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Claude Imbert, le triomphe de la volonté

Claude Imbert, le triomphe de la volonté

© Jean-Pierre Müller / AFP

Claude Imbert, un Romain en liberté de Jean-Luc Imbert, préface d’Étienne Gernelle, De Fallois, 2021, 300 p.

La biographie qui nous est offerte aujourd'hui aurait pu tout aussi bien s'intituler « La gloire de mon père ». Le fils de Claude Imbert (1929-2016) en est l'auteur et nous dresse, avec une belle écriture classique, un portrait plutôt intime de son père. L'ouvrage ne suit pas la chronologie, mais se propose d'éclairer la personnalité étonnante du fondateur de l'hebdomadaire Le Point sous plusieurs aspects qui se recoupent et finissent par donner un portrait complet et subtil.

Claude Imbert est une nouvelle illustration de ce que pouvait être l'ascenseur social français au XXe siècle. Né dans une famille modeste de l'Aveyron, il devint ainsi un des journalistes les plus marquants de son temps avec Pierre Lazareff. Son père, fils de paysans, avait déjà franchi le pas en s'installant à Paris. Le fils put faire de bonnes études au lycée Carnot. Très vite, il s'intéressa aux lettres, au latin et au grec en particulier qui lui donnèrent la rigueur, la causticité et la précision de son style.

Correspondant de l'AFP, il séjourne dans sa jeunesse en Afrique (qu'il ne cessera plus de chérir toute sa vie). Puis il est embauché à L'Express où il excelle, avant que l'on ne lui confie la création du Point qu'il fonde sur trois principes : la vérité, l'irrespect et le non-conformisme. « Le Point, écrira-il dans le premier numéro, est fait pour être utile à ses lecteurs, et non pour diriger leur conscience ou leurs votes. » À une époque où le journal d'opinion dominait la scène (mais ne la domine-t-il pas encore, après tout ?), un tel positionnement suscita au cours des années, de tous les côtés, la colère et l'incompréhension. Un jour qu'un ministre se montre désagréable avec lui, il lui répond : « Le Point existera toujours alors que vous ne serez plus ministre depuis longtemps. » Ses journalistes pouvaient également compter sur son soutien dès lors qu'il les avait adoubés.

Avec ce livre, c'est aussi toute une époque qui revit. Claude Imbert a formé certains des journalistes les plus prestigieux que l'on voit encore dans les médias : Alain Duhamel, Catherine Nay, Philippe Tesson, Christine Ockrent et tant d'autres. Il a très bien connu les présidents de la République, Georges Pompidou, en particulier, qu'il admirait, Giscard sur lequel il était réservé, Mitterrand dont la complexité l'intriguait, etc. On croisera également Michel Rocard avec lequel les relations furent plus intimes.

Intransigeant, réservé quand il le faut, l'homme est également chaleureux et bon vivant. « Il cuisinait admirablement bien, nous dit son fils (...). Chaque repas s'apparentait à une cérémonie. » Claude Imbert est aussi excellent violoniste et, dans cette vie stressante, épuisante, qu'il mène, il trouvera dans la musique un apaisement qu'il ne cessera de rechercher.

On reste impressionné par l'étendue des compétences de cet homme « Pantagruel » comme le dit si bien Étienne Gernelle dans sa préface. Rien ne le rebute. Il aime le travail, il aime la vie, il est curieux de tout, et il sera ainsi jusqu'au bout. C'est aussi le triomphe de la volonté.

Une belle leçon de vie, une idée du bonheur...


Claude Imbert, un Romain en liberté de Jean-Luc Imbert, préface d’Étienne Gernelle, De Fallois, 2021, 300 p.La biographie qui nous est offerte aujourd'hui aurait pu tout aussi bien s'intituler « La gloire de mon père ». Le fils de Claude Imbert (1929-2016) en est l'auteur et nous dresse, avec une belle écriture classique, un portrait plutôt intime de son père. L'ouvrage ne suit pas...

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