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Moyen-Orient - FOCUS

Dans l'ombre de la guerre, l'Iran durcit sa répression contre les femmes

Le régime est accusé de profiter de l'escalade régionale pour se livrer à une « guerre de grande échelle à l'encontre de toutes les femmes ».

Dans l'ombre de la guerre, l'Iran durcit sa répression contre les femmes

Une femme passe devant une banderole représentant des missiles de lancement portant l'emblème de la République islamique d'Iran, dans le centre de Téhéran, le 15 avril 2024. Atta Kenare/AFP

L’anecdote peut sembler dérisoire face à la dangereuse escalade à laquelle la République islamique et Israël se livrent depuis quelques semaines. Elle donne pourtant le pouls d’un régime iranien qui, face au risque accru d’une guerre à l’échelle régionale, resserre son étreinte sur sa population, notamment féminine, traquant les atteintes à sa loi islamique jusque dans les stades de football. Ce mardi, le gardien de but et capitaine de l’Esteghlal FC, club iranien basé à Téhéran, a été convoqué devant un tribunal pour une affaire survenue le 12 avril à l’issue d’un match qui opposait son équipe à l’Aluminium Arak FC, de la province de Markazi. Célébrant la victoire du club téhéranais, une supportrice avait fait intrusion sur le terrain avant de se jeter dans les bras de Hossein Hosseini. Quelques secondes d’accolade qui déclenchent aussitôt la fureur des agents de sécurité et deviennent très vite une affaire d’État. Et cela pour deux raisons principales : la jeune femme, descendue des gradins réservées au public féminin, ne porte pas le hijab obligatoire et le contact physique entre personnes de sexe opposé n’est autorisé dans la loi islamique qu’entre les membres d’une même famille.

L’épisode met en lumière un durcissement constaté du régime à l’égard de sa population depuis quelques semaines. Alors qu’un responsable sécuritaire à Téhéran avait annoncé en décembre 2022 le démantèlement de la police des mœurs, chargée notamment du contrôle vestimentaire, en réaction au mouvement « Femme, vie, liberté », de nombreuses voix iraniennes rapportent au contraire son redéploiement renforcé dans les rues du pays. Face aux récalcitrantes, les autorités iraniennes auraient en outre redoublé de violence, affirme Narges Mohammadi, journaliste et militante incarcérée dans la prison d’Evin. Dans un message vocal qu’elle a réussi à diffuser depuis sa cellule et publié en tribune dans Le Monde, la Prix Nobel de la paix 2023 dénonce la « guerre à grande échelle à l’encontre de toutes les femmes », mentionnant notamment les sévices physiques et sexuelles subies par les prisonnières.

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Un moyen de garder la face alors que de nombreux observateurs estiment que le régime est au pied du mur face aux risques d’une guerre directe contre l’État hébreu. « En même temps qu'il attaque Israël, sur ordre d'Ali Khamenei, l’Iran a relancé la guerre contre les femmes avec plus d'intensité qu'auparavant afin de cacher sa défaite en tant que puissance mondiale », a réagi dans un communiqué le collectif des « Mères du Parc Laleh », du nom de ce collectif de femmes dont les enfants ont été tués lors des manifestations de 2009. Pour la militante des droits humains et avocate iranienne Shirin Ebadi, « la guerre principale de la République islamique est contre le peuple iranien : vous avez vu comment le régime est descendu dans la rue dès le début de la semaine à la recherche des femmes et des filles d'Iran », en faisant référence aux jours qui ont suivi l’allocution de l’ayatollah Khamenei, le 10 avril, dans laquelle il promettait de se venger d’Israël. Pour l’ancienne juge s’exprimant sur Radio Farda, le régime a lancé un « crime ouvert contre les femmes dans les rues d'Iran en abusant du contexte de guerre ». Et l’affaire visant le jeune footballeur n’en est qu’un exemple de plus.

La politique des gradins

Tandis que Hossein Hosseini est exfiltré vers les vestiaires, les mesures punitives prises par la fédération tombent : le gardien de but est condamné à une amende de trois milliards de rials (environ 4 500 dollars) et un match de suspension pour ses actions « non professionnelles et dépassant les obligations légales d'un joueur ». Alors que le sort de la supportrice est resté inconnu, le joueur a assuré vouloir payer l’amende « pour le bien de la fan ». Des propos qui, selon l'agence de presse officielle iranienne, IRNA, auraient aggravé son cas et l’exposeraient à une nouvelle amende. Indignés par cette décision, les supporters du club d’Esteghlal FC, dont certains avaient scandé « Honte à vous » en s’adressant aux forces de l’ordre, ont même proposé de contribuer au paiement de l’amende, tandis que certains grands noms du football iranien sont montés au créneau. « Dans quel cadre juridique peut-on être confronté à une interdiction pour un acte de compassion à l'égard d'une jeune fille simplement passionnée de football ? » s’insurge ainsi Mansour Rshidi, ancien gardien de but de l'équipe nationale iranienne de football très appréciée de la population, cité dans plusieurs médias locaux.

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Le milieu sportif iranien a par le passé déjà joué un rôle dans la contestation du régime, en s’emparant notamment de la question de l’oppression des femmes. En 2019, un drame avait mis un coup de projecteur sur leur exclusion des événements sportifs. Sahar Khodayari, surnommée la « Fille bleue » s’était immolée dans la rue après avoir appris sa condamnation à six mois de prison pour avoir assisté à un match de football, déguisée en homme. L’affaire avait sonné la levée de cette interdiction pour les femmes, bien que les autorités limitent leur présence par des contrôles stricts, malgré les appels répétés de la Fédération internationale de football (FIFA) vers plus d’inclusion. En 2022, le footballeur iranien ​​Amir Nasr-Azadani avait écopé de 26 ans de détention, accusé par le régime d’avoir participé à l’assassinat de trois membres des forces de sécurité alors qu’il participait au mouvement de révolte déclenché en septembre de la même année par la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée pour un voile mal ajusté. Quelques semaines après le début des manifestations, lors du mondial de football organisé à Doha, l’équipe nationale iranienne était restée muette au moment de leur hymne, en soutien aux victimes de la répression du régime face au mouvement « Femme, vie, liberté ».

L’anecdote peut sembler dérisoire face à la dangereuse escalade à laquelle la République islamique et Israël se livrent depuis quelques semaines. Elle donne pourtant le pouls d’un régime iranien qui, face au risque accru d’une guerre à l’échelle régionale, resserre son étreinte sur sa population, notamment féminine, traquant les atteintes à sa loi islamique jusque...

commentaires (3)

S'il est une leçon à tirer de cet événement c'est que les Iraniens vivent bien, le gardien de but est condamné à une amende de trois milliards de rials... Encore plus riches qu'au Liban !!! Ce durcissement puéril des lois dénote un affaiblissement supplémentaire des dirigeants iraniens, ils procèdent tout simplement à l' éradication de l'élasticité culturelle éclectique qu'avaient les Iraniens.

C…

16 h 56, le 25 avril 2024

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Commentaires (3)

  • S'il est une leçon à tirer de cet événement c'est que les Iraniens vivent bien, le gardien de but est condamné à une amende de trois milliards de rials... Encore plus riches qu'au Liban !!! Ce durcissement puéril des lois dénote un affaiblissement supplémentaire des dirigeants iraniens, ils procèdent tout simplement à l' éradication de l'élasticité culturelle éclectique qu'avaient les Iraniens.

    C…

    16 h 56, le 25 avril 2024

  • Personne ne devrait s'intéresser à cela maintenant . Priorité à l'éviction de Natanyahou et au cessez-le -feu à Gaza . Une fois la tranquillité revenue, nous errons ! Mais priorité à l'encouragement de toutes les puissances qui oeuvrent pour la démission de Satanyahou , d'abord et avant tout , s'il vous plaît , ne nous déconcentrons pas , ça jouerait contre nous !

    Chucri Abboud

    16 h 17, le 25 avril 2024

  • "Quand ta ferveur s'éteint, tu fais durer l'empire par les gendarmes. Mais si les gendarmes seuls peuvent le maintenir, c'est que l'empire est déjà mort" (Saint-Exupéry. Citadelle)

    Yves Prevost

    07 h 17, le 25 avril 2024

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