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Moyen-Orient - Éclairage

Les enjeux du sommet de Bagdad

Les enjeux du sommet de Bagdad

Des membres des forces spéciales irakiennes se déploient dans les rues de Bagdad, le 27 août 2021, avant un sommet régional. La rencontre vise à donner à l’Irak un « rôle fédérateur » pour faire face aux crises qui secouent la région, selon des sources proches du Premier ministre irakien Moustapha al-Kazimi. Ahmad al-Rubaye/AFP

Le sommet régional qui doit se tenir aujourd’hui à Bagdad peut, de prime abord, surprendre. L’Irak doit affronter crises économique et sanitaire, coupures d’eau et d’électricité, et composer avec la matérialisation de dissensions régionales et internationales aiguës sur son territoire. Et pourtant, il parvient à tirer son épingle du jeu en s’imposant dans l’arène diplomatique comme un interlocuteur digne d’intérêt auprès d’acteurs que tout ou presque divise. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, l’Iran, la Turquie, l’Égypte, la Jordanie et la France… tous participent à ce rendez-vous inédit. Avec l’objectif affiché de désamorcer les tensions dans la région et d’aboutir, in fine, à des accords sur des questions pressantes telles que la guerre au Yémen, l’effondrement du Liban, la sécurité maritime ou encore la raréfaction de l’eau.La personnalité du Premier ministre Moustapha Kazimi n’y est pas pour rien. « Il essaye de rapprocher ses alliés, non seulement pour la coopération régionale, mais aussi pour montrer aux Irakiens que son gouvernement est capable de s’engager dans les affaires internationales de façon à résoudre les crises et à réunir des rivaux », résume Zana Gulmohamad, maître de conférences à l’Université Edge Hill. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2020, M. Kazimi tente de jouer les équilibristes entre les deux ennemis jurés que sont Téhéran et Washington, tout en approfondissant les liens du pays avec d’autres puissances au Moyen-Orient. « Les Irakiens comptent sur la bonne volonté et les relations solides que le Premier ministre a construites lorsqu’il était à la tête du service des renseignements », commente Steven Cook, chercheur au sein du Council on Foreign Relations. « C’est à peu près tout ce que l’Irak peut mettre sur la table, mais c’est suffisant pour que la rencontre ait lieu aujourd’hui. »

Secousses

Pour les pays du Golfe, l’organisation du sommet arrive à point nommé. La crise afghane provoquée par le retrait en cours des troupes US a confirmé aux yeux de Riyad et d’Abou Dhabi l’importance d’un apaisement avec leurs adversaires, alors que Washington leur paraît comme un allié de moins en moins fiable. « De plus en plus, les États du Golfe comprennent que les États-Unis ne sont peut-être pas toujours disposés à agir pour garantir leur sécurité, et la pandémie de Covid-19 a mis en évidence leur besoin de consacrer leurs efforts et leurs ressources à la reprise économique et à la croissance », note Elham Fakhro, analyste au sein du Crisis Group. « Ces deux facteurs les ont motivés à poursuivre la désescalade au niveau régional et à essayer de raccommoder les liens avec leurs rivaux régionaux. »

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Priorité du sommet, la nécessaire détente entre Riyad et Téhéran, dont l’hostilité mutuelle s’est aggravée dans le sillage de l’intervention militaire au Yémen de la coalition conduite par l’Arabie saoudite en mars 2015. Leurs relations ont été rompues en janvier 2016 après le saccage de représentations diplomatiques saoudiennes en Iran par des manifestants en colère, suite à l’exécution dans le royaume wahhabite du cheikh chiite Nimr al-Nimr. À l’automne 2019, les installations pétrolières saoudiennes d’Abqaiq et de Khurais ont été attaquées au drone dans le cadre d’une action revendiquée par les rebelles yéménites houthis – proches de Téhéran – mais imputée par l’Arabie saoudite et Washington à la République islamique. Or, au cours du mois d’avril, des annonces officieuses ont relaté le déroulement de réunions entre Riyad et Téhéran à Bagdad allant dans le sens d’une désescalade, dans un contexte marqué par la reprise des négociations entre les États-Unis et l’Iran en vue de réactiver le deal sur le nucléaire torpillé par Washington en 2018. Les positions ultraconservatrices de la nouvelle administration iranienne pourraient ne pas fondamentalement changer la donne. Si la République islamique considère que des sujets tels que son programme balistique ou encore son réseau de supplétifs régionaux constituent des lignes rouges, elle ne peut aujourd’hui faire abstraction de la diplomatie pour desserrer l’étau autour d’elle alors qu’elle est confrontée à une crise socio-économique sans précédent. Le président iranien Ebrahim Raïssi a d’ores et déjà déclaré ne pas voir « d’obstacles » au rétablissement des liens avec Riyad. Invité à participer au sommet régional, M. Raïssi n’a pas encore confirmé sa venue à l’heure de mettre sous presse. En revanche, une délégation présidée par le chef de la diplomatie Hossein Amir-Abdollahian devrait se rendre en Irak. Du point de vue de Bagdad, l’apaisement entre les deux grands est crucial. L’Irak est aujourd’hui l’un des pays les plus sensibles aux secousses régionales, d’autant qu’il abrite sur son territoire une multitude de milices affiliées à Téhéran. M. Kazimi a en outre initié un rapprochement avec Riyad ces derniers mois dans le but de diversifier ses soutiens diplomatiques et financiers.

Pas clair

Les États-Unis et l’Iran ne sont toutefois pas les seuls acteurs en Irak. L’invitation d’Ankara au sommet de Bagdad s’explique autant par son activisme sur plusieurs dossiers régionaux que par son implication directe sur le territoire irakien. L’armée turque mène régulièrement des opérations contre les bases arrières du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord du pays. Des violations de la souveraineté nationale que Bagdad ne peut condamner qu’à demi-mot puisqu’Ankara est l’un de ses principaux partenaires commerciaux. De manière plus générale, la Turquie s’est, au cours de la dernière décennie, retrouvée de plus en plus isolée : opposée au Caire, à Abou Dhabi, à Riyad et, dans une moindre mesure, à la France en Libye ; dans le camp adverse de Téhéran en Syrie; à couteaux tirés avec ses voisins en Méditerranée orientale. Les relations avec l’Égypte se sont en outre brutalement dégradées après le coup d’État de juillet 2013 contre Mohammad Morsi, issu de la mouvance des Frères musulmans, dont le parti au pouvoir en Turquie, l’AKP, est proche. Idem avec l’Arabie saoudite après l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat de son pays à Istanbul. Ankara a pâti en interne de ses mauvaises relations, notamment sur le plan économique, et tente, depuis plusieurs mois, de rectifier le tir, bénéficiant pour cela de la dynamique inaugurée en janvier par la levée de l’embargo imposé depuis 2017 par Riyad au Qatar, allié de la Turquie. « L’Irak a travaillé comme intermédiaire entre l’Iran et l’Arabie saoudite et, semble-t-il, entre la Turquie et l’Égypte », dit M. Cook. « Il y a eu des progrès dans les relations de la Turquie avec l’Égypte ou encore les EAU. Il n’est cependant pas clair dans quelle mesure cela est le résultat des efforts irakiens. »

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Face à l’hégémonie de l’Iran, de la Turquie et de l’Arabie saoudite dans la région, un front réunissant Bagdad, Le Caire et Amman s’affirme par ailleurs progressivement depuis mars 2019. Pour l’Irak, il s’agit en partie de s’insérer dans un axe arabe qui pourrait contrebalancer la mainmise du voisin iranien sur sa politique intérieure. Pour l’Égypte et la Jordanie, il s’agit de retrouver une influence régionale qui s’est érodée au profit des pays du Golfe. Seul participant extrarégional à l’événement, le président français Emmanuel Macron qui se rendra pour la deuxième fois en moins d’un an en Irak. L’Élysée présente Paris comme le coorganisateur du sommet et explique vouloir « manifester son soutien au rôle pivot de l’Irak, à la lutte contre le terrorisme et au développement du pays, et contribuer à la baisse des tensions ». La France fournit à l’Irak un appui militaire, notamment aérien, avec près de 600 hommes sur place dans le cadre de la coalition internationale de lutte contre l’État islamique. La visite de M. Macron intervient alors que les États-Unis ont officiellement annoncé à la faveur d’une visite de M. Kazimi à Washington en juillet la fin de leur mission de combat dans le pays au profit d’une mission de consultation et d’entraînement, dans les faits déjà à l’œuvre.

Le sommet régional qui doit se tenir aujourd’hui à Bagdad peut, de prime abord, surprendre. L’Irak doit affronter crises économique et sanitaire, coupures d’eau et d’électricité, et composer avec la matérialisation de dissensions régionales et internationales aiguës sur son territoire. Et pourtant, il parvient à tirer son épingle du jeu en s’imposant dans l’arène...

commentaires (2)

je trouve curieux qu'aucun membre de l'honorable cartel des KELLON & allies(analystes, decrypteurs et autres experts/journalistes) n'aient pas encore trouve a redire oiu a commenter la-dessus, par ex. demander ou se trouve le pauvre LIBAN dans tout ca ! de la a accuser les USA d'interdire aux participants la moindre tentaive de l''inclure dans leurs discussions...

Gaby SIOUFI

09 h 29, le 28 août 2021

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Commentaires (2)

  • je trouve curieux qu'aucun membre de l'honorable cartel des KELLON & allies(analystes, decrypteurs et autres experts/journalistes) n'aient pas encore trouve a redire oiu a commenter la-dessus, par ex. demander ou se trouve le pauvre LIBAN dans tout ca ! de la a accuser les USA d'interdire aux participants la moindre tentaive de l''inclure dans leurs discussions...

    Gaby SIOUFI

    09 h 29, le 28 août 2021

  • Beaucoup de dossiers sur la table des négociations.

    Tabet Ibrahim

    08 h 55, le 28 août 2021

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