on lire dans le texte qui sera adressé aux députés lors de la séance consacrée au vote de confiance.
Avant de développer les solutions qu’il envisage de mettre en œuvre, le gouvernement rappelle dans sa déclaration ministérielle certaines constantes qui guideront son action :
*Respecter la Constitution et le document d’entente nationale, ainsi que tous les traités internationaux dont le Liban est signataire. L'engagement à respecter la résolution internationale 1701 (2006) du Conseil de sécurité et à soutenir les soldats de la Force intérimaire des Nations unies postés au Liban-Sud. Le gouvernement appelle la communauté internationale à mettre un terme aux menaces et violations israéliennes continues de la souveraineté libanaise, ce qui serait à même d’assurer l’application de cette résolution dans son intégralité.
*Appuyer l’armée libanaise et tous les appareils de sécurité, notamment pour ce qui est de la préservation de la sécurité sur le plan interne et du contrôle des frontières ainsi que du renforcement du pouvoir de l’Etat et ses institutions.
*Réaffirmer l’attachement à l'accord d’armistice de 1949 et œuvrer pour poursuivre la libération de tous les territoires libanais occupés. Défendre le Liban face à toute agression et protéger son droit à son eau et ses richesses naturelles par tous les moyens légitimes. Le texte réaffirme le droit des citoyens libanais à la résistance face à l'occupation israélienne et ses agressions et à la récupération des territoires occupés, maintenant le flou autour des armes de la résistance.
*Relancer les négociations (avec Israël) en vue de protéger et préserver les frontières maritimes libanaises.
*Suivre l’action du Tribunal spécial pour le Liban, instauré par la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité, jusqu’à ce que justice soit rendue, en vue de clore ce dossier d’ici au 30 juillet 2022.
* Réaffirmer l’attachement à la résolution 194 du Conseil de sécurité qui insiste sur le droit de retour des réfugiés palestiniens.
*Continuer à œuvrer pour le retour des réfugiés syriens et renforcer les contacts avec la communauté internationale pour faire face à ce fardeau, tout en affirmant le droit de ces réfugiés à un retour sécurisé et le refus de toute implantation quelle qu’en soit la forme ; Appliquer le plan de retour approuvé par le gouvernement libanais, lequel pourrait être révisé si besoin est.
*Pour ce qui est de la politique étrangère, le gouvernement s'engage à "renforcer les relations internationales du Liban, notamment avec les pays arabes frères". Il appelle "les frères arabes à se tenir aux côtés du Liban dans ces circonstances difficiles".
Le texte élabore par la suite la feuille de route que le cabinet propose et s'engage à mettre en œuvre. En voici les principales clauses :
Elections : Pour assurer le bon déroulement du processus démocratique au Liban, et parce que le sauvetage commence par la concrétisation de la volonté des électeurs, le gouvernement s’engage à tenir les législatives dans les délais (mai 2022), ainsi que les municipales. Après l’obtention de la confiance, il prendra toutes les mesures prévues par la loi pour que le scrutin se tienne de façon honnête et transparente.
Dans le domaine financier, la déclaration ministérielle détaille un certain nombres de mesures visant à freiner l’effondrement :
* Relancer les négociations avec le Fonds monétaire international, sur la base d'un traitement "équitable", en quête d’un accord autour d’un plan de sauvetage à court et moyen termes, parallèlement à la mise sur les rails des réformes connues dans tous les domaines, conformément à un ordre de priorité et dans l’intérêt général.
*Reprise des négociations avec les créanciers pour une restructuration de la dette nationale de façon à préserver l’intérêt du Liban et à minimiser son poids sur l'Etat libanais. Sous le précédent gouvernement, rappelons-le, le Liban a fait défaut sur ses eurobonds (dette en devises). Le cabinet s'engage en outre à optimiser l'utilisation des droits de tirage spéciaux (DTS), afin d'en profiter de manière soutenable.
*Respecter toutes les clauses de l’initiative française et mettre à jour le plan de redressement financier ; poursuivre la politique de réforme économique présentée par le Liban à la conférence dite CEDRE (Paris, avril 2018) après avoir réévalué la liste des projets présentés dans le programme d'investissement (Capital Investment Program, CIP) ; mettre à profit le plan du cabinet de conseil McKinsey, notamment pour soutenir les secteurs productifs, afin de passer d'une économie de rente à une économie productive.
* Autre passage important, celui qui a trait au secteur bancaire. Le texte s'engage à "réformer le secteur bancaire et à le restructurer là où cela s'avère nécessaire". Dans le brouillon de la déclaration, il était question d'un "plan d’assainissement du secteur bancaire". Cette formulation allégée a finalement été modifiée. Pour certains médias et analystes, notamment proches du Hezbollah, l’expression la plus judicieuse depuis la crise économique et financière serait celle de la "restructuration du secteur bancaire" et c’est celle suggérée par la présidence de la République, selon eux.
Le cabinet s'engage en outre à redynamiser l'activité économique, ce qui pourrait contribuer à financer le secteur privé, tout en accordant la priorité à la préservation des droits et de l’argent des déposants.
*Collaborer avec la Chambre pour que soit votée la loi sur le contrôle des capitaux et pour l'élaboration d'une loi en vue de résoudre les crises financières et bancaires survenues après (le soulèvement du) 17 octobre 2019 ; appliquer la loi 214 du 8/4/2021 sur la récupération des biens mal-acquis.
*Ajuster les salaires du secteur public pour toutes les fonctions, à la lumière d’une étude qui sera effectuée par le ministère des Finances et qui prendra en considération les ressources financières de l'Etat et la trésorerie publique. En parallèle, œuvrer à réactiver la commission de l'indice (de cherté de vie) et faire le nécessaire pour le réajustement des salaires du secteur privé.
*Œuvrer pour fermer les points de passage illégaux et renforcer le contrôle des passages légaux, au moyen d’instruments modernes.
*Limiter l’évasion fiscale et amender la loi de la comptabilité publique.
*Approuver le budget 2022 et y inclure des clauses portant sur des réformes visant à améliorer les finances publiques.
Autres clauses importantes à relever :
Le pouvoir judiciaire : compléter les nominations au Conseil supérieur de la magistrature, finaliser les nominations et permutations judiciaires et œuvrer pour que soit votée la loi portant sur l’indépendance de la Justice ; accélérer les procès et se pencher sur la situation des prisons.
Lutte contre la corruption : émettre les textes pour mettre en application les lois relevant de ce dossier ; finaliser la nomination des membres de la commission nationale de lutte contre la corruption.
Un autre point saillant du texte porte sur l’audit juricomptable de la Banque du Liban et des administrations publiques, un dossier cher au président de la République Michel Aoun. Le texte fait mention de ce point dans cette même partie intitulée "Lutte contre la corruption", citant les comptes de la Banque du Liban, mais aussi ceux des ministères, des offices autonomes, des conseils et des caisses et des institutions publiques.
Dans le texte, les programmes des différents ministères sont détaillés séparément. Un passage très attendu concerne le secteur de l’énergie. Le gouvernement s'engage dans ce contexte à augmenter les heures d’alimentation en courant électrique et œuvrer pour diversifier les sources d’énergie, en accordant la priorité au gaz naturel et aux sources d’énergie renouvelable.
Un passage très attendu, toujours dans la partie relevant du secteur de l’énergie, concerne la construction des nouvelles centrales. Rappelons que cette clause du plan présenté par l’ancienne ministre Nada Boustani en 2019 prévoyait la construction de trois centrales dont deux seulement ont été retenues (la troisième, située à Selaata et chère au président du Courant patriotique libre Gebran Bassil, n’avait pas été jugée indispensable). Le texte de la déclaration ne précise pas le nombre de centrales, mais utilise l’expression "ce dont le pays a besoin" pour produire de l'électricité en partenariat avec le secteur privé. Il mentionne également la poursuite du projet portant sur les unités flottantes de stockage et de transformation du gaz liquéfié (FSRU). Ces unités sont importantes pour l'acheminement du gaz égyptien au Liban (dans le cadre de l'initiative américaine).
Le cabinet s'engage à lancer un nouvel appel d'offres sur l'attribution des licences d'exploration de la Zone économique exclusive (ZEE) au large des côtes du pays.
Il s'engage en outre à restaurer le réseau des télécommunications mobile et fixe pour assurer la pérennité des services du secteur et établir une vision pour le réformer axé sur le PPP (partenariat public privé).
Enfin, sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, le gouvernement Mikati souligne son attachement à "la poursuite de toutes les investigations afin que les causes de la déflagration soient dévoilées et que tous les coupables soient traduits en justice". Au sujet des immunités, le cabinet se dit prêt à la coopération avec la Chambre "dans tout ce qui est prévu par la loi".
commentaires (15)
Je pensais que Najib Mikati serait un peu plus intelligent que ce torchon de déclaration fourre tout sans queue ni tête. Je suis déçu et je crains que la prochaine collection automne hiver 2021/2022 ne soit pas du tout à la hauteur
Lecteur excédé par la censure
16 h 48, le 20 septembre 2021